Quarante-cinq mille euros d’amende et un an d’emprisonnement : c’est ce que pourrait bien risquer une personne qui voudrait exprimer ce qu’elle pense au sujet du génocide arménien, en France. C’est cher payer l’expression de ses idées. Ainsi, cette loi, comme la loi Gaysot visant à châtier certaines personnes exprimant leurs opinions à propos du génocide commis contre les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, bafoue l’un des droits les plus fondamentaux de l’individu : celui d’exprimer ses idées. En clair, le délit d’opinion existe dans notre pays. Rien que pour cette raison, cette loi doit être condamnée. Car c’est une manifestation d’intolérance, au sens exact du terme, c’est-à-dire le refus de la liberté d’opinion d’autrui.
Rien n’est censé être, par principe, tenu à l’abri de la critique. Il n’y a pas de dogmes, de vérités « sacrées », intangibles, que l’on n’ait pas le droit d’interroger et de remettre en cause. En revanche, étant donné que ce qui rend la liberté de penser féconde, ce n’est pas l’acte libre du penseur en lui-même, mais la confrontation des diverses hypothèses sur l’espace public, l’exercice fécond de la liberté de penser par un citoyen a pour condition sine qua non la reconnaissance de la même liberté de penser chez les autres. En d’autres termes, il faut qu’il y ait adhésion sans réserve aux règles mêmes du pluralisme, déontologie de la presse, règles du débat académique, règles du débat public en général. Cela exclut donc que quiconque, pour faire prévaloir une vérité, puisse compter sur quelque forme que ce soit de coercition étatique.
Max Gallo : « Pour l’historien, il n’est pas admissible que la représentation nationale dicte « l’histoire correcte, celle qui doit être enseignée ». Trop de lois déjà, bien intentionnées, ont caractérisé tel ou tel événement historique. Et ce sont les tribunaux qui tranchent. Le juge est ainsi conduit à dire l’histoire en fonction de la loi. Mais l’historien, lui, a pour mission de dire l’histoire en fonction des faits ».