A noter que l’imaginaire appartement, selon DSK, existe bien. L’Express l’a retrouvé. Or DSK avait dit que ce second RDV n’avait pas eu lieu. Que tout était imaginaire. Or si l’appartement n’est plus imaginaire qu’en est-il du reste ?
C’est une rue calme du VIe arrondissement parisien. Une voie à sens unique, bordée d’échoppes et d’immeubles en pierre de taille, où le prix du mètre carré outrepasse les 10 000 euros. C’est ici, dans ce sanctuaire bourgeois et feutré de la Rive gauche, derrière cette belle façade aux volets blancs du 13, rue Mayet, que la jeune journaliste Tristane Banon a situé, devant les policiers, la tentative de viol dont elle accuse Dominique Strauss-Kahn.
En février 2003, après un premier rendez-vous à l’Assemblée nationale, « il m’a donné une adresse que je ne connaissais pas », expliquait-elle dans l’émission de télévision de Thierry Ardisson, en 2007. « Quand je suis entrée dans cet appartement, je me suis sentie tout de suite mal à l’aise, précisait-elle à L’Express au début du mois de juillet dernier. Il était quasi vide, blanc, poutres apparentes, une machine à café, une table avec, à droite de la partie salon, une bibliothèque vide, et, tout au fond, une chambre avec un lit. Il donnait sur la cour. Quand j’ai demandé à DSK où j’étais, il m’a expliqué que l’appartement lui était prêté par un ami souvent à l’étranger. J’ai réalisé que c’était évidemment sa garçonnière... »
« Marre d’être traitée de menteuse et d’affabulatrice »
Que s’est-il passé derrière cette porte du deuxième étage, entrée de droite ? Tristane Banon, qui affirme déposer plainte, huit ans après, parce qu’elle « n’en peu[t] plus de [se] faire traiter de menteuse et d’affabulatrice », aurait-elle inventé ce scénario ? A qui appartenait cet endroit, dont l’accès est sécurisé par deux digicodes ? L’Express a identifié le locataire officiel de l’époque. Dominique Strauss-Kahn le connaît bien : il s’agit d’Alex-Serge Vieux, l’un de ses anciens conseillers au ministère de l’Economie, aujourd’hui domicilié en Californie. Au moment des faits dénoncés par Tristane Banon, Alex-Serge Vieux louait cet appartement meublé pour 2000 euros par mois à une Française, Florence S., souvent en déplacement à l’étranger. Et, selon nos informations, c’est Dominique Strauss-Kahn lui-même qui a servi de caution à son ami au moment d’établir le contrat de location.
Alex-Serge Vieux, un ex-conseiller de DSK, était le locataire du meublé.
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Quel lien existait-il entre les deux hommes ? Alex-Serge Vieux n’est pas un inconnu. Le Who’s Who fait état d’une belle carrière dans le « high-tech » pour ce fils de diplomate âgé de 54 ans, « universitaire, président de société », galonné Sciences-Po Paris, HEC et MBA à Stanford, l’une des plus prestigieuses universités américaines.
Alex-Serge Vieux a commencé en maniant la plume aux Echospuis à L’Expansion. A la fin des années 1980, il était correspondant du Monde dans la Silicon Valley, l’eldorado californien des nouvelles technologies. A cheval entre les Etats-Unis et la France, il a également versé dans l’enseignement, à la Sorbonne et à Dauphine. Est-ce dans ces années-là qu’il a rencontré DSK, dont il partage la passion des échecs ? « Strauss-Kahn, en tout cas, disait de lui : »Il me doit beaucoup« , se souvient un ancien conseiller de l’ex-patron du FMI. C’est lui, en effet, qui aurait aidé Alex-Serge Vieux à suivre ses études à Stanford. Ce qui a permis à ce dernier de se créer des contacts en or et de se frayer un chemin au moment de la bulle Internet... » En échange, il ouvrira à DSK son carnet d’adresses de la Silicon Valley.
DSK juge « imaginaires » les accusations de Tristane Banon
Quand il est ministre de l’Industrie, entre 1991 et 1993, Dominique Strauss-Kahn fait de lui son conseiller spécial en matière de high-tech. Et en 1997, alors que DSK devient ministre de l’Economie et des Finances, le même est nommé président de la commission Infotech pour les thèmes relatifs aux technologies de l’information en France.
A l’époque, il vient de temps à autre au cabinet. « Beaucoup de gens le faisaient, mais tous ne pouvaient pas avoir accès à DSK, comme lui, dix ou quinze minutes, se souvient encore l’ex-conseiller ministériel. Quand il demandait un rendez-vous, il l’avait toujours. Il y avait visiblement une empathie complice, une amitié entre les deux hommes. » Se fondait-elle uniquement sur des liens professionnels ? Les enquêteurs, en tout cas, cherchent à savoir dans quelles conditions Alex-Serge Vieux a loué cet appartement parisien et pourquoi DSK y fixait des rendez-vous. Au terme de leurs investigations, l’audition de l’ancien patron du FMI pourrait être envisagée. DSK ne s’est jamais exprimé sur cette affaire, sauf pour qualifier d’« imaginaires » les accusations portées par Tristane Banon.
Avant de prêter à son ami Dominique Strauss-Kahn l’appartement de la rue Mayet (VIe arrondissement de Paris), Alex-Serge Vieux lui avait, semble-t-il, donné accès à un autre logement parisien. Au début des années 2000, l’ex-conseiller de DSK disposait, en effet, d’un studio au premier étage d’un immeuble proche de l’avenue Mozart (XVIe).Alex-Serge Vieux, qui avait pour sa part une autre adresse dans le secteur et partageait son temps entre la France et les Etats-Unis, aurait acheté ce studio pour ses enfants. Selon des témoins du quartier, DSK venait régulièrement dans cet immeuble datant des années 1950. Il aurait cessé de s’y rendre au bout de quelques mois. Par la suite, l’endroit est demeuré assez longtemps inoccupé, avant d’être vendu sur saisie.
Sollicité par L’Express, Alex-Serge Vieux ne tient pas à donner de précisions : « Par respect pour Dominique Strauss-Kahn, je me dois de rester à ma place. Il prendra ou non la peine de répondre à la presse. Je ne suis qu’un petit maillon dans une chaîne et je veux éviter de rentrer dans ce débat. »
En tout cas, l’appartement du 13, rue Mayet a été revendu par Florence S. en décembre 2004. Peu de temps avant, Alex-Serge Vieux reprend, aux Etats-Unis, le journal Red Herring, qui, après avoir été un leader en matière de high-tech dans la Silicon Valley, vient de fermer avec l’éclatement de la bulle Internet. Le businessman français connaît, dans le même temps, des ennuis financiers avec sa société Dasar, créée en France en 1990 afin d’organiser des conférences internationales réunissant des dirigeants de l’industrie des technologies de l’information. Cette société sera finalement radiée en 2009, sur décision du tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine), pour « insuffisance d’actif ».
Alex-Serge Vieux demeure aujourd’hui dans plusieurs conseils d’administration de sociétés de haute technologie. Depuis la côte ouest des Etats-Unis, il a évidemment suivi de près les déboires judiciaires de son ami. Mais c’est à Paris qu’il se retrouve désormais, bien malgré lui, l’un des témoins clefs de l’autre affaire DSK.
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