L’analyse est intéressante, mais je ne partage pas votre avis.
Certes, il est effectivement exact qu’une bonne moitié de l’électorat français ne se retrouve pas dans les deux partis favoris, qui se partagent artificiellement le pouvoir grace au scrutin majoritaire. De la même façon, j’approuve votre classification à propos des partis que je qualifierai « d’influence » comme EEV ou le FG, qui cherchent à peser sur le projet de leur allié. Mais le FN me semble un peu en dehors de cette catégorie, et surtout il ne me parait pas réaliste de regrouper idéologiquement dans un même paquet des partis et personnalités qui ont des visions très divergentes de la société.
De la même façon, je ne partage pas votre opinion en ce qui concerne l’idée que ces candidats indépendants défendent d’abord leur vision sans incarner une famille de pensée.
Si l’on observe un peu plus en détail le paysage politique actuel du côté des « indépendants », on constate en réalité deux familles de pensées : les « nationalistes » (ou « souverainistes » ) et les successeurs de la démocratie chrétienne (« sociaux-libéraux »). Les premiers défendent un état fort, centralisateur et décisionnaire, l’absence de délégation de souveraineté. Les seconds placent l’humain au centre de leur projet (que celui-ci soit d’inspiration chrétienne ou laïque), prônent un pragmatisme économique tempéré par de fortes considérations sociales, et sont plus délégataires (au profit des collectivités locales comme de l’Europe). Imaginer des primaires au sein de ces deux courants de pensée me semble plus réaliste qu’une seule qui n’aurait guère de sens car leurs électorat sont en réalité largement exclusifs.
La réalité de ces familles de pensée, d’un point de vue idéologique, indique de la même façon que ces projets ne sont pas uniquement, ni même majoritairement ceux de leur leaders. Simplement, afin d’exister dans le système bipolaire français, une certaine personnalisation est nécessaire. Mais Bayrou n’est rien sans l’existence d’un courant de pensée profond qui lui permet de réémerger à chaque élection importante, et Le Pen, au delà du courant extrémiste très minoritaire, représente aussi un courant nationaliste qui a existé tout au long de l’histoire. ler succès relatif de ces courants de pensée dépend effectivement, plus que pour le PS ou l’UMP, de la qualité politique de leurs leaders, mais avoir cru, comme les leaders du RPR, que la France politique pourrait se réduire à deux partis était simplement chimérique. Il existe en France 5 ou 6 grandes familles de pensée politiques, qui sont toutes légitimes à défendre leur projet, qui méritent des élus, et qui devraient pouvoir, en fonction des voeux des électeurs, former des coalitions de gouvernement sur la base de projets majoritaires.