Une « primaire » au Centre
On parle beaucoup de politique, on en parle tout le temps. Le moment est venu de parler de stratégie : la façon de s’assurer que le pays aura bien la politique qu’il voudra, considérant le contexte, les circonstances et le sérieux qu’on mettra à faire qu’elle puisse s’appliquer. Parlons stratégie. Pour les fins de cet article, je n’ai pas d’opinions politiques.

Le contexte, c’est la France de 2012, en crise profonde, qui va se choisir un président puis des législateurs, en application des règles de ce que nous appelons « notre démocratie ». On pose comme prémisses que les électeurs ont une opinion que peut modifier l’information dont ils disposeront et que le vote des électeurs sera honnêtement pris en compte. On pourrait discuter ces prémisses, mais ce serait un autre débat.
L’enjeu devenant de convaincre une majorité des votants, les circonstances spécifiques à la course qui s’engage tiennent au contrôle de l’information – et nous y reviendrons – mais aussi d’abord à cette évidence que les candidats vont entrer sur la piste avec des handicaps divers. En fait, ils vont se départager dès le départ en trois (3) pelotons.
1) Le premier peloton se compose des deux (2) partis – le PS et l’UMP – disposant de ressources humaines et organisationnelles beaucoup plus considérables que les autres… et jouissant par surcroit du préjugé qu’eux seuls peuvent gagner. Ce sont les partis “grand-frères”, qu’on peut appeler les “partis de gouvernance“
2) Le second groupe est celui des évangélistes, des “porteurs de message“. Ils ne peuvent pas raisonnablement gagner, mais on croit savoir vers lequel du candidat PS ou UMP leurs électorats respectifs iront au deuxième tour. Voter pour les candidats de ces partis, c’est donc seulement ajouter une petite remarque à ce qui deviendra le choix final et qu’on annonce déjà au premier tour
Ainsi, il est présumé qu’on ira de Melenchon ou de Joly vers le PS, mais seulement après avoir dit qu’on souhaiterait que ce parti évolue vers la gauche… ou mette davantage l’accent sur l’écologie. On passera de même de Marine vers l’UMP, mais en ayant souligné que c’est bien faute de mieux… ! Les partis porteurs d’un message ont coutume d’assortir celui-ci de la menace implicite, plus ou moins sérieuse, de ne PAS accorder leur soutien au parti grand-frère si celui-ci ne leur prête pas attention et respect.
3) il y a enfin la mêlée des candidats du troisième type qu’on peut dire “indépendants”, dont on ne peut vraiment savoir si leurs troupes iront vers la gauche ou la droite au second tour. Ces candidats ont en commun d’offrir des projets qui n’obéissent pas PRIMORDIALEMENT à la dichotomie gauche-droite. Ils peuvent proposer des mesures tout aussi à gauche ou a droite que les autres, mais ce n’est pas sur ces mesures qu’ils jouent leur va-tout. On peut dire ces candidats « centristes », mais c’est une appellation de commodité. En réalité, ils sont “ailleurs” car ils suggèrent un clivage des opinions selon un autre ordonnancement des valeurs.
Il y a de ces clivages qui pour un temps transcendent celui historique entre la gauche et la droite. On en a eu un exemple concret au Québec, où toute une génération, en se définissant d’abord comme « fédéraliste » ou « souverainiste », a pratiquement relégué au second plan le débat social.
En France aussi on le fait. On a déjà été royaliste ou républicain, puis, bien sûr, pétainiste ou gaulliste, sans que ce choix de base n’implique nécessairement une opinion quant à la question sociale ou au partage des richesses. Beaucoup en France, aujourd’hui, semblent voir l’appartenance à l’Europe comme une de ces questions qui priment sur les autres et plusieurs candidats indépendants – mais pas tous – reflètent ce nouveau clivage.
Autre caractéristique des candidats indépendants, ils sont d’abord des INDIVIDUS, dont chacun a son projet. Ils ne sont pas l’émanation d’un parti, c’est le parti qui est l’incarnation de leur projet. Les projets peuvent être uniques, originaux, sans apparentement logique évident avec ceux des autres candidats de ce groupe. Les ralliements sont donc difficiles, entre indépendants, car on peut se rejoindre sur un point et être en désaccord total sur un autre.
On comprend facilement que la stratégie qui sied à un candidat va varier du tout au tout, selon qu’il est du premier du second ou du troisième groupe.
Un candidat du premier groupe, même s’il parle de changements, incarne la continuité. Il demande à gouverner. L’aspirant Président du premier groupe, avec SES députés à élire aux législatives, veut le mandat de réaliser leur politique qui est celle du programme du parti… Il demande à l’électeur de choisir entre cette politique et celle de l’autre candidat du premier groupe. Il doit donc avoir pour stratégie de s’identifier clairement à son parti et a son programme.
