Euh je viens de vérifier auprès de ma femme - on payait (pour 2, donc) 60 roubles par mois pour le gaz, qui servait à la cuisine (parfois même en chauffage d’appoint, enfin vous devez connaître le principe : on allume la gazinière et on laisse tourner) et pour l’eau chaude, le chauffage était central et elle était proprio d’un appartement de 40m2 à Dolgoprudny (pas exactement le centre de Moscou, mais ça n’influe pas tellement sur le prix, si ?). Tout compris (eau, gaz, courant, chauffage) on en avait pour 500 roubles à peu près, plus 1k pour le net et les autres charges. C’est juste pas possible que vous payiez aussi cher qu’à Paris, ou alors il y a un souci (maison mal isolée peut-être ?). Là on habite à Nantes, et rien qu’en gaz (eau chaude) on en a pour 150-200 euros par mois en hiver. C’est pas exactement les mêmes ordres de prix.
Pour l’écroulement du système depuis 200 ans, on l’a en effet annoncé et il s’est bel et bien produit plusieurs fois : en 1914, en 1929, en 1940 et pour l’URSS en 1991. Je sais pas vous, mais personnellement, j’ai pas spécialement envie de me fader une catastrophe de ce genre. Celle qui arrive m’a l’air pire encore, mais peut-être que je me trompe ; pour ne pas me rassurer, certaines personnes sérieuses comme Ruppert ou encore Michel Drac confirment le diagnostic. Je prends garde de ne pas verser dans le catastrophisme, mais connaissant un peu l’histoire et l’économie, je suis tout de même assez pessimiste sur l’avenir.
Sinon, détrompez-vous, je ne partage pas votre opinion sur l’échec global du socialisme, et en Russie encore moins qu’ailleurs. Comme je le disais, le socialisme russe n’en a jamais été un réellement (ou alors, si, au tout début, entre 1917 et 1920), c’était plutôt un capitalisme d’État planifié à tendance socialiste, qui est devenu un capitalisme oligarchique après la mort de Staline et qui a connu son paroxysme après 1991. D’ailleurs, en étudiant le système poutinien, on se rend compte qu’il n’y a pas eu tant d’évolution que ça. Poutine est tout simplement en train de restaurer l’empire russe dans les grandes lignes, avec une dose de capitalisme féodal à l’occidentale, et pour le moment ça a l’air de marcher plus ou moins. Il faudra tout de même que cela évolue, sinon le pays va retomber dans les mêmes errements : tout système finit par se corrompre, et si le système poutinien a été efficace au début, il risque de le devenir de moins en moins si il ne se réforme pas.
Quant à la « défaite » de la Russie - qui est d’après moi relative, je dirais qu’il s’agit de la perte d’une bataille dans une très, très longue guerre - dans la confrontation GB - États-Unis contre Russie, elle est due non pas à son système mais aux facteurs que je citais (à moins qu’on ne me prouve le contraire, bien entendu). Vous dites que l’énergie est gratuite pour la Russie, mais je vous réponds qu’elle l’est aussi pour les États-Unis : le papier de leurs dollars ne vaut que dalle, et si on regarde le prix du baril en valeur réelle (c’est à dire, en dollars 1971), ce prix n’a quasiment pas bougé depuis 1973. Il y a aussi autre chose que je souhaite préciser : quand je dis que la Russie est moins efficace énergétiquement, j’entends bien, évidemment que le climat est à prendre en compte (et pas qu’en degrés C mais avec toutes les contraintes que fait peser le milieu sur les infrastructures), mais j’entends aussi que pomper du pétrole en Arabie Saoudite c’est pas exactement pareil que de le pomper en Sibérie. Et bien sûr, qu’il convient de prendre en compte le gaspillage et le détournement (ce qui se produit également de plus en plus aux États-Unis, notamment au niveau du complexe militaro-industriel). Et ce n’est évidemment pas le même pétrole (pas à la même profondeur, pas le même type, pas la même viscosité, etc).
