Zemmour n’a rien dit.
Pour vraiment dire quelque chose, il faut s’incendier, se consumer, se cramer, s’immoler.
Lorsqu’Alexandre a demandé à Diogène ce qu’il pourrait faire pour lui rendre service, le SDF lui avait répondu « Ôte-toi de mon soleil »
Il s’agissait là du maximum possible de Diogène et il s’en était fallu d’un cheveu qu’Alexandre ne lui fracasse le crâne.
C’est ça se cramer complètement. Se vider, se retrouver à poil, sans aucune défense.
Zemmour, à position équivalente, aurait convoqué toutes sortes d’autorités, les plaçant de son côté. Il ne se mouille pas, il mouille des défunts dans ses discours.
Puisque toute l’humanité, toute la problématique de l’Homme est entièrement contenue en chacun de nous (aux limites sexuelles et culturelles près, et encore), chacun de nous devrait pouvoir tout piger seul et devrait être capable de défendre ses visions sans convoquer quelque tuteur, garant ou caution.
Débattre à partir de son seul corps, sans renvoyer constamment à mille et un autres auteurs ou penseurs, sans renvoyer frénétiquement à des « liens », c’est cela parler avec ses tripes.
Parce que la société oblige à un vernis de respectabilité, on ne dit rien qui ne soit déjà dit en se planquant sous ce vernis de respectabilité. Pour dire quelque chose de personnel, il ne faut pas s’habiller de sociétal, il faut se foutre à poil.
Un des critères de respectabilité et d’autorité du coup, consiste à savoir, à être informé, à être cultivé. Que peut-on dire de neuf et d’intéressant quand on se blinde d’une autorité fondée sur le savoir ? Que peut-on dire d’outre-culture quand on récite la culture.
Dans ce « Ôte-toi de mon soleil » prononcé par un misérable au roi du Monde, il n’y avait ni savoir, ni science, ni culture, ni titre, ni gloire, ni autorité sociale. Il n’y avait qu’un homme seul et très vulnérable.