Merci Flore
Chaque miette de votre papier m’a interpelé.
Je vous épargnerai d’en faire le frand tour.
Je vais seulement rebondir sur un des points que vous évoquez.
Les médecins qui n’ont plus le courage d’accompagner jusqu’à la mort. Disons que ça vaut aussi de plus en plus pour les proches des mourants.
Forcément, quand le curé n’est plus là pour en donner l’exemple, quand le médecin n’est plus là pour en donner l’exemple et quand la tendance va davantage à faire procès à ses parents qu’à les accompagner avec reconnaissane, les gens meurent seuls.
Je vais raconter ce que j’ai fait un jour mais je n’invite personne à en faire autant.
Très porté par le concept de fidélité, j’ai eu deux chiens bergers allemands dans ma vie et sans aucun doute ce que je voyais ou projetais en eux c’était à la fois le sentiment de fidélité (soutenu par le concept de fidélité érigé en devoir). Il s’agit alors d’une fidélité par devoir selon la vision de Saint Exupéry « On est responsable à tout jamais de ce qu’on a apprivoisé » . En considérant que mon chien m’avait apprivoisé autant que je l’avais apprivoisé mais que j’avais d’énormes responsabilités vis-à-vis de lui puisque je pouvais beaucoup agir, pas lui.
Ce paquet a abouti évidemment à un sentiment d’amour mais mon sentiment de responsabilité dominait nettement en moi.
Un jour, mon second chien, une chienne en fait, se retrouve avec le bassin bloqué comme ça arrive souvent.
Vétérinaire, tout ça, rien à faire alors qu’elle souffrait de plus en plus.
Arrivait donc la décision de l’euthanasier. Ce que beaucoup de maîtres ont à vivre et qui est déjà pesant.
Mais depuis chez moi, je considèrais qu’il serait lâche de laisser le vétérinaire s’en occupe comme ça se fait d’habitude. Je considèrais qu’il n’est pas logique d’alléger la charge de ma responsabilité par quelque biais même standard et que c’était à moi seul de la porter en son immense poids entier, pas une once de moins.
Un jour, sans rien dire aux miens, je l’emmène chez le vétérinaire et je lui explique ce que j’attends de lui. Qu’il prépare la seringue et m’assiste mais qu’il me laisse injecter le poison. Il a été surpris mais je l’ai vite convaincu de ma détermination.
Ma chienne allongée au sol, je m’agenouille, je pique et j’approche mon visage contre sa gueule avec trois objectifs : Fusionner le plus possible avec elle, lui indiquer ma proximité immédiate et m’offrir à ses morsures si elle en décidait.
Elle s’est débattue, j’injectais encore, elle me léchait, paniquait, me léchait et s’est immobilisée sans m’avoir mordu.
Je mourrais avec elle et je suis vraiment mort pour partie depuis ce jour là.
J’ai mille fois réfléchi à ce que j’ai fait et chaque fois je me retrouve la gorge nouée, à ressentir la brûlure du poison, la paralysie, la panique mais pas la solitude. Je ne peux plus me sentir vraiment seul. Ma chienne est toujours incorporée en moi et j’agis en grande partie comme elle.
Il est arrivé quelques cas de soldats ayant été conduits à abréger les souffrances de leur très cher compagnon. Ils en ont été très marqués. Dans leur cas, ils n’avaient pas le choix et devaient forcément faire ce geste.
Moi j’avais le choix et la société est unanime à dire qu’il faut laisser le vétérinaire accomplir ce geste. Je me retrouve donc seul. Avec ma chienne en moi.
Je ne conseille à personne d’en faire autant.
Plus ordinairement, accompagner quelqu’un qui se meurt, l’assurer de sa présence, lui tenir la main jusqu’au bout, oui, je pense qu’il convient de le faire. S’en dispenser c’est systématiser son entreprise de déni.
Par conséquence, je pense que quiconque condamne quelqu’un à quelque fin, blocage ou exil devrait avoir le courage de suivre les battements de son coeur.
25/12 23:50 - easy
OK Flore, Disons que je redoute toujours d’écraser le texte-oeuvre principal par des (...)
25/12 15:50 - Flore Vasseur
@easy Je ne sais pas pourquoi vous voulez m’épargner de votre « franc retour » mais moi, (...)
24/12 17:49 - Luc-Laurent Salvador
@ Flore Vasseur Bravo ! Je trouve cet article remarquablement bien conçu. Il me semble (...)
24/12 17:02 - easy
Merci Flore Chaque miette de votre papier m’a interpelé. Je vous épargnerai d’en (...)
24/12 16:06 - easy
Très bonne proposition d’illustration avec cette vidéo, Lisa ! (Maurice Ravel, pas (...)
24/12 15:29 - Flore Vasseur
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