Sur les Francs-Maçons pendant la Révolution, leur rôle est à grandement minorer. D’abord parce qu’ils étaient très divisés et même opposés : Philippe d’Orléans avait beau être grand maître de la loge de France, il se trouvait finalement fort peu de francs-maçons pour le soutenir, et c’était essentiellement des membres de sa clientèle ; La Fayette eut beau se présenter comme « le grand Américain » et chercher le soutien des « sociétés savantes », c’est plutôt vers son rival Riqueti de Mirabeau que nombre de francs-maçons se tournèrent. Étant donné que Mirabeau navigua sans cesse entre deux eaux, ne réussissant que ponctuellement à obtenir des majorités fort fluctuantes, voilà qui permet de relativiser l’influence de la franc-maçonnerie, largement concurrencée y compris en termes de réseaux d’influence par d’autres coteries, notamment par les « anglophiles » partisans d’une monarchie à l’anglaise (à ne pas confondre avec les partisans de Philippe d’Orléans, payé par les Anglais pour changer la dynastie régnante au profit des Orléans, liés au duc d’York).
La franc-maçonnerie sous la Révolution était particulièrement composite. L’abbé Grégoire (oui, en France, quoiqu’en disent certains ignorants, la franc-maçonnerie a été dès le début et aujourd’hui encore largement présente chez les catholiques) tout comme le huguenot Dupont de Nemours étaient franc-maçons ; le premier manqua d’être exécuté avec Robespierre, le second fut condamné à mort sous la Terreur et « sauvé » par le 10 thermidor.
D’une manière générale, on peut dire que l’apogée des franc-maçons pendant la Révolution fut la période 1791-1792, sous l’Assemblée Législative, où presque la majorité des parlementaires étaient franc-maçons. Mais là encore, les divisions étaient énormes entre un Couthon et un Brissot, même si les deux se rattachaient (en large) à la gauche de l’Assemblée. Après le 10 août (déchéance du roi), après le 21 septembre (réunion de la Convention) 1792, les franc-maçons furent beaucoup moins influents. L’élimination des factieux girondins (qui s’apprêtaient à renverser la Convention par la force armée et avaient même commencé de convoquer une « Convention des suppléants » à Troie dans la plus parfaite illégalité) le 2 juin 1793 marqua la disparition de la dernière coterie franc-maçonne des instances du pouvoir. Quant à ceux qui restaient, ils étaient répartis dans des camps opposés jusqu’à la mort : si Sieyès, Cambacérès, Desmoulins, Grégoire, Couthon et Vadier étaient tous franc-maçons, le premier (« la taupe de la Révolution ») fut un fervent modérantiste, le second un girondin affirmé, le troisième un dantoniste, le quatrième un humaniste de la Montagne, le quatrième un fervent robespierriste (le « triumvirat » arrêté le 9 thermidor et exécuté le lendemain était formé de Robespierre, Saint-Just et Couthon, auxquels demandèrent à être ajoutés Robespierre jeune et Lebas) et le dernier un maximaliste voire un hébertiste.