La rédaction a fait une erreur : au lieu d’intimer la deuxième partie de mon texte, c’est la première partie imprimée une deuxième fois !
Que faire ? Je vais essayer de mettre la deuxième partie ici :
2ème Partie : Conclusion
’Art Contemporain - une escroquerie ? (2ème partie)
En 1968, dans la frénésie du mouvement libertaire, Beuys proclamait « Tout homme est artiste ; tout ce que vous faites est de l’art ! » . Dorénavant tout est possible, tout est permis. Les jeunes artistes entrent dans une sorte de compétition d’idées nouvelles, d’idées originales. Au début du siècle les Fauves cherchaient à « épater les bourgeois ». A présent l’artiste postmoderne lui aussi cherche à surprendre, à impressionner par son audace. Les jeunes artistes s’intéressent peu à l’histoire de l’art. Ils vivent dans le quotidien. Ils vont aux expositions, mais ne vont plus au musée. L’héritage du passé ne les intéresse pas. Ils ne connaissent que Beuys et Warhol. Leurs créations sont à tel point diverses qu’il est impossible de mettre l’art contemporain sur un seul dénominateur et d’en parler globalement. Souvent il s’agît de créations éphémères : d’installations temporaires, démontées à la fin de l’exposition. Quant aux toiles minimalistes, hermétiques, en vente dans les galeries, s’agît-il d’escroquerie ? C’est de n’importe quoi, où tout geste de l’artiste est de l’art. Mais les collectionneurs qui l’achètent ne s’intéressent pas forcement à l’art. Pour eux c’est une spéculation, et la valeur esthétique n‘a pas d‘importance : ils ne sont pas dupes. La question est plutôt : est-ce de l’art ?
Qu’est-ce que l’art ? Le débat portera toujours sur ce qu’on peut qualifier d’art. La crise de la société au début du XX° siècle provoquât une rupture avec les valeurs morales et esthétiques traditionnelles. Manet disait toujours « Je peints ce que je vois », donc la représentation d’une réalité visuelle. Il ne cherchait pas à exprimer son émotion, bien que c’était sans doute elle qui déterminait son choix de motif. Monet aussi, ne cherche pas à exprimer sa propre émotion devant la scène, mais plutôt à saisir et reproduire en peinture l’essentiel de la scène afin de stimuler la même émotion chez le spectateur. Il ne s’exprime pas mais laisse la scène s’exprimer. Il communique la beauté nostalgique de son « Les coquelicots » grâce à sa maîtrise technique. Qu’une jeune femme avec un enfant figure exactement là, à cet endroit du tableau, n’est nullement un hasard, mais un calcul savant. Enlevez cette figure et le tableau perd un peu de son atmosphère.
Aujourd’hui ce souci de communiquer une émotion, une atmosphère, appartient au passé. L’art contemporain s’en moque, comme il se moque du beau et de la maîtrise technique. Ce qui compte c’est le nouveau, l’original. Il ne s’appuie pas sur la tradition ni sur l’apprentissage du métier. Il s’est débarrassé de toute référence au passé, s’est lavé de toute passion, de tout sentiment. Il s’est dépouillé de toute référence à une histoire et s’épanouit dans une joyeuse célébration exultée de l’avant-garde. En plus des médiums traditionnels (peinture, pastel etc.) l’artiste contemporain utilise déchets, métal, plastique, objets divers et même des excréments (depuis Manzoni on peut parler d‘une « école merdique« . D’aucuns mettent tout l’art contemporain dans cette école.). Ainsi les salons de l’art contemporain ne sont plus des expositions de peinture seule mais des objets de toute sorte. C’est le « postmodernisme », terme qui signifie une rupture, une mise en question, et qui prétend être un reflet de notre époque. Peut-on le qualifier d’art ?
La question nous emmène au problème du goût. Serait-il purement subjectif, « des goûts et des couleurs on ne discute pas » ? En ce cas tout jugement objectif serait impossible. Et pourtant, on distingue entre le bon et le mauvais goût. Le goût c’est la sensibilité esthétique, qui se cultive, se développe, s’affine. Le mari qui demande à sa femme si telle chemise va avec tel pantalon a plus de confiance dans le goût de sa femme que dans le sien. Elle a plus de goût que lui-même. Et c’est le cas pour les femmes en général, parce que dès la petite enfance on cultive la sensibilité esthétique de la petite fille plus que celle du garçon.
Si l’on maintient que le goût est personnel et subjectif et qu’aucun jugement esthétique objectif n’est possible, alors on ne peut faire aucune évaluation d’une œuvre de Bach ou Mozart, de Velasquez ou Bacon. De toute évidence ce relativisme est faux. Si l’on n’aime pas Bach, c’est qu’on manque de sensibilité musicale. Si l’on n’aime pas Velasquez, c’est qu’on ne comprend pas grande chose à la peinture. Mais ce n’est pas une question de savoir, ou de connaissances. L’ appréciation de la beauté est spontanée et dépend seulement de la sensibilité esthétique. Il n’est pas nécessaire d’être musicien pour aimer Bach, ni d’être peintre pour apprécier Velasquez. Sans doute d’être du métier ajoute au plaisir, approfondit l’appréciation, mais ce n’est pas essentiel.
