Dites cela à Victor Hugo ! Les premiers socialistes méditaient la charité comme la vertu la plus précieuse ! George Sand avait même écrit que l’idée socialiste était l’aboutissement de l’idéal chrétien. La charité (caritas => amour) est l’intuition morale première sans laquelle le sentiment de justice lui-même ne peut exister. Car quand vous désirez la justice et que vous la désirez sincèrement, c’est par amour pour vos semblables.
La charité n’est pas réductible à l’aumône ! L’aumône, qu’elle soit de la main de Mme Boutin ou de celle de n’importe qui d’autre, est un geste de compassion, donc une inspiration de la charité. Mais comme vous le suggérez cela reste un geste individuel. L’homme politique, en tant qu’homme politique, est là pour agir sur l’institutionnel, c’est-à-dire la garantie par le droit de ce qui ne doit pas dépendre du bon vouloir individuel.
Celui qui donne l’aumône tout en répugnant à l’équité par les institutions est un hypocrite qui se déleste de sa mauvaise conscience, pensant à ces privilèges qu’au fond il veut préserver.
Mais celui qui prétend vouloir la justice par les institutions tout en répugnant à partager d’individu à individu quand il le peut, celui-là est un individualiste qui se repeint en humaniste pour gratifier à moindre frais l’image qu’il a de lui-même. Vous en conviendrez, je pense : le socialisme sans un constant amour d’autrui à la base est idéologue, répugnant et creux.