Qui finance les campagnes sur le don d’organes ? Les labos et le contribuable
Qui finance les campagnes de promotion du don d'organes ? Les laboratoires pharmaceutiques, fabricants d'immunosuppresseurs, ces médicaments que les greffés prennent à vie (jusqu'à 30 cpr/jr) et ... le contribuable (vous et moi) ... dans un contexte légal de consentement présumé au don de nos organes à notre mort ... Tout le monde est présumé consentir au don de ses organes à sa mort, c'est la loi ... Bienvenue dans un monde où l'information ne s'affranchit jamais de la promotion ... A l'insu de notre plein gré, nous consentons ... et nous payons ... Dans ce meilleur des mondes, les labos vendent leurs médicaments anti-rejet ... et cela fait de l'emploi ... Mais est-ce vraiment le meilleur des mondes ? Petite enquête ...
Vous pouvez poser vos questions sur les transplantations d'organes sur la plateforme http://www.vosquestionssurlagreffe.fr/ jusqu'au 28 juin 2011. Cette plateforme est l'oeuvre de l'Agence de la biomédecine, dans le cadre de la journée nationale de réflexion sur le don d'organes (22 juin). Voici ma question, posée au Professeur Christophe Duvoux, responsable du programme de transplantation hépatique à l'hôpital Henri-Mondor, Créteil.
Pr. Duvoux : "A la fin de mon internat dans le Service d’Hépato-gastro-entérologie à l’hôpital Henri Mondor (Créteil), j’ai suivi une formation à la transplantation hépatique dans le service du Pr Houssin à l’hôpital Cochin. Puis j’ai pris en charge les aspects médicaux du programme de transplantation hépatique de l'hôpital Henri Mondor, qui s’est développé à partir de 1989. Je suis aujourd’hui Professeur des Universités - Praticien hospitalier dans ce même service, avec la responsabilité des aspects médicaux de l’activité de transplantation hépatique. L’avènement de la transplantation hépatique représente l’une des avancées majeures dans le traitement des maladies du foie en phase terminale. C’est une activité extraordinaire qui associe une technique chirurgicale complexe et la combinaison de nombreuses expertises. La greffe hépatique consiste à retirer le foie malade de la cavité abdominale et à implanter le greffon, sur le même site anatomique, en reconnectant les différentes structures vasculaires et la voie biliaire entre le greffon et le receveur. L’intervention dure environ 5 heures en fonction des équipes et des techniques utilisées. C’est principalement une chirurgie des vaisseaux et de la voie biliaire.
La demande en transplantation hépatique est considérable. Quantitativement, c’est la deuxième activité de greffe après le rein, avec plus de 1 000 greffes hépatiques réalisées par an en France. La première indication de greffe hépatiques est aujourd'hui le cancer primitif du foie qui représente 30 à 35 % des indications (contre 13 % au début des années 2000). Ce pourcentage a presque triplé du fait de l’épidémiologie des cancers du foie, liée à l’épidémie d’hépatite C, du fait d'un cercle vicieux – virus de l’hépatite C - cirrhose du virus C - cancer du foie. Les autres indications sont restées à peu près stables. La deuxième indication est la cirrhose grave, toutes causes confondues.
En ce qui concerne les taux de survie, nous obtenons aujourd’hui environ 70-75 % de survie à 5 ans toutes indications confondues et entre 60 et 70 % de survie à 10 ans pour des situations qui en l'absence de greffe exposent à un risque inéluctable de décès dans un délai de 48h à 2 ans en fonction des indications.
Discuter de greffe avec un patient, c’est en filigrane une question de vie ou de mort, mais aussi une situation qui suscite beaucoup d’espoir. Si la personne est finalement reconnue apte à être transplantée, on lui offre un énorme espoir de guérison, un gain de vie considérable et un retour à une vie normale dans la majorité des cas. C'est une activité complexe qui met en jeu des aspects à la fois philosophiques, psychologiques, médico-chirurgicaux, scientifiques, technologiques, administratifs, organisationnels et au final une activité profondément humaine.