Le candidat du deuxième groupe, au contraire, sait qu’il ne gouvernera pas. Il doit obtenir des avantages immédiats pour les idées qu’il défend – et pour les gens de sa faction ! – sans négliger aussi de préparer l’avenir. Sa stratégie doit donc être de se rendre intéressant. Idéalement, il doit faire regretter que ce ne soit pas lui cette fois qui soit premier de cordée pour la Gauche ou la Droite.
La stratégie du candidat du troisième groupe est plus complexe. Il est seul contre tous, et ses plus dangereux rivaux sont les autres candidats indépendants. Aux élections de 2012 plus que jamais, car un sondage a affirmé la semaine dernière que 53 % de la population préfèrerait AUTRE CHOSE que Sarkozy ou Hollande ! Ça donne des idées..
Le Centre – on parle d’un centre large, incluant (par ordre alphabetique) Asselineau, Bayrou, Borloo, Chevenement, Dupont-Aignan, Villepin et tous ceux qui voudraient s’en réclamer - a le vent dans les voiles.
On sait que c’est la division des suffrages entre plusieurs qui seule va sonner le glas pour les indépendants. On sait qu’elle le fera au premier tour, car si l’un d’eux miraculeusement accédait au second tour, il pourrait compter sur les suffrages des 53 % qui ne veulent ni de l’un ni de l’autre des candidats du premier groupe… plus ceux du candidat du premier groupe évincé au premier tour et de ses alliés ! il serait sans doute plébiscité par une très large majorité.
Face à cette situation, la réaction viscérale des candidats indépendants est de se taper dessus les uns les autres, ce qui est absurde. On va faire chavirer cette barque. La seule stratégie de TOUS les candidats « centristes » devrait bien être de viser à ce que toutes les voix du “Centre” se portent vers UN SEUL CANDIDAT .. mais sans aller chercher ces voix par la bagarre.
On pourrait s’entendre. On pourrait convier tous les volontaires à une grande “primaire” du Centre, à la seule condition de retirer leur candidature s’ils ne sortent pas vainqueur de cette primaire. Considérant la visibilité liée a cet exercice, ne pas y participer serait une grosse erreur…
Attention ! Il ne s’agit pas de fusion idéologique, mais d’une manœuvre stratégique. On ne demande pas aux perdants d’appeler à voter pour le vainqueur – les idées de ce dernier et les leurs pourraient rendre ce soutien inacceptable – seulement de retirer leur candidature.
En retirant leurs candidatures qui, s’ils n’ont pas gagné cette primaire, deviendrait sans espoir et de pur égo, il renonceraient simplement à contribuer au stratagème de diviser pour régner qui est celui des “partis de gouvernance” et choisiraient de laisser le peuple français choisir celui qu’il rendra lui-même “providentiel” en en faisant l’arbitre des grandes décisions, ce qui doit être le rôle d’un Président. Au-dessus des partis.
On ne demanderait pas un programme au candidat indépendant ainsi choisi par une primaire au Centre, seulement de jouer, s’il est élu à la présidence, son rôle d’arbitre au dessus des partis ; en nommant impartialement Premier ministre quiconque obtiendra le soutien d’une majorité des députés élus aux législatives.
Si un Président indépendant est élu, il se passera des choses aux législatives. Il est probable que de nombreux candidats y seront élus en s’identifiant désormais aux divers partis ayant participé à la primaire du Centre. Probable, aussi, que se constitueront des alliances entre certains de ces petits partis qui auront alors un autre avenir possible que d’être des clubs à sensibilités orphelines.
Cette opération “primaire au Centre” est souhaitable, car elle offre une alternative à l’alternance PS-UMP que refuse aujourd’hui une majorité des Français. Elle est possible, à cause de l’émergence de l’internet et des blogues, qui ouvre un deuxième front dans la guerre de l’information.
Les deux partis dits de “gouvernance” n’ont plus, en effet, le monopole de l’information. Ils ont encore le contrôle de médias, mais le traitement que ceux-ci ont donné aux innombrables « affaires » des dernières années – et surtout les mensonges incroyables qu’ils ont débités durant l’agression de la Libye ! – se sont soldé par une perte de crédibilité.
Une perte de crédibilité dont on verra les conséquences, justement, lors des présentes élections présidentielles. N’oublions pas que 50% des électeurs peuvent modifier leur intention de vote en deus semaines.
L’organisation de cette primaire du Centre doit être la priorité des candidats indépendants… Comme ce sera la priorité de la Gauche comme de la Droite partisanes de l’empêcher. Il ne faudra pas s’étonner, si une campagne vigoureuse de diffamation et de corruption est mise en marche pour empêcher cette primaire qui pourrait vraiment changer les choses.
Il serait donc habile, pour ceux qui souhaitent que cette primaire ait lieu, d’en discuter entre eux très discrètement …. et de ne l’annoncer que lorsque la décision de la tenir aura été prise irrévocablement. A chacun d”établir sa stratégie et d’agir selon sa conscience
Piere JC Allard
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