Les Tibétains ne sont pas tous des moines, mais dans cette région du monde, comme en Birmanie, les moines constituent de fait une sorte d’élite reconnue par la grande majorité de la population (et pas seulement par les grands-mères). Tout simplement parce qu’ils ont reçu une instruction plus poussée que les autres. Dans chaque famille (au sens étendu), il y a un moine qui est « l’érudit ». C’est pourquoi la plupart des écrivains tibétains que nous connaissons sont des moines ou des anciens moines. L’occupation militaire et administrative chinoise n’a pas changé cela. Et c’est pourquoi aussi, comme en Birmanie, les mouvements de révolte viennent des moines. Ce n’est pas un signe d’une action politique cléricale comme le croient les plus ignorants des Occidentaux. Il en est ainsi parce que les jeunes moines sont l’équivalent des étudiants dans les autres pays !
Il existe aussi des jeunes résistants laïques contestant la position pacifique qui fut toujours celle du Dalaï-Lama. Ceux-ci lui reprochent parfois sa trop grande modération, certains rêvant d’une opposition armée comparable à celle des Palestiniens. Ils lui reproche aussi de réclamer seulement une réelle autonomie culturelle plutôt qu’une totale indépendance constitutionnelle.
La situation est complexe, car d’un côté l’aspect traditionaliste de la société tibétaine constitue le dernier ciment de sa cohésion et de son identité, et d’un autre côté cette population doit trouver le moyen de créer des institutions adaptées aux exigences de son temps.
Et tout ça depuis un gouvernement en exil, car sur place il n’est pas question d’organiser une activité politique. La seule activité politique autorisée est celle du parti communiste point barre. Les peines de prison sont très lourdes - 20, 30 ans pour la moindre ébauche de contestation - et les prisons TRES inconfortables (pas de soins médicaux, corvées consistant à étendre à la main les excréments humains dans des champs, menaces perpétuelles concernant la famille, viols et tortures (nombreux cas de nonnes violées à la matraques électrique), etc.
Il faut bien comprendre que le maigre soutien apporté à ces gens occupés depuis un demi-siècle (et dont le territoire est dévasté par un pillage destructif des ressources naturelles), ne serait-ce qu’en dénonçant les injustices atroces qu’ils subissent, n’a strictement rien à voir avec un quelconque soutien à une idéologie théocratique. Pas plus qu’on ne marquerait son soutien au tribalisme chamanique en soutenant un peuple indigène d’Amazonie expulsé de sa forêt. Il s’agit simplement de droits humains fondamentaux.
Je suis aussi laïque que Mélenchon, mais mieux informé que lui ( le nombre de sottises qu’il a pu sortir sur le Tibet et son histoire est effarant ). Et contrairement à lui, je ne trouve pas qu’un camp de concentration communiste soit plus sympathique qu’un camp de concentration national-socialiste. Et contrairement à lui, je ne confond pas le parti communiste chinois avec le peuple chinois et sa très respectable culture. Dans quelques années, le parti communiste chinois aura disparu, mais il y aura toujours des Chinois et des Tibétains dans un siècle.
Un point très important à préciser est qu’il n’y a aucune hostilité fondamentale entre le peuple tibétain et le peuple chinois, ni concurrence entre la culture chinoise et la culture tibétaine, même s’il s’agit de deux cultures très différentes.