Je pratique cette activité depuis 20 ans et c’est quelque chose que je ne pourrai jamais réellement banaliser." (Source)
Catherine Coste : Bonjour Professeur Duvoux,
Pourrions-nous parler un peu des redoutables effets secondaires des immunosuppresseurs, ces médicaments que les greffés doivent prendre à vie ? A ce sujet, je souhaite vous faire passer un message de la part de Steve Jobs, le patron d'Apple. Comme vous le savez sans doute, Steve a été greffé du foie en été 2009. Au printemps 2011, je lui faisais remarquer cette bien curieuse (ambigue) alliance entre un discours public sur le "don d'organes", chargé d'informer le "santoyen", vu que le "consentement présumé" est inscrit dans la loi en France, et le financement des laboratoires pharmaceutiques fabricants d'immunosuppresseurs, qui ont donc directement intérêt à promouvoir le don d'organes ... et qui, donc, financent le discours public sur le "don d'organes". Que dire d'une information qui ne s'affranchit jamais de la promotion ? Steve a parlé d'une alliance (mésalliance) entre Bisounours et Baraccudas ... Bisousnours se dit "CareBears" en anglais ...
22 juin 2011 : journée nationale de "réflexion sur le don d'organes" chez les Gaulois. Bon ... Je réfléchis ... Tiens, le 22 juin c'est le début des soldes d'été ... et le Jour National du Don d'organes ... Faut y penser un jour par an, et plus du tout le reste du temps ?! Loin des yeux loin du coeur ... Au fait ... A quand un débat contradictoire sur le sujet des transplantations d'organes ? Les citoyens commencent à le réclamer ... On pourrait discuter sur le thème "Il est pas frais mon poisson ?" ... Tout le monde connaît ce poissonnier de la BD "Astérix" ...
Que viennent faire les labos pharmaceutiques dans le Don d'organes ? Vendre des médicaments immunosuppresseurs, et financer le discours public sur le don d'organes ... La greffe n'est pas la panacée ... Elle permet de faire reculer la maladie - donc elle donne un sursis, mais sursis ne veut pas dire guéri(e) ... Qui va avoir le coeur d'expliquer aux parents de la petite greffée cardiaque vue au JT de 20h30 sur la 2 que l'espérance de vie d'un enfant greffé du coeur ne peut rejoindre celle d'une personne "lambda" ? Les immunosuppresseurs permettent à l'organisme du receveur de tolérer l'organe greffé. Mais en même temps, pour ce faire, ils affaiblissent les défenses immunitaires dudit organisme ... ce qui permet à la maladie initiale, combattue par la greffe, de revenir au galop (infection, cancer, diabète, insuffisance rénale) ... C'est ainsi que le big boss d'Apple, Steve Jobs, greffé du foie il y a deux ans, souffre à nouveau du cancer ... qui l'avait conduit à subir une greffe du foie ... Steve n'a pas prévu de revenir aux commandes d'Apple ... Son état de santé ne le lui permet pas. "Avec ma greffe du foie, j'ai eu deux ans de sursis", confiait-il récemment ... avant d'ajouter, avec un petit rire un peu sec (gêné, amer, ironique ? qui sait, en tout cas : chargé d'émotion) : "Je comptais sur dix ans ..." Ceci n'est que fiction ? Ou non ? A vous de décider ... Quoi qu'il en soit, cette (non -) fiction nous enseigne à :
•Ne pas confondre promotion et information : est-il normal que l'information grand public sur le don d'organes soit financée par les laboratoires pharmaceutiques fabricants d'immunosuppresseurs, ces médicaments aux redoutables effets secondaires que les greffés doivent prendre à vie ? Le conflit d'intérêts est flagrant ...
•Ne pas rater le train de l'innovation : la greffe n'est pas la panacée ... Quelles alternatives ? Gageons que les vendeurs de logiciels (pour le coeur artificiel, mais pas seulement) et autres "PharmaGenics" (utilisation des cellules souches dans la médecine de remplacement, notamment pour régénérer le foie) et banques de sang de cordon ombilical vont mettre le doigt sur ces dysfonctionnements qui
a) taillent aux vendeurs d'immunosuppresseurs la part du lion dans ce qu'il faut bien appeler "le business de la transplantation d'organes" ...
b) enterrent avec zèle et succès les dossiers "Alternatives à la transplantation d'organes et au don de moelle osseuse" depuis 30 ans dans le cas du sang de cordon ombilical, depuis 7 ans dans le cas de l'alternative à la greffe cardiaque - une micro-turbine pour permettre au coeur de récupérer, sans compter le coeur artificiel de chez Carmat qui se profile mais n'est pas encore au point, et les imprimantes 3D qui vont permettre de régénérer des organes et des tissus ...
La bataille entre BioTechs + GenoTechs d'un côté et labos pharmaceutiques vendeurs d'immunosuppresseurs de l'autre ne fait que commencer, pas sûr que l'Europe, très bioconservatrice (conservatrice du système du médicament tel qu'il est - heureusement qu'on a le Pr. Bernard Debré et le Pr. Philippe Even pour se battre contre ce système et ses dérives, et tenter des réformes :-) arrive à monter dans le train de l'innovation - made in China, made in Hong-Kong, made in Singapour, made in USA, made in (South) Korea ...
Made in Gaule !?! J'vois pô d'train à l'horizon ... Juste un étal de poissons ... Et y a pô intérêt à v'nir dire qu'y sont pô frais, comme dirait Titeuf ...
Courtoises salutations.
Catherine Coste
http://ethictransplantation.blogspot.com/
==> Lire la réponse institutionnelle de l'Agence de la biomédecine sur le financement des campagnes de promotion du don d'organes :
"Pour répondre à votre question sur le financement du discours public sur le don d’organes, la communication pilotée par l’Agence de la biomédecine est en totalité financé par de l’argent public. Dans le cadre de sa mission d’information du grand public, l’Agence pilote toute l’année un dispositif d’information sur le don d’organes, dont fait partie la campagne nationale de communication menée autour du 22 juin. Le budget alloué à ce dispositif est de 2,21 millions d’euros par an. Il est voté par le conseil d’administration de l’Agence de la biomédecine, qui est composé de représentants des différents ministères et établissements à caractère sanitaire, et de personnalités qualifiées dans ses domaines de compétences. Le budget de l’Agence de la biomédecine est composé de subventions provenant de l’Etat et de la CNAM."
Mon commentaire :
Novartis SA (NYSE : NVS) est un leader mondial dans le domaine des produits pharmaceutiques, médicaments immunosuppresseurs que les greffés doivent prendre quotidiennement à vie, et de consumer health. En 2003, le Groupe Novartis a réalisé un chiffre d’affaires de USD 24,9 milliards et un résultat net de USD 5,0 milliards. Novartis entretient des relations régulières avec France Adot. "Nous touchons la société civile par de multiples biais. Historiquement, nous sommes de longue date engagés dans le domaine de la greffe. Novartis est le découvreur de la première molécule antirejet, la Ciclosporine, mise à disposition du corps médical en 1984. Ce produit a permis de diminuer substantiellement le rejet des greffes et a totalement transformé le paysage de la transplantation d’organes. Plus de vingt ans plus tard, nous sommes toujours présents et fortement impliqués dans le domaine de la greffe. Nous sommes en contact avec tous les leaders d’opinion et tous les acteurs du corps médical impliqués dans la greffe : autorités de santé, médecins, infirmières, équipes de coordination, etc."
"Nous cherchons à développer notre impact auprès de la société civile par l’intermédiaire de notre site Internet (http://www.transplantation.net/) et des associations de patients. Nous avons décidé de soutenir financièrement la Fondation Greffe de Vie, qui est complémentaire à toutes les actions que nous entreprenons. Novartis soutient financièrement de façon régulière plusieurs associations de patients comme Trans-forme, Trans-Hépat ou encore la FNAIR [Fédération Nationale d'Aide aux Insuffisants Rénaux, la plus grande association de défense des intérêts des deux tiers des 15.000 patients en attente de greffe en France, Ndlr.] , à l’occasion d’actions de sensibilisation du grand public comme la Semaine du rein ou la course du cœur, organisées chaque année. Enfin, notre site web fait la promotion du don d’organe, nous permet d’informer le grand public et de rassurer les greffés potentiels et leur famille." (Source : Novartis, Elisabeth Dufour, Directeur Marketing du pôle Immunologie et transplantation.)
Il se trouve que dans ma famille, j'ai quelqu'un qui a travaillé aux ressources humaines à Novartis Rueil Malmaison durant 20 ans. Cette personne m'a confirmé ce que je savais déjà, car ce n'est en rien un secret : Novartis et d'autres labos ont financé et financent bien des campagnes de communication sur le don d'organes orchestrées par France ADOT. Si vous demandez à Christian Cabrol, figure emblématique de l'ADOT, il vous confirmera.
La question que se pose l'Agence de la biomédecine, ou que l'on lui pose régulièrement, est : une information qui ne s'affranchit jamais de la promotion du don peut-elle être garante d'un consentement éclairé ? Car pour que le consentement soit libre (et non "donné" à l'insu de son plein gré), il faut que le consentement soit éclairé. Or l'information ne s'affranchit jamais de la promotion. C'est le constat objectif qui ressort des faits exposés ici.
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