Sur le long terme, il me semble que les États-Unis sont perdants car ils en consomment plus et sont obligés de maintenir beaucoup de pays sous occupation ; de plus, la Chine va rentrer dans la danse bientôt. Enfin, je souscris à l’analyse de Mackinder : les thalassocraties anglo-saxonnes peuvent maintenir l’avantage aussi longtemps que l’Eurasie est isolée, mais la tendance a l’air de s’inverser : la Russie, l’Iran et la Chine sont sur le point de concrétiser l’axe tant redouté par Brzezinski, et Berlin s’est sensiblement rapproché de Moscou ces dernières années. Mais on ne sait pas de quoi demain sera fait, je ne m’aventurerai pas à faire de la prospective.
Je vous remercie pour votre intérêt, mais je ne suis qu’au début de ma quête de compréhension du monde, et il est fort probable que mes positions évoluent en intégrant des penseurs que je ne connais pas encore, mais elles resteront d’inspiration socialiste. Si mon discours vous paraît de « gauche », c’est que je considère simplement que la coopération est préférable à la concurrence.
Par ailleurs, je me sens plus solidaire du peuple et des pauvres que des riches et des privilégiés ; si on réfléchit en termes de socio, bien souvent, ce qui détermine la nature du système (socialiste ou capitaliste), c’est, ne vous en déplaise, la classe majoritaire à un moment donné dans un État donné. Ça ressemble beaucoup à une lecture par « classes » marxiste, d’ailleurs, ça tombe bien, Marx était justement sociologue. L’objectivité n’a rien à voir là-dedans, ce n’est rien d’autre que du pur déterminisme social : si vous êtes issu d’un milieu fortuné, vous serez « libéral », si vous êtes issu d’un milieu plutôt populaire, vous serez socialiste, voilà tout. Il y a évidemment des exceptions (par exemple, Kropotkine), mais c’est très rare. Ce qui est beaucoup plus fréquent, c’est le pauvre enrichi qui devient libéral ou le riche ruiné qui se fait socialiste.
Concernant cet article, j’ai bien conscience que mon discours est schématique, mais je ne pouvais pas faire autrement : on s’adapte au média, et je ne peux pas publier ici tout un essai. Si vous observez des similitudes concernant certaines définitions avec ce qu’en disait la propagande soviétique, rien d’étonnant, nul n’a le monopole de la vérité ou des constats. Le système occidental n’est pas viable et doit être remplacé par autre chose ; la question qui nous intéresse tous est de savoir que devrait être cet autre chose.
Il convient de beaucoup se méfier de l’idéologie ; à mon opinion, un système politique est forcément issu d’une civilisation donnée dans des conditions données, et pour cette raison n’est pas exportable. Si vous me dites que le libéralisme c’est bien, je suis d’accord avec vous, tant que l’on reste là où il est né : en Grande-Bretagne et en France, dans des conditions historiques, techniques, démographiques, sociales et géopolitiques données. Dans une France qui n’est plus une puissance de premier plan, le libéralisme capitaliste risque de ne plus être viable. Dans une Russie qui n’a pas tellement changé et qui garde grosso-modo son rang, le système qui a le mieux fonctionné est probablement une bonne base de départ. Jusque-là, Poutine me donne raison : est-il vraiment autre chose qu’un néo-tsar, entouré de néo-boyards ? La nouveauté dont il ne pouvait faire l’économie est le caractère électif du néo-tsarisme qu’il a mis en place.
Par exemple, la farce libyenne est condamnée à l’avance pour les raisons citées. Khadafi n’était pas exactement un dictateur, et la société libyenne est un tribalisme. Prétendre importer la disneyland democracy made in USA là-dedans, c’est du grand n’importe quoi. D’ailleurs on a vu ce que ça a donné en Irak.
Si on veut faire de la prospective politique, il faut s’intéresser à un pays donné à un moment donné en tenant compte de son histoire et de son génie particulier. Si mon discours vous a paru gauchiste, c’est simplement parce que vous avez vu des commentaires et cet article qui étaient destinés à combattre la propagande (ou, si vous préférez, l’idéologie) néo-libérale ; il est logique donc de recourir à des éléments de langage « opposés », c’est à dire, socialistes.
