Vous prouvez, avec d’autres, que la défiance a gagné les esprits.
Alors qu’en cet hiver qui commence fort doucement, il aurait été l’occasion de parler des cas où l’hiver est rude, de parler de celui de 1954, de rappeler qu’il avait été possible de mobiliser beaucoup de gens (Beaucoup c’est seulement beaucoup, ça ne veut pas forcément dire 90% de la population), de rappeler le chemin de l’Abbé Pierre et de citer surtout le cas très peu connu d’Hélène Larmier, la propriétaire du luxueux hôtel Rochester qui l’avait mis à la disposition d’Emmaüs.
Quand on tape « Hélène Larmier » sur Google, il sort 5 occurrences la concernant. Quand on tape Loana, il en sort 3 millions d’occurrences.
L’idéal serait bien entendu que chacun ait sa maison. Mais comme ce n’est pas le cas et en attendant que ça le soit, les coups de main, les actions ponctuelles en dépannage, sont cruciales.
De toutes manières, en rapport à toutes les sortes de cataclysmes qui peuvent à tout instant survenir, jamais on ne pourra se passer du principe du coup de main ponctuel.
Au delà de la question de la véritable construction de logements, nous devrions toujours cultiver le principe du coup de main ponctuel.
Il m’apparaît qu’avant 1950, la masse des gens ne s’exprimait qu’en cercles restreints et quelque peu spécialisés. Bidochon ne n’exprimait que devant ses collègues ouvriers, ses camarades de bistro, sa famille, c’était à peu près tout. Les Bidochons considéraient donc assez clairement qu’il revenait aux patrons et politiques de penser les grandes organisations et qu’eux, les basiques, avaient à se consacrer à la sphère du coup de main, de la solidarité de proximité. A l’échelle de la paroisse, de la mine, du syndicat.
La démarcation des rôles et responsabilités était telle que les masses pouvaient facilement interpeler les Grands sur leurs manquements étatiques (d’où les grèves, les manifestations et le turn over des gouvernements) et les Grands pouvaient aussi facilement interpeler les gueux sur leurs manquements à la solidarité de proximité (A commencer par l’endroit des tranchées)
Puis tout s’est de plus en plus médiatisé et internationalisé à la fois.
La confusion des rôles est apparue, l’épisode de l’hiver 54 marquant ce virage.
Les Grands sont allés à se soucier de plus en plus de leur solidarité de caste de Grands, se sont sentis de moins en moins responsables des problèmes étatiques pendant que les gueux se sont sentis de moins en moins responsables des problèmes de proximité et se mêlant de plus de plus de grande politique.
Aec Internet, nous voilà rendus en un contexte où tous les Bidochons d’expriment face à 60 millions de Français et où les Grands en sont à traiter les gueux un à un, de pauvre con ici, de fouilleur de poche là.
Désormais, dès qu’un Bidochon voit une personne tomber d’un escalier, son réflexe est moins d’aller lui porter secours qu’à ouvrir un topic sur la Toile pour reprocher à l’Etat ses manquements.
On va désormais bien moins à protéger directement une personne matraquée par la Police qu’à en filmer la scène pour la répandre sur le Net.
Tenir son rôle de citoyen revient devient désormais à buzzer de quelque misère.
Sans prétendre que plus personne n’opère seul, avec ses deux bras, face à la chute d’un voisin de palier, il ressort, du fait de l’importance de la médiatisation qu’avait découverte l’Abbé, que chacun a l’impression que son devoir ou rôle consiste surtout à tirer sur la sonnette d’alarme.
A se demander alors si ce geste suffit et qui, au bout de la ligne sera vraiment en mesure de réagir efficacement.
Dans le coup de l’hiver 54, il s’était donc produit deux faits d’importance, en termes de réaction d’urgence. Le premier c’est qu’un gueux s’était emparé du micro pour y tirer une sonnette d’alarme, cette action ayant été hyper admirée et suivie de millions d’autres selon la même mécanique. Le second était ce qu’avait fait Hélène Larmier qui avait consenti à bousiller sa fortune et la réputation de son hôtel pour le consacrer à un coup de main d’urgence, cette action n’ayant intéressé personne, personne ne s’en souvenant.
Au bilan, ce n’est pas l’entreprise ultra personnelle d’une Hélène Larmier qui a été valorisée mais celle d’un tireur d’alarme.
Je ne propose pas de considérer que de ces deux personnages, l’un était inutile et l’autre utile. Posons qu’ils aient constitué, par leur collaboration, la paire utile.
Et aujourd’hui, on en est où ?
Des tireurs d’alarme, j’en vois passer 40 par jour rien que sur ce site qui tous interpellent l’Etat. Mais où sont les Hélène Larmier ?
Des Brigitte offrant leur demeure à des animaux, j’en aurais plutôt vu de plus en plus depuis 60 ans. Mais des Hélène Larmier offrant abri à des êtres humains, je n’en ai plus vu aucune.
Ainsi, on peut trouver assez facilement des disciples de l’Abbé (Lui ayant consacré toute sa vie à la charité, les autres s’y consacrant ponctuellement), on peut trouver des Coluche ou des Cantona prenant bâton de pélerin pour alerter mais on ne trouve plus personne pour offrir ses propres murs en dépannage.
(Les lois protégeant les locataires ainsi que celles interdisant d’héberger des sans-papiers, toutes pondues depuis 54, rendant l’offre d’hébergement provisoire très périlleuse)
Si demain survenait un cataclysme, nous irions immédiatement et uniquement vers quelque clavier encore en état de fonctionner.
21/01 16:57 - rototo
Je suis pro-Cantona mais c’est vrai que dans le monde du show biz actuel il est courant (...)
13/01 08:55 - Tiaphael
c’est bien ce que je voulais dire Annie. Que ce soit Canto ou un autre, la personne aura (...)
12/01 07:27 - amipb
Sur ce point, alchimie a raison. Le problème ne vient pas de la « souche », bourgeois ou pas, (...)
11/01 21:57 - francesca2
Annie, je crois que pour une fois nous sommes sur la même longueur d’onde, je partage (...)
11/01 21:15 - Annie
Francesca, vous avez raison. Entre les personnes qui souffrent de la faim (1 sur 7 selon les (...)
11/01 20:08 - francesca2
Mais c’est que l’humain est irrationnel, et ce que Cantona fait est de (...)
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