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Accueil du site > Tribune Libre > Ce qui m’a déplu chez Eric Zemmour

Ce qui m’a déplu chez Eric Zemmour

Notre polémiste national a fini samedi dernier son contrat dans une émission qui lui a permis de faire connaitre ses idées et de prendre une part de la popularité jusque-ici réservée aux élites médiatiques tout en étant légèrement moins consensuel.

Incroyable personnage que cet Eric Zemmour ; avec lui, le public a découvert quelqu’un qui semblait cramponné à ses convictions qu’il défendait corps et âme et surtout qui dégageait une spontanéité et une sincérité comme on n’en retrouvait plus guère que chez un candidat de télé réalité en fin de course. N’était-ce pas attirant cet homme qui défendait de vraies idées et qui n’a jamais cherché à être complaisant ? On n’était pas forcément d’accord avec lui, il faut dire que peu de gens auraient pu avoir exactement les mêmes convictions : Défendre le modèle patriarcal de la famille, croire –comme Hobbes - que l’homme est mauvais de nature, admirer Napoléon et la République, défendre l’existence des races, reprocher aux politiques de se réclamer de la morale, défendre le protectionnisme économique, reprocher aussi bien à BHL qu’à Booba d’être communautaires, etc. La liste de ses positions (qui relèvent d’une certaine cohérence, il faut le reconnaitre) tranchées et pas vraiment fédératrices est bien longue. Et le plus surprenant dans le phénomène médiatique qui l’a entouré est que beaucoup l’ont suivi en dépit de leurs désaccords avec lui : Ainsi, on a eu l’UMP, parti qui ne cesse de dénoncer le protectionnisme, qui l’a reçu dans un débat et l’a acclamé, les catholiques de droite qui reprochent à la gauche et aux élites en place en général leur manque de morale qui se sont ralliés à celui qui reproche à cette même gauche d’être trop morale, les antisionistes qui admirent sa liberté de ton quand il reproche aux sionistes d’être communautaristes alors qu’il leur a adressé exactement le même reproche et ainsi de suite. Je pourrais continuer longtemps à évoquer de nombreuses sensibilités qui se sont retrouvées autour d’Eric Zemmour alors qu’il apparaissait paradoxalement comme l’individu médiatique le moins fédérateur qu’on ait pu faire. Il a cassé les lois existantes dans les médias : Il ne faut plus être le plus conciliant possible au risque de ne plus sembler sincère mais justement être sincère et tranchant pour rassembler. Certes il a eu des adversaires et des adversaires plutôt virulents à son égard mais quelle personnalité médiatique n’en n’a pas eu ?

Dans les premiers temps qui ont succédé à sa découverte, j’ai pris Eric Zemmour pour quelqu’un qui avait substitué la culture à la réflexion, qui était persuadé que sa consommation boulimique de bonnes lectures suffisait amplement comme légitimité dans le débat d’idées et qui n’avait donc pas fait l’effort d’une véritable réflexion au-delà de ses préjugés par fainéantise ou par confort intellectuel. Je l’ai considéré comme un sophiste, quelqu’un qui ne se souciait pas beaucoup de la vérité, de l’éthique ou de la justice mais qui n’avait d’autre but que d’imposer ses opinions sur la place publique avec l’objectif que chacun sait : La fusion d’une partie de l’UMP et du FN en un grand parti républicain de droite au sein duquel ses idées prospéreraient. Mais avec le temps, je lui ai trouvé une autre dimension, j’ai découvert la cohérence idéologique que pouvaient révéler ses positions, j’ai compris qu’une véritable pensée existait derrière ce curieux personnage, une pensée très contestable, certes mais une pensée entière et cohérente. La pensée réactionnaire existe en effet en France depuis très longtemps et est une composante incontournable du débat intellectuel. Et Eric Zemmour incarne très solidement la pensée réactionnaire : Napoléon avait déjà dit en son temps « Je n'apprécie pas les femmes qui se mêlent de politique » et son célèbre code civil instituait les inégalités entre les sexes et Joseph de Maistre, un des principaux penseurs réactionnaires, considérait les droits de l’homme comme contraires à l’ordre politique et social. On pourrait multiplier les rapprochements, le constat resterait le même : Eric Zemmour est l’un des héritiers contemporains les plus fidèles des réactionnaires en France. Je ne critiquerai pas ses positions, elles sont les facettes d’une pensée que je conteste et je pense que ça ne serait pas extrêmement intéressant, ses contradicteurs étant déjà nombreux et pertinents (la plupart, du moins). Je considère qu’il est parfaitement en droit de s’exprimer sur la place publique et médiatique et qu’il est même utile puisqu’il oblige les forces progressistes à modifier, affiner ou même revoir leurs positions au lieu de bénéficier d’un consensus assez dangereux pour un pays démocratique. Tout en étant en désaccord avec Zemmour, je le trouve néanmoins plus intéressant et enrichissant que des individus comme Caroline Fourest, Mohamed Sifaoui ou Bernard-Henri Lévy puisqu’il a la qualité d’être plutôt honnête.