Mis à part ça, je ne suis pas plus de gauche que de droite, c’est une question qui ne m’intéresse pas, je suis simplement du côté des humbles et des petits, non des riches et des puissants ; si je devais proposer une organisation politique pour la France, je m’inspirerais probablement du modèle suisse ou athénien (comme le propose Étienne Chouard) ; à la limite, je préférerais encore une restauration complète de l’Ancien Régime à la prédation organisée actuelle. Ça fonctionnait plutôt bien, l’Ancien Régime, quoi qu’on nous en dise à présent, et surtout, par rapport aux régimes matérialistes de notre époque, il avait l’avantage d’intégrer une composante spirituelle. C’était peut-être bien le meilleur régime que la France ait jamais connu, et c’est peut-être bien de cela qu’on devrait chercher à s’inspirer. J’avoue que je n’ai pas d’alternative à proposer à ce qui existe maintenant en France, mais si je devais en proposer une, j’irais certainement piocher dans la France du XVIIIe siècle.
Si je devais proposer une alternative pour la Russie, c’est précisément du côté de la Russie fin XIXe que j’irais chercher (vous m’avez surpris en parlant de Stolypine, bien joué ; cela dit, en dépit de l’exceptionnelle croissance de cette période, le gros du travail d’industrialisation a été réalisé sous Staline, je maintiens ma position). Je suppose d’ailleurs que c’est ce que Koltchak avait en tête quand il s’est lancé dans sa guerre contre le bolchévisme, et, encore une fois, je souligne la trahison occidentale - il a été lâché par la Grande-Bretagne et la France, qui n’avaient aucun intérêt à voir une Russie puissante et prospère émerger en cas de victoire des Blancs, ni de partager les fruits de la victoire avec. En toute logique, elles ont donc laissé les Rouges prendre le pouvoir. Le mal donne le mal : le calcul s’est finalement révélé désastreux, surtout pour la France, et pour l’Europe dans sa totalité (et donc, pour le monde...).
Le cas américain est assez intéressant ; quand vous me dites que les États-Unis sont une puissance globalement bienveillante, je suis d’accord, mais seulement jusqu’à la présidence Johnson. À partir de là à peu près, cela n’a été qu’une longue dégringolade vers la dictature techno-fasciste qui est en train de se mettre en place actuellement. Les États-Unis ont progressivement renié toutes les valeurs sur lesquelles ils se sont construits, et abrogé toutes les lois protégeant leurs citoyens de la tyrannie des puissances de l’argent. Ce n’est plus qu’un grand État prédateur, cynique, menteur et agressif, qui n’a plus grand-chose à voir avec les États-Unis du début du XXe siècle et encore moins ceux du XIXe. De plus, c’est un impérialisme, donc par essence, pas sympa et qui plus est, messianique.
Cela dit, le « vice » était dès le départ dans le génome de leur État, vu qu’ils se sont construits par et sur un génocide - celui des Amérindiens. Un État capable d’une pareille chose sera aussi capable de balancer deux bombes atomiques sur le Japon, juste pour tester, et de tout ce qui a été commis au Viet-Nam plus tard. De quoi seront-ils capables demain, vos grands « démocrates » ? Je préfère même pas imaginer.
31/01 20:57 - Luxum
Waouh ! Excellent article qui me rappelle « Le dictionnaire du diable » d’Ambrose Bierce. (...)
11/10 00:29 - Bovinus
Je plussoie, cela aurait pu effectivement figurer dans la liste. Je prends note pour une (...)
10/10 22:59 - paconform
OUI Keimilein. Le mot éducation sert aussi à justifier les maltraitances familiales. Battre un (...)
10/10 21:28 - kemilein
éducation aurai effectivement pu figurer avec une belle description éducation : (...)
10/10 10:45 - paconform
HELAS, Je découvre aujourd’hui seulement cet article qui ouvre un débat essentiel sur un (...)
09/10 20:58 - maddle
Grand respect à l auteur, ça fait du bien. Les détournements de langage et l apprentissage de (...)
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération