Réponse ayant déjà fait l’objet d’un article et apportant la dynamique pouvant manquer aux observations des partisans de Malthus.
Monstrueuse
pyramide sociale
La
pyramide des âges synthétise et représente graphiquement la
manière dont se répartissent les individus constitutifs d’une
structure, telle une nation par exemple et cette représentation à
des moments successifs rend compte de l’évolution de la répartition
qui y règne, mettant en évidence les effets inéluctables à
attendre de son vieillissement, tel qu’il résulte de celui des
individus qui la composent. Il en est en effet d’un organisme, quel
qu’il soit, comme de n’importe lequel d’entre nous, et au-delà comme
de tout ce qui existe : à la naissance fait suite la croissance (ou
développement), puis le déclin (ou régression) et enfin la mort.
Pour
tout individu comme pour toute nation et pour l’humanité entière,
il s’agit dès lors de repousser autant que possible cette échéance
fatidique, avec un certain succès à en juger par le spectaculaire
allongement de notre espérance de vie, même si ce dernier demeure
aussi infime qu’illusoire au regard de l’éternité à laquelle
certains aspirent. Quoi qu’il en soit, la solution aux problèmes que
pose ce vieillissement à l’espèce humaine, en termes de banale
organisation, semble résider dans le maintien de son taux de
natalité à un niveau assurant le remplacement de ses actifs, tout
en tenant compte du fait qu’en dépit de l’allongement de leur durée
de vie ils finiront par être incapables de la moindre contribution à
l’effort collectif puis disparaîtront, remplacés par de nouveaux
venus, dont le nombre est hélas d’un ajustement des plus
problématiques. Alors que ces remplaçants naissent en surnombre là
où ils ne le faudrait pas, ils manquent là où ils sont d’une
nécessité criante. Monumental casse-tête à la complexité duquel
s’ajoute des aspects éthiques, religieux, idéologiques, etc. qui,
pour aussi respectables qu’ils soient, le rendrait insoluble s’il ne
l’était de lui-même.
Une
autre représentation pyramidale existe, dont l’objet n’est plus
l’âge des hommes mais leur rapports sociaux. Cette pyramide sociale
exprime la répartition des êtres humains, non plus en fonction de
leur âge mais selon leur richesse (ou leur pauvreté) et leur
pouvoir (ou leur dépendance) ; pouvoir sur autrui et pouvoir de
changer leur propre destin ; dépendance par rapport à ceux qui, par
un euphémisme ne manquant pas de cynisme, sont présentés comme
leurs semblables.
A
l’époque du franchissement du cap des 7 milliards d’êtres humains
et d’une mondialisation qui, par la réduction des distances et des
différences, tend à réduire à une seule les pyramides sociales de
toutes les nations, le sujet ne vaut-il pas d’être évoqué ?
La
misère n’est pas, comme la pauvreté, un état relatif trop souvent
confondue avec l’inconfort. Qu’a en effet de commun une petite
minorité d’exclus (même si son utopique éradication doit être
tentée jusqu’à ce qu’il n’y en aie plus un seul) à Paris ou au fin
fond de la banlieue la plus déshéritée de n’importe quelle grande
cité occidentale, avec ces milliards d’indigents absolus qui
peuplent le Sahel, la Somalie et tant d’autres pitoyables États
comme les tas de détritus des faubourgs du Caire, de Calcutta et de
trop nombreuses métropoles surpeuplées ?
S’il
est possible de relativiser la pauvreté au point de l’assortir
d’indices et autres outils d’évaluation statistique, il n’en est pas
de même pour ce dénuement total qui règne là où la question du
chômage ne se pose même pas, faute d’activités industrielles ou
autres. Cette misère n’aurait-elle pas dès lors d’autres causes
qu’économiques ? l’absence du minimum de ressources qu’elle
traduit ne résulterait-elle pas plus simplement d’une prolifération
livrée à elle-même, d’autant plus monstrueuse qu’elle y condamne
la progéniture de ceux qui en sont issus ?
Pour
comprendre, plutôt que de considérer courbes et tableaux de
chiffres, la pyramide – ce volume que les anciens, qui étaient
peut-être meilleurs observateurs que nous, ont pu déjà considérer
comme représentatif de tous types d’organisation hiérarchisés –
peut nous aider. Appliquons-en la structure, avec sa base et son
sommet, à l’ensemble des hommes peuplant la planète. Une telle
pyramide sociale ou des richesses matérielles, puisque là est
désormais l’aune à laquelle se mesure un confort que les hommes se sont laissés entraîner à confondre avec le bonheur, avec
l’opulence à son sommet et la misère à sa base, met bien en
évidence le rôle de la démographie dans nos rapports sociaux,
actuels comme prévisibles.
Dès
lors que cette pyramide croît en volume, ce qui est le cas du simple
fait de l’augmentation constante de la population, sa base se
développe, proportionnellement, toujours davantage que son sommet,
alors que se livre à tous ses niveaux une lutte ininterrompue pour
la conquête d’au moins une part des richesses accaparées par les
occupants des étages supérieurs, ou leur illusoire partage. Il
s’agit pour chacun de se hisser aussi peu que ce soit vers le haut,
en dépit du poids qui l’écrase. À noter au passage le confort bien
relatif de ceux qui occupent une situation médiane, comprimés entre
la poussée venant du bas et le poids qui les domine.
Parfois,
une secousse est provoquée par une base insurgée ; c’est la
révolution. Celle-ci peut entraîner quelques changements pour les
mieux nantis, aussi bien que des bouleversements profonds, touchant
toutes les étages de la pyramide sociale, mais quelle que soit la
nature de ces bouleversement, qu’ils soient d’origine politique,
sociale, financière, religieuse, philosophique, etc, la pyramide
n’abdique en rien son rôle représentatif et s’applique comme si de
rien n’était au nouvel état de choses avec toujours un sommet et
une bases. La structure d’ensemble de la société née de la
dernière révolution reste immuablement représentée de la même
façon, avec les plus riches et plus puissants au sommet et les
autres s’entassant, toujours plus nombreux, à la base. Après toutes
les mutations qu’a pu connaître la société des hommes depuis ses
origines, et à travers toutes les formes de civilisation qu’elle a
pu traverser et connaître au cours des millénaires, en 2011, sur 7
milliards d’êtres humains, cette base en compte 3 qui vivent avec
moins de deux dollars par jour – l’un d’entre eux mourant de faim
toutes les 3 secondes –, alors qu’au sommet logent les 500
personnes les plus riches et les plus puissantes de la planète. Or chaque
jour voit croître la population mondiale de plus de 220 000
individus, chacun allant se ranger à la place que lui assigne le
sort dans une pyramide qui s’atrophie d’autant. Hormis les arguments
sans plus de fins que d’efficacité de ceux qui promettent aussi bien
le prochain arrêt de la progression qu’une explosion, le constat est
ce qu’il est, et puisqu’il nous semble interdit d’envisager une autre
structure que pyramidale, des questions se posent, appelant des
réponses chaque jour plus urgentes :
-
Jusqu’à quel point se développera cette pyramide et s’atrophiera sa
base ? En d’autres termes, par quels moyens le cours des choses
est-il susceptible de changer ? Une façon existe-t-elle, autre
que vainement utopique, d’irriguer cette base des richesses du sommet
qui la domine ? Par la révolution ? Quelles que soient leurs
raisons, leur ampleur et leur violence, les révolutions n’ont jamais
rien changé à la structure pyramidale de la société, en dépit de
ceux qui s’obstinent à nier son caractère représentatif du
monde dans lequel nous vivons ; refusent d’en reconnaître le
caractère incontournable, ou veulent la contraindre à une platitude
aussi égalitaire qu’utopique, quand ils ne prétendent pas la faire
reposer sur sa pointe.
.
Par la fraternité ? Il suffit d’en considérer les acquis au
cours de l’histoire et spécialement durant le siècle écoulé, pour
se faire une idée de ce qu’il y a lieu d’en attendre.
.
Par le progrès scientifique et technique ? Il n’est qu’un outil
aux mains des hommes, qui en font ce qui motive l’observation du
point précédent. Quel que soit le régime en vigueur : politique,
financier, intellectuel, ... Ce serait la négation même de
l’incontournable rapport entre sa base et son sommet qui serait
aboli. Il est bien entendu toujours possible de rêver, mais il en
est ainsi et il paraît aussi improbable que la pyramide puisse un
jour sortir de notre univers, et du champ des perceptions qu’elle
nous impose que d’arrêter le mouvement des astres et l’alternance du
jour et de la nuit.
En
tout état de cause, concernant la pyramide sociale, en attendant le
partage auquel seuls les saints consentent, l’individu est condamné
à la simple prise de conscience et au mieux à des vœux ou à des
gestes sans grande portée réformatrice. C’est donc à l’élite et
en particulier aux politiques, dont le rôle est de prévoir, de s’en
préoccuper. Après avoir pris eux-mêmes la mesure d’une situation
aux conséquences aussi désastreuses que prévisibles, il est de
leur responsabilité d’identifier nos vrais problèmes de société
et de leur affecter un ordre de priorité. Or qui se soucie
réellement de démographie, au-delà du constat de sa progression,
dans le meilleur des cas ? Pourtant le développement durable et
le respect de la planète qui en est la condition première, ne sont
que vœux pieux, en l’absence de sa prise en compte.
Si
rien n’est fait pour ramener la population du globe à un niveau
maîtrisable, dans les meilleurs délais et conditions possibles,
l’humanité ne fera qu’accroître ses maux jusqu’au pire. Prendre
conscience d’une évidence aussi criante, le plus largement et le
plus rapidement possible ne peut plus suffire. Le pragmatisme dicte
de procéder d’urgence à un investissement massif en vue de réguler
le niveau de la population mondiale et de cesser de s’en remettre
aussi stupidement qu’hypocritement à la providence quand ce n’est
pas aux saignées aussi barbares qu’insiffisantes opérées ici et là
par les guerres, les famines et la maladie.
Alors
que chaque pays en est encore à ergoter sur son cas particulier, en
cherchant à concilier taux de natalité et âge de cessation
d’activité solvable, le problème de la pauvreté est mondial et
tend chaque jour davantage à s’imposer comme tel. Rien d’utile ne
pourra donc se faire autrement qu’à cette échelle et par la démographie,
sans s’arrêter aux considérations d’ordre idéologique, religieux,
etc. qui ne manqueront pas d’y faire obstacle.
Les
tenants d’une croissance démographique dont les conséquences sont
laissées au secours de la providence se sont-ils jamais demandé où
vont se loger, dans la pyramide sociale, les dizaines de millions
d’individus qui viennent chaque année augmenter la population
mondiale ? ils doivent être conscients qu’ils vont à la place que
leur assigne leur appartenance à l’une ou l’autre des catégories
qui peuplent cette même pyramide, avec une probabilité d’échouer à
sa base – c’est -à-dire de rejoindre les miséreux –,
proportionnelle à la place que ceux-ci y occupent déjà.
Quant
à secouer sous le nez de ceux qui s’en plaindraient le hochet de la
promotion sociale, selon lequel chacun a ses chances d’échapper à
son sort, il en est comme de leurs chances de remporter le prochain
loto, à la différence près qu’il ne s’agit pas ici d’un jeu mais
d’un drame. Un drame qui nous concerne tous et encore davantage nos
propres enfants. Que ces généreux irresponsables aillent donc en
parler aux cohortes d’affamées qui peuplent tant d’endroits de notre
planète et la submergeront bientôt, poussées par leur simple
instinct de survie, si leur nombre et leur proportion continuent de
croître.