Selon Kant est beau ce qui plaît universellement, et en général il y a peu de désaccord sur le beau : un beau paysage, un bel arbre, un beau garçon, une mésange charbonnière - la beauté dans la nature est reconnue universellement, et celui qui ne la voie pas manque de sensibilité esthétique. Mais dès qu’une volonté artistique entre en jeu les avis divergent. Même dans la nature, dès que l’homme intervient - un jardin, des fleurs dans un vase - le résultat peut ne pas plaire à tous. La beauté de la nature est intemporelle et immédiate ; celle d’une œuvre d’art est influencée par le goût de l’époque et par la complexité du langage. Wagner n’est pas accessible à tous. Francis Bacon non plus. David encore moins. Alors qui ou quoi détermine qu’un tableau est beau ? Les historiens ou les critiques ? Y-a-t-il des « experts » de la beauté qui puissent déclarer objectivement une œuvre belle ? Il est permis d’en douter, mais on peut admettre quand même que certains sont plus connaisseurs que d’autres en chaque domaine, qu’ils ont une sensibilité particulièrement affinée, par exemple un passionné de la guitare classique qui fréquente les concerts et collectionne des disques développera une grande sensibilité à la qualité du jeu sur cet instrument.
Il y a aussi des critères traditionnels del’art, comme l’harmonie, le rythme, le mouvement, la proportion et l’équilibre, mais l’art contemporain rejette ces critères. Il est résolument avant-gardiste et iconoclaste, défiant tous les critères de l’art de papa. Il est provocateur, et pour beaucoup incompréhensible et incritiquable, sauf sur la base du goût personnel. Des charlatans s’insèrent facilement dans cet art qui ne demande aucun apprentissage mais seulement une idée originale : il suffit d’attacher quelques chaises au plafond, et voilà, vous avez créé une œuvre d’art. L’audace et l’esbroufe règnent, et bien que beaucoup de ces artistes contemporain soient sincères, ils sont trop influencés par l’enseignement de l’Ecole des métiers d’art ou la faculté des arts plastiques. Certaines de leurs créations sont vraiment intéressantes, comme on dit, faute de pouvoir dire belles.
Comment expliquer que l’art contemporain ne provoque pas plus de scandale ? Au Salon des Indépendants au début du siècle dernier, les œuvres des Impressionnistes étaient ridiculisés par un public tant hilaire que scandalisé. Ce n’était que plus tard qu’on s’est rendu compte que l’on n’était pas qualifié de porter un jugement, et cette humiliation collective laissa des traces dans les consciences de la petite bourgeoisie qui, dès lors, décida tacitement d’admirer par principe tout ce qui était nouveau et que l’on lui présenta comme admirable. En même temps elle renonça à son goût pour le classique, désormais ringard. Tout ce qui était beau, académique, manifestant le savoir-faire fut jugé ringard. Comme disait Philippe Muray : « Si l’art contemporain peut encore faire semblant d’exister, c’est uniquement comme conséquence du martyre de impressionnistes … il faut continuer à payer les pots qui ont alors été cassés. Après des décennies de foules furieuses ricanantes devant Manet et Van Gogh, brusquement plus rien, plus de critiques, plus de clameur … Cette disqualification du goût du public a permis toutes formes d’escroqueries, plus ou moins burlesques … » De fait, on ne peut que reconnaître que l’exigence artistique, qui passe par la maîtrise de sa discipline, a disparu, et comme le rappelle Muray, les arts plastique sont les seuls où règne encore l’escroquerie de l’avant-garde ; partout ailleurs, en littérature ou en musique, ce genre de tromperie ne passe pas.
Mais tous les artistes pratiquant aujourd’hui ne s’inscrivent pas dans cet école. Ils ne font pas de l’art contemporain. Ils se sentent héritiers d’une longue tradition, qu’ils s’acharnent, solitaires, à perpétrer : Francis Bacon, Zoran Music, Lucien Freud, Spencer Williams, etc., tous des artistes isolés, ne faisant partie d’aucune école ou communauté. L’épreuve du temps constitue le jugement final d’une œuvre d’art. « Avec le temps tout s’en va » : sauf les chefs d’œuvre. Que restera-t-il de l’art contemporain dans 100 ans ?
Réf. : Philippe Muray - Festivus, Fayard, 2005
13/04 11:30 - non-objet
Madame, Monsieur Bien plus qu’un commentaire, je me permets de vous déposer une (...)
22/01 23:58 - crazycaze
Tout à fait d’accord avec vous. D’autant plus que les faiseurs de génies à des fins (...)
21/01 01:13 - bert
http://www.youtube.com/watch?v=WFwuJUeT9rU&feature=related très bon article très très bon (...)
20/01 23:16 - Pie 3,14
Ce genre d’article a le don de m’énerver. L’art contemporain, (...)
20/01 21:11 - easy
Concernant les oeuvres cinématographiques, c’est tout l’inverse sur bien des (...)
20/01 20:54 - easy
Malgré mes explications, vous ne comprenez toujours pas. Concernant les grandes ferrailles de (...)
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