L’enseignement scolaire est devenu très éprouvant pour le narcissisme des enseignants et personnels périphérique.
Mais dans bien des professions, ce narcissisme (qu’on pourrait appeler respect de soi ou fierté basique) est laminé.
Concernant les actes désespérés des enseignants (mais c’est pareil pour les policiers, les commerciaux ou les agriculteurs) il y a, comme corps qui en disent quelque chose, les gouvernements qui vont toujours à souligner la faiblesse du désespéré et les organisations de son métier qui vont toujours à souligner les manques de moyens ou de soutien (le suicidé est alors utilisé, récupéré)
Rien n’est absolument faux dans ces deux réactions. Les gouvernement n’ont pas absolument tort en disant que le suicidé était faible ou déficient. Les syndicats n’ont pas absolument tort en disant que leur profession manque de considération.
Mais dans les deux cas, il y a un fond de sauce en récupération, en utilisation.
Comment réagir face à un suicidé sans l’utiliser ?
Je ne vois qu’une seule solution et elle consiste à entrer précisément dans son cas, rien que son cas, tout son cas, sans jamais extrapoler ni généraliser.
Par exemple, face au suicide de Gabrielle Russier, il ne fallait faire qu’une seule chose (pour ne pas se servir de sa mort) et ça consistait à détailler son cas, ce que certains ont fait en se donnant la peine de tout étudier de sa situation et de ne parler que de sa situation (Cf Mourir d’aimer)
Sauf cas spéciaux (ex : immolation de Thich Quang Duc, puis d’autres identiques) les suicidés ne se tuent qu’en raison de leur propre cas ou situation. Etant alors à comprendre qu’à situation personnelle extrêmement similaire, deux personnes songeant à se suiicider, l’une trouvera le microscopique brin de ficelle d’encouragement qui lui permettra de tenir, l’autre ne le trouvera pas et passera à l’acte.
Dès qu’on en reste à examiner chaque cas en détail, il saute aux yeux quelque chose que nous n’aimons pas reconnaître, le suicidé s’est retrouvé à subir une accumulation de cruautés non compensées par la moindre générosité envers lui.
Une des grandes questions comportementales qui se posent à nous, c’est celle de l’abandon. On ne devrait jamais abandonner quiconque à la dureté, à la solitude. Or ce principe qui serait salvateur est réellement difficile, très difficile à respecter. D’où notre réponse-défense en « On ne peut pas accueillir toute la misère du Monde »
Mais si nous ne pouvons pas faire preuve de générosité envers tous, il ne nous coûterait rien du tout de n’être point cruel.
Françoise Bettencourt est de plein droit quand elle met sa mère sous tutelle et sous sa coupe. Mais elle est cruelle.
Aider tous les malheureux nous semble impossible ? OK. Mais censurons-nous pour autant notre cruauté ?
(Et une insulte en est une. Même un moinsage en est une)
Lorsque Pulvar et Polony défoncent le travail de Hondelatte et même jusqu’à son comportement global, en aucun endroit, elles ne lui accordent de l’air, de l’oxygène. Elles l’étouffent complètement. Elles sont cruelles et nombreux son ceux qui trouvent normal d’exercer cette cruauté. Qui peut affirmer que Hondelatte n’aura pas ressenti du désespoir ?
Ce n’est pas parce que Hondelatte aura éventuellement été cruel qu’il faut trouver normal de l’être aussi envers lui.
Il faut en toute occasion faire valoir qu’il faut laisser de l’oxygène aux autres et ça ne coûte rien de le faire
Je me souviens toujours des derniers duels en France, dont celui de Serge Lifar Vs le marquis de Cuevas. D’une part, le principe du duel est très noble au sens où chacun doit démontrer son véritable courage (pas d’appel à l’Organe de la Justice, pas d’appel au lynchage, pas « d’expertises » psychiatriques de l’ennemi, pas de tombereaux d’injures)
Les deux protagonistes s’escriment (après une semaine d’entraînement, surtout pour Lifar) et au premier sang (Serge est blessé) le combat cesse. Dans la minute qui suit, le marquis, plus âgé et jusque là très calme, se met à pleurer et dit avoir eu l’impression de percer son fils. Le lendemain, Serge, pansé, vient voir Cuevas et ils s’effondrent en larmes dans les bras l’un de l’autre. (on peut en voir le reportage qui avait été tourné)
C’est énorme la quantité d’oxygène qu’ils s’offrent alors mutuellement. Et ça ne leur a rien coûté. Voilà qui n’est pas cruel ou qui conclut en absolue non cruauté.