• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de lullaby

sur L'amour dans les quartiers


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

lullaby (---.---.14.164) 11 janvier 2007 13:55

) - La mise en concurrence des luttes antisexistes et antiracistes se construit sur des mécanismes qui relèvent du racisme, selon les intellectuelles féministes de la revue NQF.

Le féminisme constitue-t-il une garantie de non-racisme ? A la lumière de la polémique suscitée en France par « l’affaire du foulard », qui a débouché sur une loi interdisant aux élèves des écoles publiques le port de signes religieux ostentatoires[1], la revue Nouvelles questions féministes (NQF) consacre son dernier numéro à l’imbrication des rapports sociaux sexistes et racistes. Au-delà des débats qui ont divisé les milieux féministes français[2], les auteures du volume s’interrogent sur la légitimité des lignes de clivages et insistent sur la nécessité de déplacer la question. Au fil des articles, elles s’attachent à montrer comment les deux types d’oppressions sexiste et raciste, relevant de processus distincts, se nourrissent et s’entretiennent mutuellement. « La mise en évidence de la domination masculine chez l’Autre -le Noir, l’Arabe, l’ouvrier- participe de manière fondamentale à la construction de stéréotypes, des préjugés et des haines qui structurent l’oppression raciste », selon les éditorialistes de NQF. Un procédé qui permet de relativiser, voire occulter, la domination masculine « chez soi. » Dans l’affaire du foulard, réapparaît ainsi la figure de la femme islamique muette, victime et manipulée, « clé de voûte du double système d’oppression des « racisé-e-s » et des femmes renvoyées à une infériorité en raison de leur sexe. » Au bout du compte, la manipulation du genre aboutit donc aussi à « des résultats sexistes », analysent les auteures.

Voile versus pornographie

Pour élargir le cadre du débat français, l’anthropologue étasunienne Laura Mader montre comment, dans leur rivalité géopolitique, l’Occident et l’Orient utilisent le genre pour servir leurs stratégies identitaires. Chaque entité dévalorise la manière dont l’autre traite « ses » femmes (le voile versus la pornographie) pour se mettre en avant. Et aussi pour convaincre « ses propres » femmes des avantages que le système leur octroie. La « présomption de supériorité » -souvent reprise, d’ailleurs, par les féministes occidentales- que déploie l’Occident dans ce domaine étant encore renforcée par l’idéologie du développement économique et de l’industrialisation, selon laquelle la situation des femmes ne peut s’améliorer qu’avec les avancées techniques et économiques. En France, la présomption de supériorité s’est ainsi notamment étoffée dans le processus de conquête de l’Algérie. La construction sociale de l’Algérie française, fait valoir l’historienne étasunienne Julia Clancy-Smith, est fondée sur certaines représentations de la femme musulmane. Objets de luttes idéologiques et politiques, les musulmanes fonctionnaient comme un symbole négatif, qui confirmait l’identité culturelle distincte -et l’autorité politique- des colons français. Des stéréotypes du XIXe siècle face auxquels les descendantes d’immigrés maghrébins en France ont actuellement du mal à se positionner, coincées entre le désir de s’émanciper des interdits parentaux et la crainte de légitimer le colonisateur d’hier -dominant d’aujourd’hui- au détriment de leurs propres pères. Sur la base d’une recherche empirique, la sociologue française Christelle Hamel analyse comment, dans ce contexte, certaines jeunes femmes d’origine maghrébine revalorisent ainsi le principe de virginité en réponse aux contraintes combinées du racisme et du sexisme qui pèsent sur elles.

Une troisième voie ?

Dans la deuxième partie du volume, les auteures lancent des pistes pour étayer les bases d’un féminisme qui refuse de choisir entre antisexisme et antirascime. Analysant comment le débat sur le foulard a miné le terrain, Christine Delphy, sociologue au CNRS, soutient que l’opposition sexisme-racisme repose sur la croyance que le racisme ne frappe que les hommes. Si bien que, pour la chercheuse, repenser l’articulation entre patriarcat et racisme est un préalable à la réflexion sur les liens entre féminisme et antiracisme. Liens sur lesquels s’est penchée une étude helvétique intégrée au volume (lire ci-dessous). Constatant l’émergence des féminismes musulmans, tant dans les pays d’origine que dans les pays d’immigration, la philosophe et sociologue Aïcha Touati montre en quoi les luttes sont formatées par leur contexte socio-politique. Entre mimétisme envers l’Occident et appui sur la religion islamique, elle se demande si le féminisme ne devrait pas emprunter une troisième voie. Des collectifs féministes tels que « Les Blédardes » ou le « Mouvement des Indigènes de la Républiques », en France, en sont peut-être un reflet. Militant dans ces deux organisations, Aïcha Touati, intimement concernée par les liens entre sexisme et racisme, part de sa double expérience des luttes en Algérie et en France pour analyser leur diversité et leurs enjeux. S’interrogeant sur l’opportunité de partir du religieux pour réfuter la domination du modèle occidental unique, elle revendique la nécessité d’inscrire le combat antisexiste au sein des luttes antiracistes. Soit un « féminisme paradoxal », selon ses propres termes, caractérisé à la fois par une critique radicale du sexisme dans tous les milieux et par une « solidarité avec les hommes dominés ». I [1]Loi no2004-228 du 15 mars 2004 : « ... des signes ou tenues par lesquels [les élèves] manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». [2]Les anti-loi dénonçant l’instrumentalisation des droits des femmes droits des femmes au service d’une forme « d’islamophobie » ; les pro-loi refusant qu’une fois de plus l’oppression des femmes soit reléguée à l’arrière-plan, derrière la mobilisation contre l’oppression « ethnique » ou de « classe ». Lire également ci-dessous. Nouvelles questions féministes, « Sexisme et racisme, le cas français », vol. 25, no1/2006, Antipodes. Un second volume portant sur cette thématique est prévu pour fin 2006.

http://www.lecourrier.ch/modules.php?op=modload&name=NewsPaper&file=article&sid=41047


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès