A Emile Mourey
Vous dites que César courait un grand risque à déformer les faits dans la Guerre des Gaules. Bien sûr que non, César ne risquait pas grand chose en déformant les faits à son avantage. Ses adversaires politiques à Rome ne savaient pas comment s’était déroulée la campagne de Gaule ; ils connaissaient peut-être les grandes lignes et les éléments principaux, mais pas le détail des combats, la topographie des lieux ou la culture des peuples présents. César pouvait donc déformer -dans la limite du raisonnable, évidemment- les faits qu’il raconte dans son livre.
Il existe de nombreux exemples qui démontrent qu’il faut faire attention avec la littérature antique, qui est parfois très subjective. Les auteurs antiques ont l’habitude de mettre en valeur leurs généraux en exagérant leurs exploits ; ils vantent même parfois les ennemis de Rome, dans le seul but d’augmenter le prestige de ceux qui les ont vaincus : par exemple Hannibal et Scipion l’Africain dans Ab Urbe Condita de Tite-Live. Il faut arriver à faire la part de la réalité et de l’invention dans les textes antiques.
De plus je trouve étrange votre phrase « Son texte est extrêmement précis si on le traduit correctement. » Est-ce que vous sous-entendez que tous les traducteurs de César, dans quelque langue que ce soit, se sont tous trompés en traduisant la Guerre des Gaules ? Cela fait 2000 ans que ce texte a été écrit, et donc presque 2000 ans qu’il a été traduit par différents savants, dans presques toutes les langues parlées dans le monde. Donc selon vous toutes les personnes, parlant parfois couramment latin, qui ont traduit l’oeuvre de César, se sont toutes complètement trompées, et pas une seule n’a réussi à comprendre César, à part vous ? Si c’est bien ce que vous voulez dire, je trouve quand même cela un peu prétentieux de votre part.
Avez-vous pensé que si votre traduction diffère tant de celles qui ont été faites par le passé, c’est peut-être parce que c’est elle qui est en partie fausse, et pas les autres ? Je ne remets pas en cause votre compétence de traducteur, ce n’est qu’une hypothèse.
Vous critiquez la phrase de Kern « Vous basez tout votre article sur une interprétation, elle même orientée par votre vision des choses, étayée par des livres que vous avez écrits », en disant qu’au contraire vous avez « écrit vos livres parce-qu’on a refusé de vous entendre ». Je ne crois pas que Kern voulait remettre en question le fait que vous ayez publié des livres, mais plutôt le fait que vous vous utilisez les théories que vous avez émises dans vos précédents articles ou ouvrages pour appuyer les nouvelles. Or un chercheur doit s’appuyer sur les recherches d’autres personnes, les découvertes archéologiques, les interprétations et théories des autres historiens/archéologues/etc., ce que je ne crois pas que vous fassiez (à moins que je me trompe). La recherche, par définition, sert à établir de nouvelles théories, qui parfois contredisent les précédentes (les chercheurs font parfois des découvertes qui contredisent leur propres théories). Si personne parmi les archéologues « officiels » ne vous écoute, c’est peut-être parce qu’ils ne pensent pas que vos théories soient justes (je ne porte pas de jugement sur ces théories, et je ne défends pas les archéologues non plus). Si vous pouviez confronter vos théories directement avec un archéologue (il y en a bien un en France qui accepterait de parler avec vous), cela pourrait enrichir le débat, à la fois pour vous et pour l’archéologie.
Vous dites que l’archéologie consiste à traduire les textes, puis à raisonner (militairement), puis à interpréter les objets archéologiques, et pas à utiliser la statistique. C’est tout à fait faux, et il y a un moyen simple de vous prouver que ce n’est pas la méthode utilisée par les archéologues : votre méthode pourrait marcher pour les périodes historiques, c’est à dire après l’invention de l’écriture, et seulement pour les civilisations qui possèdent l’écriture ou celles qui ne la connaissent pas mais sont en contact avec des civilisations qui la possède. L’écriture serait apparue vers 3500 av. J.-C. à l’est de la Méditerranée ; donc selon votre méthode on peut étudier archéologiquement les peuples qui la possèdent à cette époque, mais pas toutes les autres civilisations qui peuplent le monde à ce moment. De même, toutes les cultures qui se sont développées avant 3500 av. J.-C. (c’est à dire le début du Néolithique et le Paléolithique) ne sont pas étudiables.
Vous le savez certainement, ce n’est pas le cas. L’archéologie consiste à interpréter les vestiges découverts lors des fouilles (que ce soit les structures construites ou les objets archéologiques). Les textes antiques, lorsqu’ils sont utilisés, le sont avec précaution et servent soit à émettre des hypothèses qui sont vérifiées sur le terrain, soit à vérifier les hypothèses émises sur le terrain. On se sert aussi des textes médiévaux et modernes pour localiser des sites potentiels. Le but de l’archéologie est de comprendre comment ont vécu les civilisations du passé, à partir des vestiges matériels, mobiliers et immobiliers, qu’elles ont laissé. La méthode que vous préconisez, de retraduire les textes anciens, n’est pas une démarche d’archéologue mais d’historien. Les historiens se basent sur les textes, et les comparent aux découvertes archéologiques. Les archéologues procèdent en sens inverse, en comparant les vestiges qu’ils ont découverts et interprétés aux textes anciens si il y en a de disponibles.La base du raisonnement archéologique n’est pas la traduction des textes antiques, mais l’analyse des structures et du mobilier trouvés sur les sites. En réalité, la démarche archéologique qui est appliquée par les archéologues est l’exact inverse de celle que vous préconisez : ils se renseignent sur le site, avec la littérature relative à ce site (en générale médiévale, moderne, voire contemporaine), puis ils le fouillent, en relevant et en analysant au fur et à mesure la stratigraphie, les structures, le matériel, les sédiments, etc. pour comprendre au mieux l’enchaînement des faits sur le terrain ; après la fouille, ils analysent tout ce qu’ils ont relevé sur le site, pour affiner le plus possible leurs observations et comprendre le site dans son ensemble. Tous les objets et toutes les structures sont étudiés, de manière à comprendre l’utilisation qui en était faite, ainsi que la chronologie du site. Tous ces éléments sont ensuite analysés ensemble, avec un raisonnement logique (je ne comprend pas pourquoi selon vous ce raisonnement doit surtout être militaire ; un raisonnement militaire peut-être compréhensible pour un site fortifié, mais pas pour un sanctuaire, un site d’habitat, une nécropole, etc.). Ensuite les archéologues peuvent confronter leurs conclusions aux textes antiques, si ils disposent de textes concernant leurs recherches.
La méthode que vous décrivez pourrait éventuellement être utilisée en archéologie classique, pour les cultures où l’écriture a été utilisée tôt ; mais elle ne peut pas du tout s’appliquer aux civilisations d’Europe continentale (l’Europe non méditérranéenne) ou précédant l’utilisation de l’écriture.
Si vous voulez lire un ouvrage sur l’archéologie, je vous conseille le « Guide des méthodes de l’archéologie », de A. Schnapp, J.-P. Demoule, A. Lehöerff, F. Giligny. Les auteurs sont tous d’éminents archéologues, spécialisés dans différentes périodes allant de la Préhistoire à l’Antiquité. Ce livre, très récent, présente les méthodes archéologiques actuelles, de fouille et de recherche, et vous aidera à mieux comprendre la démarche archélogique actuelle.
Effectivement la recherche archéologique consiste à émettre des hypothèses, qui sont vérifiées sur le terrain ou par la recherche en post-fouille. Malgré ce que vous croyez manifestement, c’est certainement ce que font les chercheurs du Mont Beuvray. Ils étudient les structures et les objets découverts, et ils les analysent dans leur ensemble et les uns par rapport aux autres, ce qui en fait un faisceau d’indices assez important pour arriver à des conclusions relativement fiables.
Il est très rare d’être certain d’avoir raison en archéologie. On peut toujours faire une découverte qui révolutionnera toutes les théories en place jusqu’à présent, et les découvertes faites jusque là ne représentent qu’une partie de la réalité de leur époque. Cependant, il est fréquent d’arriver à une « quasi certitude », et les chercheurs se mettent d’accord là-dessus, en attendant de trouver des preuves qu’ils ont tord ou au moins pas tout à fait raison. Le principe de la recherche est de tirer des conclusions des faits observés, pour comprendre toujours mieux les civilisations passées ; pour cela il faut se tenir au courant des recherches en court, et sans cesse se remettre en question, ainsi que ses conclusions.
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