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Commentaire de Morgane Lafée

sur Elisabeth Badinter : « On ne se sert pas d'une possible injustice pour défendre une cause »


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Morgane Lafée 7 juillet 2011 13:12

Je voue une sincère admiration à Mme Badinter (ses ouvrages XY et L’Amour en Plus sont remarquables, Fausse Route à moitié convaincant), mais pour le coup, je la trouve assez malhonnête de fustiger les féministes d’aujourd’hui. D’ailleurs, si elle a mis autant de temps à réagir, c’est bien qu’elle devait être bien embarrassée. Serait-elle prise entre deux feux ?...

A force de critiquer le féminisme d’aujourd’hui, elle finit effectivement par apparaître comme une donneuse de leçon. Comme si elle détenait la science infuse sur l’orientation que doit prendre le féminisme aujourd’hui. Sauf qu’aujourd’hui, il n’y a plus UN féminisme mais DES féminismes. Les femmes constituent une catégorie de la population particulièrement difficile à saisir puisque brassant toutes les catégories sociales et culturellles, de manière transversale. Il ne s’agit plus de lutter pour les droits parfaitement identifiables comme le droit de vote, le droit d’ouvrir un compte en banque, etc. Aujourd’hui, il s’agit de lutter contre les violences faites aux femmes et les discriminations sexistes, et donc de faire évoluer les mentalités. Ce qui veut dire plonger au plus profond de notre éducation, avec tous les conflits et débats que cela peut entraîner - ce qui est très sain, après tout. 

Je tiens à prendre la défense d’Osez le Féminisme sur le procès qui lui est fait avec cette manifestation. Il est temps de remettre les pendules à l’heure.
Osez le Féminisme n’a pas lancé de cabale contre DSK mais a répondu aux propos injurieux lancés par plusieurs « intellectuels » français suite au scandale DSK. D’ailleurs, la manifestation n’a pas eu lieu dès le lendemain d’éclatement du scandale mais bel et bien une semaine plus tard, ce qui prouve bien qu’elles ne se sont pas précipitées dans la brèche mais que la manif a fait suite au traitement médiatique en France.

Pour ma part, n’étant pas portée sur les manifestations mais ayant été choquée par ces propos (à une époque où je croyais pourtant DSK victime d’un complot), j’y ai fait un petit tour. Bon, je suis restée 30-40 minutes, donc je ne peux pas relater tout ce qui s’est passé. Mais ce que je peux vous dire, c’est que l’ambiance était bon enfant, que je n’ai entendu aucune insulte envers les hommes et que beaucoup d’hommes étaient présents. Ce que j’ai trouvé intéressant aussi, c’est que plusieurs petits groupes se constituaient entre des gens qui ne se connaissaient pas et débattaient sur le sexisme, échangeant parfois des points de vues très différents mais dans une ambiance cordiale.

Je n’étais pas là en qualité de journaliste et je l’ai bien regretté quand j’ai vu la manière dont les media ont traité cette manif. Car finalement, on entend aujourd’hui tout et n’importe quoi à son sujet alors qu’elle a été très peu relayée.
La fameuse banderolle « Nous sommes toutes des femmes de chambre », je l’ai aperçue et elle était plutôt discrète par rapport à d’autres. Les femmes qui la brandissaient n’avaient pas l’air d’agressives. Et pourtant, c’est ça qu’on nous brandit un peu partout, en sortant cette phrase de son contexte. Qu’ont-elles voulu dire par cette phrase ? Je ne vais pas parler pour elles. Mais ce qui est sûre, c’est qu’on dénature le sens de cette phrase. Ne s’agissait-il pas surtout de souligner le mépris manifesté par ces « intellectuels » avec ces propos sur le « troussage de domestique » et autres ? 

Une dernière chose pour répondre à Mme Badinter. De tout temps, des affaires ont été utilisées - ou instrumentalisées - pour faire bouger les choses. L’affaire Rosa Parks n’a-t-elle pas été utilisée pour faire évoluer les droits des Noirs aux USA ? Si l’affaire DSK est utilisée pour faire évoluer la reconnaissance du viol en tant que crime, tant mieux. Même si DSK ne s’avère finalement pas être coupable, les propos injurieux envers les femmes et victimes de viol sortis par ces fameux « intellectuels » suffisent à montrer la non reconnaissance du viol et de la souffrance qu’il entraine. 
Regardez le traitement par la justice de l’affaire de cette jeune fille de 14 ans violée pendant deux semaines et prostituée de force par une bande de bons à rien ! Les peines des mecs ? entre 6 mois de prison avec sursis et trois ans fermes... Purée, trois ans seulement dans le pire des cas ! Les féministes ont largement de quoi s’indigner.
En outre, tout le monde, actuellement, y va de son analyse de l’affaire de son impact sur la société, les débats qu’elle a relancé, etc. Pourquoi les féministes ne pourraient-elles pas en faire de même ? On peut dire la même chose du « perp walk » : l’affaire aura révélé aux Français une pratique peu glorieuse du système judiciaire américain. Il y a même des articles dessus aujourd’hui. Et avec raison car même si je penche du côté de la plaignante, je trouve inadmissible qu’on impose cela à un accusé avant même qu’il y ait eu procès.

Conclusion : Mme Bandinter se plante de combat. Aurait-elle du mal à vivre avec son temps ? C’est ce que je m’étais dit en lisant Fausse Route.


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