La facture de
l’internationale des prêteurs
A dette publique française s’élève à 84,5 % du « produit intérieur brut » et la
dette japonaise à 236 %
de son propre PIB. Le Japon
s’offre un
record mondial : sa
dette dépasse les 8 000 milliards
d’euros. Pourtant, les agences de notation ne traitent pas Tokyo comme Athènes, ni même Paris, et les taux n’y
flambent pas. Pourquoi ? Tout simplement parce que plus de 90 % de cet endettement
faramineux est détenu par les
épargnants japonais. Ce n’est pas le
cas de la France ; qui,
chaque année, doit emprunter à l’étranger la moitié des capitaux dont
elle a besoin pour financer ses déficits et ne peut que se soumettre
aux dures lois de ces agences. Avant les
années 80, les citoyens comme les entreprises de l’hexagone pouvaient souscrire
aux bons du Trésor en se rendant à la
perception ou à la poste de leur quartier avec leurs petites économies. Pour faire
moderne, et au nom de la libéralisation des marchés, Pierre Bérégovoy, alors
ministre de l’Economie, décida que tout investissement en bons du Trésor
devrait passer par une banque ou par
un intermédiaire financer. La France, désormais,
disposera d’une dette cotée sur les marchés internationaux.
Paris allait concurrencer la
City et découvrir les charmes des ventes à découvert. Exit le petit épargnant et l’entreprise
économes ! Banques et assurances applaudirent à cette décision qui leur
permettait de bénéficier d’une nouvelle clientèle et, au passage, d’encaisser
des commissions. Bercy créa un établissement spécifique, France Trésor, pour placer au mieux la dette française à l’étranger, et les
agences de notation commencèrent à la coter. Devenu ministre de l’Economie, Dominique Strauss-Kahn accentua ensuite, par diverses mesures
techniques, cette internationalisation. La France jouait enfin dans la cour des grands !
Trente ans plus tard, alors que la dette publique
française a plus que doublé, les résultats sont là. Les taux auxquels la France emprunte dépendent
des agences de notation, et il a suffi qu’elles envisagent, comme la semaine passée, une dégradation
de sa note pour que, en quarante-huit heures, les actions de ses banques
plongent.
Conclusion tirée
par un banquier parisien : « Finalement, il aurait mieux valu que la France continue à emprunter au paysan corrézien
ou ’à la veuve
de Carpentras plutôt qu’à un spéculateur de Wall Street ou à un banquier de
Hongkong. »
Ce n’est pas le
ministre japonais des Finances qui pourrait le contredire