Mais j’aurais deux reproches à lui adresser au-delà de nos divergences idéologiques. Le premier, c’est de s’être placé en héritier de la pensée réactionnaire, justement. En effet, le fardeau est lourd à porter et quand beaucoup s’enthousiasment devant sa liberté d’esprit, je me demande si justement il ne s’est pas rendu prisonnier d’un passé intellectuel trop dense et aliénant. Que l’on revendique des influences de tel ou tel penseur, c’est tout à fait normal et courant mais on n‘en demeure pas moins - à priori - libre penseur, autonome et critique alors qu’Eric Zemmour, lui, a tendance à déballer un catéchisme assez prévisible puisqu’il est tout simplement celui de la Réaction et au lieu de donner le sentiment que ses idées s’affinent, se développent avec le temps, il laisse penser que ses interventions ne sont qu’autant d’occasions de dévoiler de nouvelles facettes de la pensée réactionnaire. Là où ses admirateurs voient dans ses oppositions avec certaines personnalités politiques et médiatiques autant de preuves de son esprit critique, je le vois - dans la plupart des cas - simplement énoncer les divergences entre leurs idées et la pensée réactionnaire qu’il défend en essayant de mettre en évidence la supériorité de cette dernière. Et m’est avis que ce problème lui joue et lui jouera des tours. Le second reproche que j’aimerais lui adresser semblera bien léger à certains mais je l’énoncerai quand même : Je trouve son lexique particulièrement lassant. Qui a déjà entendu Eric Zemmour faire une phrase sans l’un de ses termes favoris comme Bien-pensance, Droit-de-l’hommisme, Pensée unique, Antiracisme, Politiquement correct, etc ? On a là un véritable lexique auquel le journaliste adore avoir recours et je pense que c’est à ses dépens. Même si ce vocabulaire est particulièrement en vogue dans les milieux populaires et chez l’extrême droite, je le trouve assez inconvenant dans la bouche de celui qui se pose en défenseur de la langue française (Celle-ci n’a-t-elle pas assez de termes pour exprimer plus subtilement et élégamment les idées qu’il fustige ?) et qui proclamait, il y a peu, « l’esthétique est une éthique » alors que toute phrase hantée par l’un de ces termes me semble tout de suite une atteinte à la beauté littéraire presque aussi dérangeante que le langage djeuns. Je pense enfin que ce lexique qu’il affectionne contribue aussi à faire en sorte qu’il soit caricaturé par ses détracteurs puisqu’ils peuvent prétendre que derrière ces termes qui ne sont pas des arguments, Zemmour cache son racisme, ses idées haineuses, etc.

Si Eric Zemmour voulait acquérir plus d’importance sur la scène intellectuelle de notre pays, je lui suggérerai donc - c’est mon avis, il peut être erroné - de faire preuve de plus d’esprit critique quant à ses propres thèses et de plus de finesse dans son vocabulaire quand il s’attaque à ce qu’il nomme « La Pensée unique. »


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39 réactions à cet article    


  • Cocasse Cocasse 28 juin 2011 10:32

    Il y a pas mal de bon dans la pensée « réactionnaire » de zemmour. Certes pas tout, mais au point où on en est, c’est nécessaire de contrebalancer la pensée unique. Et il le fait bien.


    • Georges Yang 28 juin 2011 10:34

      Bref vous proposez un Zemmour encore plus cultivé
      Une sorte de Michel Onfray en plus méchant


      • Michel Dupont Michel Dupont 28 juin 2011 10:58

        Évidemment, cela va de soi, quand on a un esprit critique, on ne regarde que des choses qui nous conviennent, on ne s’ouvre pas à ce qui peut avoir des défauts.

        Car il s’agit bien de ça, cette émission est bien dédiée à une promotion des « artistes » plutôt assommante mais Laurent Ruquier a eu le mérite de s’ouvrir à des individus avec une autre vision de l’art et d’en faire ses chroniqueurs et ça, je le respecte.

        Alors monsieur, je vous le laisse cet esprit critique qui ne se contente que de ce qui n’a pas de défaut (exigence légèrement paradoxale au vu du nombre de fautes de français que contient votre message).


      • Tiberius Tiberius 28 juin 2011 11:08

        Je ne sais pas s’il existe des races humaines, je sais en tout cas qu’il existe des associations de défense des Noirs. Ce qui implique que les Noirs ont le sentiment d’appartenir à une communauté humaine distincte et entendent collectivement mettre en avant leurs intérêts par rapport à ceux des non-noirs...

        Alors, comme le dit Zemmour, le fait que les races n’aient pas d’existence biologique définissable importe finalement bien peu, puisqu’elle ont une réalité sociale on ne peut plus effective.


        • Laratapinhata 28 juin 2011 14:00

          Voilà un des sujets qui m’ont toujours laissée perplexe :

          -il existe des associations de défense des noirs (sous quels nom, exactement ?), l’union des étudiants juifs de France... que dirait-on de communautés qui s’intituleraient associations de défense des blancs, ou union des étudiants non-juifs de France ?


        • Tiberius Tiberius 28 juin 2011 14:55

          Tout à fait !

          L’existence du CRAN (Conseil représentatif des associations noires) n’émeut personne. Des hommes comme Aimé Césaire se sont fait les chantres de doctrines qui célèbrent le fait d’être Noir (la négritude) et ils ont reçus pour cela les honneurs de la république.

          Mais il faut croire que racisme n’a pas la même laideur d’où qu’il vienne  car celui qui oserait lancer une doctrine qui célébrerait sa race blanche serait quant à lui immanquablement jeté en prison. Et tout le monde hurlerait au retour du nazisme...


        • Furax Furax 28 juin 2011 16:54

          Oui, mais heureusement, d’autres que Zemmour se sont prononcés sur le sujet

          Rions un peu :

          "En avril 2007, une deuxième édition des États généraux est organisée avec la participation du socialiste Dominique Strauss-Kahn qui se prononce en faveur des « statistiques de la diversité » pour mieux évaluer les discriminations pesant sur les minorités visibles[9].

          « C’est une bonne chose […] on ne traite un problème que quand on accepte de le regarder en face. […] Il faut nommer la réalité des problèmes si on veut agir contre les discriminations […] en matière de représentation politique, le petit pas en avant fait pour les beurs n’existe absolument pas pour les Noirs. »

          Dominique Strauss-Kahn"


          dans


          http://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_repr%C3%A9sentatif_des_associations_noires_de_France


        • LeBobby 28 juin 2011 22:34

          En posant ces questions tu fais abstraction de l’histoire qu’il y a derrière nous, et qui plus est d’une réalité actuelle qui nous confirme chaque jours un peu plus que non, ce ne sont pas les blancs et les non juifs qui sont discriminés. 
          Qui plus est, il me semble que si des communautés se sont créées c’est plus par réaction que par action spontanée. 


        • Tiberius Tiberius 29 juin 2011 01:13

          @ LeBobby

          Si l’existence de communauté de Noirs ou de Juifs a pu se justifier jadis, il n’existe plus aucun argument qui vaudrait encore aujourd’hui pour justifier pareils regroupements car autant que je sache, il y a longtemps que les Blancs ont cessé de célébrer leur supériorité raciale et je ne connais du reste aucune association de défense des intérêts des Blancs. 


        • LeBobby 29 juin 2011 11:32

          @ Tiberius : 

          Les blancs ne célèbrent plus leur supériorité raciale car elle n’existe simplement pas, et n’a donc pas lieu d’être célébrée. Cependant même sans revendications explicites, je pense que certains événements sont encore aujourd’hui susceptibles de créer des regroupements, si. 

        • James James 28 juin 2011 11:46

          Polémiste est bien le mot ! parce que derrière la marque Zemmour il n’y a rien, le vide !
          Anticonformisme de pacotille ,dénonciation des petits périls « qui menacent » le socle républicain, joignant ainsi sa voix à celle de tous les théoriciens de la menace.Comment un tel personnage, qui a construit sa notoriété médiatique sur sa capacité à flatter les bas instincts populaires, est il devenu une sorte de pape de la pensée ? Son hyper présence médiatique n’ est qu’ un gage de sa servilité au système dominant.


          • Michel Dupont Michel Dupont 28 juin 2011 11:53

            Il m’arrive de me demander si la plupart des commentateurs ne vont pas sur des sujets qui les intéressent que pour sortir leurs opinions là-dessus au lieu d’essayer de découvrir un regard différent.


          • Tiberius Tiberius 28 juin 2011 13:08

            @ Michel Dupont

            Avez-vous songé que si les commentaires portent sur les idées secondaires, c’est peut-être aussi parce que les idées principales n’ont pas retenu l’attention des lecteurs ?...


          • Michel Dupont Michel Dupont 28 juin 2011 13:29

            @ Tiberius : Je vous accorde que j’ai pu écrire des choses parfaitement inintéressantes, mais ce que je déplore ce n’est pas qu’on ne s’y intéresse pas ou qu’on aborde des points secondaires mais plutôt que certains semblent venir commenter uniquement pour nous sortir ce qu’ils pensent déjà, ils ne sont pas là dans une optique de dialogue mais de prosélytisme (et dans ce cas-là, tout ce que je pourrais produire - bon ou mauvais - aura peu de chances de les intéresser).

            @ Musima : Je n’emploie pas le terme « réactionnaire » dans un sens péjoratif, je cherchais juste à identifier la pensée à laquelle appartient Eric Zemmour. Sinon, je suis tout à fait d’accord avec vous.


            • luluberlu luluberlu 28 juin 2011 14:42

              Pauvres naïfs, il se sert de çà pour bouffer, et çà marche, sa sincérité n’est pas en cause. Pour ce que seront les concéquences de ces discours et shémas de pensée, l’histoire béguéra elle aura le OK..


              • En.marge 28 juin 2011 14:59

                Notons en outre qu’il n’hésite pas à travestir la vérité.
                Comme il y a quelques semaines, lors d’une émission où fut reçu Claude Allègre.
                Tandis que celui-ci mentait à propos de Hulot (qu’il prétendait conseillé par un expert pro-nucléaire alors que celui-ci - J.-M. Jancovici - n’a fait que consulter pour la Fondation), Zeymour déformait l’idée de revenu de vie (ou salaire à vie) en le mettant en concurrence avec le salaire issu du travail, alors qu’il s’agit de l’y ajouter. Difficile, dès lors que cette confusion était faite, de ne pas compatir avec la frustration de l’ouvrier ou de l’employé voyant son voisin paresseux gagner presque autant que lui sans rien foutre, tel que Zeymour le décrivait, trémolos indignés dans la voix (et lourd sous-entendu à « voisin paresseux »).
                Au final, Zeymour s’est avéré n’être qu’un éditocrate comme les autres, mentant sans jamais se corriger, déformant la réalité en fonction de l’intérêt de son discours.
                Pur produit de la société du spectacle et de son oligarchie médiatique, son seul mérite aura été de tenir moins de propos « attendus » que son pitoyable comparse, affligeant représentant d’une pensée « de gôche » à bout de souffle à force de s’être compromise.


                • le poulpe entartré 28 juin 2011 19:35

                  Hé oui, Zemmour, le réactionnaire rabougri, comme ses idées, n’est qu’à la moitié du parcours. Mauvais en littérature, bon en rien ; il devra produire un travail personnel et de vrais efforts pour arriver à devenir la référence incontestée dans le mensonge. Pour l’instant, il en est loin mais il cogite, il dévore des livres pour se donner un semblant de réflexion, en se drapant dans celles des autres. Une précieuse ridicule bien à l’image de l’hexagone ; sa tête en a d’ailleurs la forme. Démoulé trop chaud probablement.


                • easy easy 28 juin 2011 17:55

                  Zemmour n’a rien dit.

                  Pour vraiment dire quelque chose, il faut s’incendier, se consumer, se cramer, s’immoler.

                  Lorsqu’Alexandre a demandé à Diogène ce qu’il pourrait faire pour lui rendre service, le SDF lui avait répondu « Ôte-toi de mon soleil »
                  Il s’agissait là du maximum possible de Diogène et il s’en était fallu d’un cheveu qu’Alexandre ne lui fracasse le crâne.
                  C’est ça se cramer complètement. Se vider, se retrouver à poil, sans aucune défense.


                  Zemmour, à position équivalente, aurait convoqué toutes sortes d’autorités, les plaçant de son côté. Il ne se mouille pas, il mouille des défunts dans ses discours.

                  Puisque toute l’humanité, toute la problématique de l’Homme est entièrement contenue en chacun de nous (aux limites sexuelles et culturelles près, et encore), chacun de nous devrait pouvoir tout piger seul et devrait être capable de défendre ses visions sans convoquer quelque tuteur, garant ou caution. 

                  Débattre à partir de son seul corps, sans renvoyer constamment à mille et un autres auteurs ou penseurs, sans renvoyer frénétiquement à des « liens », c’est cela parler avec ses tripes.

                  Parce que la société oblige à un vernis de respectabilité, on ne dit rien qui ne soit déjà dit en se planquant sous ce vernis de respectabilité. Pour dire quelque chose de personnel, il ne faut pas s’habiller de sociétal, il faut se foutre à poil.

                  Un des critères de respectabilité et d’autorité du coup, consiste à savoir, à être informé, à être cultivé. Que peut-on dire de neuf et d’intéressant quand on se blinde d’une autorité fondée sur le savoir ? Que peut-on dire d’outre-culture quand on récite la culture.

                  Dans ce « Ôte-toi de mon soleil » prononcé par un misérable au roi du Monde, il n’y avait ni savoir, ni science, ni culture, ni titre, ni gloire, ni autorité sociale. Il n’y avait qu’un homme seul et très vulnérable.












                  • Michel Dupont Michel Dupont 28 juin 2011 19:01

                    Que Diogène incarne un absolu, une totalité sans compromis tout à fait séduisante, je le conçois bien volontiers, il me fascine également. Cependant peut-on ramener tous les penseurs à Diogène ? Et donc toutes les pensées à son cynisme, qui me semble être la seule voie pour accéder à ce dépouillement qui vous fascine tant ? Je ne pense pas. Je ne dis pas qu’on a besoin de Zemmour en particulier, mais je pense qu’on a besoin d’une diversité de penseurs et donc de pensées.


                  • easy easy 28 juin 2011 20:34

                    Il n’y aurait que des Diogène, il n’y aurait pas de société.

                    Lorsqu’une paramécie ou amible se déplace, c’est par ses marges, le centre suit. 
                    Une société évolue par ses marges, par ses marginaux ou par ceux du centre qui parfois vont faire un discours depuis la marge. 


                    En moyenne des individus, chacun de nous devrait passer beaucoup de temps à dire le mainstream et oser parfois se mettre à poil, se dépouiller de tout costard de centre ville et poser une proposition de marge. 


                    Il y a les âges qui jouent.
                    Quand on a 17 ans et qu’on n’a pas encore son smoking, on est souvent plus disponible pour jouer les trublions de la marge. Puis on reviendrait au centre mainstream pour se marier et avoir des gosses, puis, les gosses étant grands, on devrait avoir le réflexe de repartir à la marge au lieu de pantoufler dans ses palmes académiques.

                    Ca c’est un schéma de principe, c’est histoire de montrer qu’un troupeau doit comporter un centre et aussi des éclaireurs en tête aussi bien que des retardataires en queue. Que certains d’entre nous n’aient, de toute leur vie, jamais l’audace de passer quelque temps en marge, c’est bien possible. Ce qui oblige d’autres à y passer toute leur vie, sur cette marge. 


                    De la part d’un leader d’opinion, j’attends qu’il s’exprime à la marge en se mettant à poil. Ce que peut dire un académicien ne me semble d’aucun intérêt. Or Zemmour n’est ni plus ni moins qu’une sorte d’académicien blindé d’autorisations et ne prenant jamais aucun risque. 

                    Dans toutes ces émissions les rhéteurs sont placés au centre de la salle, donc au coeur du coeur du mainstream (et quand un trubion force le passage pour se faire entendre, il vient d’un fond de la salle)



                    Les hommes politiques qui occupent la plus grand part de l’espace de parole sérieux et qui font les lois, ont l’obligation de rester de manière très stable et constante au centre d’un sous-groupe social. (Là, il y a Marine qui a opéré un recentrage de son discours en considérant une cible électorale plus large)
                    Il y a donc une constante politique versant dans le mainstream (mainstream de chaque sous-groupe politique) 

                    Comme ce centralisme des discours politiques est très hégémonique, comme Zemmour a forcément calqué sur leur centrisme, il parle depuis le même centre et ne peut pas nous livrer la moindre idée neuve. 



                    Qui alors ? 

                    Qui parle parfois à la marge et bouscule le mainstream ?
                    Et bien des quidams qui, sans l’avoir fait exprès, à leur corps défendant, se retrouvent à la marge. C’est par exemple le cas de certains malades, qui souffrent plus que d’autres, d’une maladie hyper spéciale et qui, soudain, font entendre un cri d’être nu et posent que se suicider devrait être un droit, un honneur, un devoir, que sais-je.
                    Ou alors une mère qui décide d’offrir son utérus à sa fille. Quel tremblement dans les idées !


                    C’est aussi les Soltjenitsyne, Hugo, Dostoïevsky, Cervantes, qui s’étant retrouvés à poil dans des exils forcés ou des bagnes, ont produit des discours extraordinaires de nouveauté. 
                     


                  • Michel Dupont Michel Dupont 28 juin 2011 22:34

                    C’est très intéressant comme regard.


                    J’apporterai quelques nuances. Zemmour fait bien partie du « mainstream » dans le sens où il n’est qu’un opposant classique, qui a recours à des arguments historiques, utilisés depuis des siècles. Il est dans un schéma de pensé tout à fait traditionnel en se revendiquant lui même comme réactionnaire, il s’inscrit dans la dualité qui caractérise l’évolution classique, lente. Mais les idées qu’il défend, il les tiens de quelques marginaux qui ont eu des idées révolutionnaires auparavant (je pense d’une certaine manière à Hobbes et l’idée d’un homme mauvais de nature) et il se retrouve comme une sorte de moyen de faire passer ces idées dans la société par le biais du Mainstream.

                    Il ne fait clairement pas partie de ceux qui sont susceptibles de bouleverser le débat intellectuel en étant ce marginal qui, d’une idée novatrice, fait la nouvelle donne de la société. Mais ces êtres-là existent-ils vraiment ? Certes Soltjenitsyne, Hugo, Dostoïevsky, Cervantes ont pu avoir des mots révolutionnaires pour leur époque mais par d’autres aspects, ils étaient bien traditionnels. Et leur idée révolutionnaire s’est-elle concrétisée à travers eux ? Non pas vraiment, c’est plutôt quand elle a été absorbée par ce mainstream et exprimée par des intellectuels moyens, classiques qu’elle a pu changer la société (comme Zemmour pour Hobbes).

                  • easy easy 29 juin 2011 08:40

                    Très intéressante votre remarque.

                    Il y a donc, comme pour le protozoaire, un message d’interface avec l’inconnu qui est émis par les marges et qui parvient au centre. Ce centre tient compte des messages divers envoyés par toutes les marges et décide un mouvement coordonné vers....

                    Alors oui, vous avez bien vu.

                    Si des cris doivent venir de la marge, ils doivent être digestés par des médiateurs centraux qui vont les traduire en langage et grammaire compréhensible par la masse centrale. Il faut donc des médiateurs-digesteurs-interprétateurs-traducteurs


                    Mais jamais Zemmour ne m’a semblé nous traduire un cri de marge.

                    Un marin pêcheur, un condamné à mort, un bagnard, un mineur, ce sont là des gens qui vivent des situations de marge et qui n’ont pas accès aux tribunes. Et bien Hugo et Zola ont fait exploser leur voix en plein milieu de notre société. L’abbé Pierre aussi lors de son appel. Lui aussi nous a soudain fait entendre le cri des SDF. Quel choc !
                    Et il avait proposé une formule de digestion de ce choc. Il avait dit « Pas de panique, aidons-les et leur cri diminuera » Il a non seulement rapporté et médiatisé ce cri mais il a proposé une solution parfaitement sociétale : la solidarité.


                  • Michel Dupont Michel Dupont 29 juin 2011 10:24

                    En fait, pour continuer la métaphore biologique (je savais que choisir spécialité SVT pour ma terminale me servirait à quelque chose), Hugo, Zola ou l’Abbé Pierre ne sont pas tant les émetteurs en marge qui envoient le message au centre mais plutôt les messagers qui portent ce message de ces émetteurs et qui le délivrent au centre qui se charge, lui, de mettre en place le mouvement adapté. L’Abbé a initié Emmaüs mais le mouvement s’est agrandi, s’est développé, a pris de l’ampleur par l’action d’autres individus. Hugo a dénoncé la peine de mort, mais son abolition a eu lieu par la main des politiques (et surtout longtemps après la dénonciation qu’il en a faite). Zola initie un mouvement contre la partialité de la justice, ses aberrations, les collusions entre militaires et politiques, il tire ce message de la marge « Dreyfus » et le livre au centre « Justice » qui va opérer la digestion de l’information et le mouvement nécessaire. Notre centre actuel opère un mouvement depuis quelques années qui va dans le sens de l’évolution permanente, ce mouvement, on l’a nommé progrès. Mais depuis quelques marges, on entend des messages qui disent que la direction ne serait pas forcément bonne, qu’il faudrait arrêter ou ralentir le mouvement pour réfléchir sur la meilleure façon de l’orienter. En Zemmour et sa portée médiatique, sa culture, son discours assez classique, ils ont trouvé un moyen d’expression pour se faire entendre du centre. En ce moment nous vivons une digestion de cette information et une confrontation de celle-ci avec celle qui nous sert pour l’instant de repère dans le mouvement actuel de la cellule.


                  • easy easy 29 juin 2011 14:55

                    Oui, la biologie est une mine.
                    Il ne me semble pas possible que les principes qui font les protozoaires ne se retrouvent pas dans les coagulats ou colonies que sont les métazoaires et aussi dans les sociétés que forment ces métazoaires quand ils sont grégaires.

                    Il y a de la fractalité dans les principes de vie

                    Je vois encore mieux que jamais, grâce à vous, les principes de transmission des infos-alertes entre les marges et le centre.

                    Tout ce qui est troupeau, banc, nuée, meute, tout cela nous offre des supports ou sujets pour comprendre comment nos sociétés fonctionnent et réagissent.


                    Il semblerait que quelle que soit la qualité d’un transmetteur (en tant qu’individu humain) la société n’accepte pas de s’en contenter. Une société n’accepterait pas de se déplacer sur les indications ou cris d’un seul individu. Pour qu’elle considère un cri et accepte de déplacer sa position, elle doit constater l’existence d’une convergence, d’un début de coagulation des cris. Elle doit entrevoir la formation d’un groupe ayant élaboré un vocabulaire pour traiter un certain cri venu de la marge. Elle doit constater qu’il est possible de dire calmement, sociétalement, ce cri. Si elle ne voit pas le moindre groupuscule dire sociétalement ce cri, elle fait l’impasse dessus.



                    Merci pour cet échange.


                     






                  • Yohan Yohan 28 juin 2011 18:14

                    Claque beignet de la bien pensance et de la pensée unique, on ne dira jamais assez de bien de Zemmour. Sa disparition des écrans permettra à chacun de vérifier chaque jour un peu plus l’insondable nullité de la presse aux ordres de l’UMPS


                    • Michel Dupont Michel Dupont 28 juin 2011 19:29

                      Toutafé. D’ailleurs sans le courageux Zemmour où s’arrêtera le complot judéo-américano-maçonnique qui attaque notre beau et glorieux pays en tentant d’en faire une nation de second rang à grands coups d’immigration massive pour noyer notre glorieux patrimoine culturel ?



                    • Antoine 28 juin 2011 23:03

                       Sans doute Zemmour fait un peu trop dans le retro mais lui au moins a deux doigts de culture dans les domaines historique et littéraire (pour le reste par exemple en musique il est d’une inculture crasse comme l’immense majorité de nos contemporains en extase devant les peto-manes et women qui saturent les programmes radio et télé). Mais par instants, il nous donne des plaisirs immenses comme par exemple lors de l’exécution de la dinde Alonso !

                       


                      • sisyphe sisyphe 29 juin 2011 09:24

                        Bon article. 


                        Effectivement, Zemmour est le prototype de la pensée réactionnaire ; c’est à dire une pensée qui ne se forme qu’en réaction contre.... contre la République (il est notoirement bonapartiste), contre l’évolution de la place des femmes dans la société, contre la libération des moeurs, contre 6_, contre, contre, contre.....

                        La pensée réactionnaire se manifeste par la résistance au changement, par l’attachement irréductible à des dogmes inscrits dans le marbre de l’histoire, par une sorte de nostalgie du « c’était mieux avant », par un désir de retour en arrière, nonobstant les évolutions ; toutes envisagées à travers le prisme de la « décédence » ; donc, sur un plan très moral (le bien vs le mal). 
                        C’est une pensée primaire, qui se caractérise par l’usage de la novlangue systématiquement accusatoire et dénonciatrice sur tout ce qui est changement ; la « penséeunik », la « bien-pensance » le « politikmencorrekt » ; etc, etc....

                        On comprend parfaitement le triomphe que lui ont fait les députés UMP, puisqu’il abonde totalement dans le précepte sarkozyen de la liquidation de l’esprit de 68, et le retour à l’ordre moral ancien : famille, patrilinéarité, machisme, autoritarisme, etc.....

                        Indépendamment de cet aspect, et corollairement, Zemmour est, fondamentalement, du point de vue psychique, un psycho-rigide ; sa pensée, établie sur les lectures qui l’ont structurée, se pose comme LA vérité. Toutes ses associations de pensée, ses parallèles, ses rapprochements (dictés par cette pensée réactionnaire structurellement figée), lui donnent la certitude que son « analyse » est LA vérité, et qu’il ne peut y en avoir d’autre. 
                        Normal, pour un thuriféraire de l’autoritarisme : pour ceux-là, l’autorité ne se fonde pas sur une légitimité ; elle EST, et doit s’imposer. 

                        D’où l’incapacité à envisager le point de vue de l’autre, si ce n’est sous l’angle de sa critique par rapport aux dogmes établis de son mode de raisonnement. 

                        Comme c’est un garçon (relativement) instruit, son assurance se fonde sur ses références aux auteurs qu’il reconnait comme pertinents, et se fige en certitude d’avoir raison, sans aucune ouverture au dialogue, ni à ce qui pourrait semer le doute. 

                        Comme tous les psycho-rigides, il ne saurait avoir de doute ; que des certitudes, qu’il assène comme la vérité établie, refusant toute contestation. 

                        Heureusement qu’il n’est que chroniqueur, ou « journaliste » ; parce que si sa structure paranoiaque l’avait poussé vers le pouvoir, il aurait fait un autocrate particulièrement dangereux. 

                        Pétri de certitudes, réactionnaire, rigide, paranoiaque à tendance autocratique ; le cas est intéressant sur le plan clinique ; mais uniquement à travers ce prisme. 

                        Pour le reste, il a des goûts et des idées de chiotte. 

                        Ma foi, il faut de tout pour faire un monde ; sauf qu’en figure de proue, il s’avère particulièrement diviseur, ostraciste, et donc globalement nocif... 

                        Allez, suivant ... 

                        • sisyphe sisyphe 29 juin 2011 09:28

                          pardon pour quelques fautes de frappe.. 

                          il faut lire : 
                          « contre la libération des moeurs, contre 68... » 
                          « à travers le prisme de la décadence » 

                        • Michel Dupont Michel Dupont 29 juin 2011 10:01

                          Vous critiquez Zemmour parce qu’il attaque de manière obsessionnelle le progressisme mais une fois n’est pas coutume, je vais me faire son défenseur. Ses adversaires idéologiques, les progressistes, me semblent être au moins autant que lui les esclaves d’une idéologie - le progressisme - de la même manière que lui avec la réaction. On a souvent le sentiment que ces individus sont animés par l’idée que faire évoluer une situation à problème, c’est nécessairement la faire devenir bonne, comme si on ne risquait pas simplement de passer d’un problème à un autre problème, une sorte de croyance absolue que l’évolution, c’est forcément le progrès.

                          Alors oui, Zemmour n’est pas ce libre penseur que l’on prétend, il est le représentant d’une idéologie précise mais ses adversaires le sont tout autant, nous ne devons pas l’oublier.


                        • sisyphe sisyphe 29 juin 2011 10:32

                           Ben, moi je parle de Zemmour, qui est le sujet de l’article. 


                          Vous, pour « prendre sa défense » , désignez un groupe indifférencié ; les « progressistes » ! 
                          Je ne pense pas, personnellement, qu’il y ait une homogénéité d’un éventuel mouvement « progressiste » ; il y a différents courants de pensée, dans le « progressisme », dont certains qui n’envisagent pas comme « progrès » par exemple, la tournure civilisationnelle, politique, économique, financière prise par l’évolution du système politique global ; vous faites, me semble-t-il, un amalgame, en désignant le « progressisme ». 

                          De fait, la pensée réactionnaire s’appuie, elle, sur une idéologie, quand la pensée progressiste ne relève pas d’une idéologie globale, mais se fonde sur l’analyse des évolutions sociales, sociétales, politiques ; pour en faire la part des choses. 

                          Les « progressistes » ne sont pas, à l’instar des réactionnaires, des psycho-rigides, qui pensent détenir la vérité ; ils défendent plutôt des idéaux ; de justice, d’évolution, de progrès PROFITABLE aux citoyens, à la réduction des inégalités, de l’intérêt général, du bien commun. 

                          C’est tout ce qui différencie une idéologie, figée, d’une analyse « en progrès » de la situation et de l’évolution de la marche du monde. 

                          Comme son nom l’indique, c’est grâce à la pensée « progressiste », qu’ont pu être réalisé des progrès pour une société plus juste, plus démocratique, plus respectueuse de l’ensemble des citoyens, et des systèmes politiques. 

                          Il n’y a pas de « penseur réactionnaire » qui ait jamais fait progresser le plan des idées, ni celui de la place de l’homme dans la société. 

                          Alors, s’il ne s’agit évidemment pas de prôner le progrès pour le progrès, sans en analyser les conséquences, sur tous les plans, en revanche, il est certain que la pensée réactionnaire est dogmatique, et résistante à tout changement ; c’est, définitivement, une pensée figée, et idéologique, de défense des avantages acquis, et de préservation des privilèges. 

                          La révolution, les Lumières, les droits de l’homme, la justice, la démocratie, sont des conquêtes de la pensée progressiste ; non pas dogmatique, mais centrée sur la notion de placer l’homme au centre du système, quand la pensée réactionnaire place le système au dessus de la place de l’homme, chargé de s’y plier. 

                          Tous les progrès culturels, civilisationnels, sociaux, ont été permis par le progressisme ; toutes ses déviations, dévoiements, trahisons, forfaitures, sont le fait d’un retour en arrière, d’une résistance, dune régression à la loi du plus fort ; c’est ça aussi que la pensée progressiste analyse et dénonce.

                          La pensée progressiste est une pensée non-idéologique, en évolution, en analyse, quand la pensée réactionnaire est idéologique et figée. 

                        • Michel Dupont Michel Dupont 29 juin 2011 11:40

                          « Ben, moi je parle de Zemmour, qui est le sujet de l’article. »

                          Je ne parlais pas de Zemmour ? J’ai bien dis que le voyais comme un idéologue mais j’ai voulu relativiser en montrant que ses détracteurs le sont également, le lien avec Zemmour ne m’a pas semblé pour autant disparaitre. Peut-être me suis-je égaré.

                          "la pensée progressiste ne relève pas d’une idéologie globale, mais se fonde sur l’analyse des évolutions sociales, sociétales, politiques ; pour en faire la part des choses. « 

                          Je vois des raisons de penser qu’il existe une idéologie progressiste. Ce n’est pas une insulte, quelque chose de négatif, c’est simplement un constat. Hegel et Marx ont assigné au progrès économique un but historique, celui de la fin de la rareté des richesses. De la même manière, dans tous les domaines du progrès, existe une réflexion philosophique qui en fait une idéologie cohérente. De plus, c’est encore manifeste aujourd’hui : Les féministes sont par exemple très solidaires des revendications homosexuelles ou des luttes contre le racisme, l’amalgame existe déjà et est voulu par ces individus qui ont le sentiment d’avoir en commun cette volonté de tirer la société vers le haut.

                           »Il n’y a pas de « penseur réactionnaire » qui ait jamais fait progresser le plan des idées, ni celui de la place de l’homme dans la société. « 

                          Beaucoup d’affirmations, je vais m’employer à montrer que celle-ci, par exemple, n’est pas tout à fait vraie. On peut penser aux OGM, au nucléaire, aux tenants du principe de précaution. Toutes ces manifestations d’écarts au progrès ne sont pas le fait de progressistes qui ont pris le temps de réfléchir sur le sens du progrès, elles sont venues de réactionnaires qui ont dit que le progrès n’allait pas dans le bon sens, qu’il y avait des problèmes. Ces idées ont été explorées après par les progressistes qui ont accepté de questionner le sens du progrès mais elles ont bien été initiées par des réactionnaires. Ou encore, les religieux qui sont souvent qualifiés de réactionnaires car défenseurs d’idées traditionnelles et opposées à la volonté libertaire des progressistes. Mais paradoxalement, on aura du mal à envisager comme un vrai progrès le fait que, par exemple, de plus en plus de femmes avortent. Certes, les progressistes ne sont pour l’avortement, ils sont simplement pour la liberté d’avorter, mais peut-on voir comme un idéal le fait que 227 000 enfants aient terminé dans une poubelle ? Il s’agit plus d’une aide pragmatique pour soulager les jeunes femmes de l’handicap financier que peut représenter un enfant. Mais on peut se demander si, dans la société utopique, une partie des enfants seraient avortés pour des raisons strictement matérielles. Donc l’apport des progressistes à la place de l’homme, à sa dignité par rapport à la vision rétrograde des réactionnaires ne me semble pas évident ici.

                          Enfin, pour dire que le progressisme peut être dogmatique, ça prendrait des pages à développer (des gens ont quand même du écrire des bouquins pour dire la même chose) mais on peut trouver aujourd’hui quelques exemples. On peut penser au communiqué du Grand Orient qui trouvait que l’Eglise s’exprimait trop : » l’État est chez lui et l’Église doit rester chez elle.« http://www.godf.org/index.php/actualite/details/liens/position/nom/Prise-de-position/slug/Array-1. On peut également se souvenir de Sophia Aram qui traitait les électeurs du Front National de »gros cons« . Les exemples sont nombreux, Caroline Fourest ou Bernard-Henri Lévy sont souvent de bonnes illustrations de dogmatisme idéologique dans le camp du progressisme. Évidemment, c’est indéniable il y a des progressistes qui ne sont pas dogmatiques : » J’admets aussi que le positionnement progressiste de l’organisation puisse déplaire à des réactionnaires de droite. Tout ceci fait partie du jeu démocratique" a dit Mohamed Sifaoui. Mais seulement, il y a aussi des réactionnaires qui ne sont pas dogmatiques !


                        • Michel Dupont Michel Dupont 29 juin 2011 11:55

                          Je précise que je n’adhère pas au discours, à l’idéologie réactionnaire.

                          On pourrait me dire que c’est débile de le préciser parce que les gens qui pourraient croire ça simplement à partir de ce que j’ai dit seraient des sots mais c’est ma charité chrétienne qui me pousse à aider les sots. (Ce n’est pas pour vous, Sisyphe)


                        • sisyphe sisyphe 29 juin 2011 12:46

                          Je ne reprendrai pas votre argumentaire point par point ; juste ceci : 


                          Beaucoup d’affirmations, je vais m’employer à montrer que celle-ci, par exemple, n’est pas tout à fait vraie. On peut penser aux OGM, au nucléaire, aux tenants du principe de précaution. Toutes ces manifestations d’écarts au progrès ne sont pas le fait de progressistes qui ont pris le temps de réfléchir sur le sens du progrès, elles sont venues de réactionnaires qui ont dit que le progrès n’allait pas dans le bon sens, qu’il y avait des problèmes.

                          Je vous trouve gonflé d’attribuer la vigilance anti-OGM, anti-nucléaire, et le principe de protection aux « réactionnaires » !! 
                          Vous êtes peut-être un peu jeune, mais l’alerte aux dangers du nucléaire remonte à 40 ans, à l’époque de « La gueule ouverte » ; un magazine publié par Fournier, un des membres du Hara-Kiri de l’époque. 

                          Quant aux OGM, c’est bien grâce aux altermondialistes - écolos, que l’alerte a été signalée, de même que le principe de précaution en ce qui concerne tout produit phytosanitaire, que la dénonciation de Monsanto, etc....

                          Bref, tout ça vient de la mouvance altermondialiste - écolo, qui s’apparente, évidemment, au courant progressiste, et certainement pas au courant réactionnaire.

                          Gaffe aux confusions

                        • Michel Dupont Michel Dupont 29 juin 2011 14:50

                          "Bref, tout ça vient de la mouvance altermondialiste - écolo, qui s’apparente, évidemment, au courant progressiste, et certainement pas au courant réactionnaire."

                          Je veux bien être un jeune exalté un peu trop ignare pour entendre les subtilités qui guident les réticences au progrès technique mais je vais quand même tenter de montrer qu’il existe de la réaction au sein de l’altermondialisme-écologisme au risque de retraiter de la décroissance comme dans mon premier article. Vous serez d’accord pour dire que des hommes Pierre Rabhi ou Paul Ariès sont des écologistes et que les principes de simplicité volontaire, de sobriété heureuse ou de décroissance font partie de la mouvance écologiste ? Et bien ce mouvement d’idées descend en droite ligne de l’anarchisme chrétien introduit par Tolstoï et repris par Ivan Illich notamment et il ne s’agit pas d’un simple héritage mais bien d’une continuité idéologique tout à fait cohérente. L’anarchisme chrétien est bien réactionnaire en cela qu’il s’est construit en opposition aux idées qui voulaient que l’homme se libère de la nature et qui animaient le progrès à cette époque. Aujourd’hui encore la décroissance se manifeste comme réactionnaire en étant contre l’automobile, contre la société industrielle, contre le développement durable,etc.

                          Évidemment, on pourrait dire que ce n’est pas vraiment réactionnaire mais plutôt ultra-progressiste puisqu’il s’agit de penser la société post-industrielle, post-consumériste, c’est à dire de penser encore plus loin que les progressistes. Mais dans ce cas-là, on pourrait dire la même chose des réactionnaires comme Zemmour puisqu’ils pensent une société post-libertaire, ils veulent voir plus loin que ceux qui veulent aujourd’hui encore libérer l’homme de la nature (notamment à travers la théorie du genre, l’adoption pour les couples homosexuels ou la natalité contrôlée).


                        • Michel Dupont Michel Dupont 29 juin 2011 15:12

                          *des hommes comme Pierre Rabhi*


                        • sisyphe sisyphe 29 juin 2011 18:19

                          Vous êtes dans un confusionnisme total.


                          Vous confondez progrès technologique, et croissance, avec la pensée progressiste, et ça n’a rien à voir. 

                          Je vous le répète, ce qui est au coeur de la pensée progressiste, c’est l’amélioration des conditions de vie de l’homme ; sur tous les plans : social, sociétal, environnemental ; justice, solidarité, bien et intérêt publics, réduction des inégalités, code du travail, smic, sécu, congés payés, etc, etc..... 

                          Le progrès technique est tout autre chose, et peut mener au bien (machines ménagères qui ont amélioré le sort de la femme, transports, etc, etc...) comme au pire : malbouffe, nucléaire, bombes atomiques, armes de plus en plus perfectionnées, OGM, robots remplaçant le travail humain, pollution, etc, etc.... 

                          Tant que la croissance permet l’amélioration de la vie du plus grand nombre, vive la croissance
                          si elle entraîne une dégradation de son environnement, un épuisement des ressources, de la pollution, à ce moment là, il faut envisager la décroissance, ou tout au moins un frein. 

                          On sent que vous avez beaucoup de mal avec la notion de progressisme : apprenez à y voir plus clair, et vous viendrez nous en reparler. 

                          Pour moi, c’est bon ; à la prochaine. 


                        • Michel Dupont Michel Dupont 30 juin 2011 00:46

                           »Vous êtes dans un confusionnisme total. [...] Vous confondez [...] vous avez beaucoup de mal [...] apprenez à y voir plus clair [...] Pour moi, c’est bon ; à la prochaine.« 


                          J’ai cru ressentir comme une certain mépris là-dedans, mais ça doit être encore mon côté « je confonds tout ».

                          "Vous confondez progrès technologique, et croissance, avec la pensée progressiste, et ça n’a rien à voir." 

                          Ah oui ? Ok, étudions ça de plus près si vous le permettez.

                          Regardons d’abord la définition du dictionnaire : 

                          Progressisme : Nom masculin, 1) Comportement de ceux qui estiment qu’une profonde transformation des structures politiques et sociales permettra une amélioration des conditions de vie et une plus grande justice sociale. 2) Tendance de ceux qui cherchent à faire bénéficier le plus grand nombre de personnes des progrès scientifiques et techniques. 3) Doctrine de ceux qui croient au progrès moral de l’humanité.

                           

                          Déjà, si l’on se réfère à la deuxième définition, on peut entrevoir un subtil lien entre le progressisme et le progrès technique. Mais on peut également regarder ce que dit un penseur du progressisme, dans sa première définition, du progrès technique.

                           

                          Marx – que l’on pourrait qualifier de progressiste, pour ses idées visant à améliorer les conditions de vie des travailleurs – dit « C’est précisément en façonnant le monde des objets que l’homme commence à s’affirmer comme un être générique. Cette production est sa vie générique créatrice. Grâce à cette production, la nature apparaît comme son œuvre et sa réalité. » dans ses Manuscrits Philosophiques. C’est la base de la légitimité du progrès technique et du travail de l’homme qui vise à s’approprier la nature. Et il voit clairement ce travail comme la base du progressisme puisque l’homme bénéficiera de meilleures conditions de vie une fois qu’il se sera approprié la nature tout en étant contre l’idée d’un travail aliénant et privé de son sens.

                          Ca se manifeste chez Marx, mais ça se manifeste tout aussi bien chez les sociaux-démocrates, grands progressistes qui ne remettent jamais en cause le progrès technique et la croissance mais seulement leurs effets pervers d’aliénation ou de misère sociale. Ils considèrent bien ce progrès comme la base nécessaire à l’amélioration des conditions de vie.

                          Donc, ce n’est pas très sympa de me dire que je suis dans un « confusionnisme total », parce que moi je vois bien un lien entre progressisme et progrès technique ou croissance.

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