• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Kookaburra

sur Art contemporain - une escroquerie ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Kookaburra Kookaburra 20 janvier 2012 11:18

La rédaction a fait une erreur : au lieu d’intimer la deuxième partie de mon texte, c’est la première partie imprimée une deuxième fois !

Que faire ? Je vais essayer de mettre la deuxième partie ici :

2ème Partie : Conclusion

 

Art Contemporain - une escroquerie ? (2ème partie)

En 1968, dans la frénésie du mouvement libertaire, Beuys proclamait «  Tout homme est artiste ; tout ce que vous faites est de lart !  » . Dorénavant tout est possible, tout est permis. Les jeunes artistes entrent dans une sorte de compétition didées nouvelles, didées originales. Au début du siècle les Fauves cherchaient à «  épater les bourgeois  ». A présent lartiste postmoderne lui aussi cherche à surprendre, à impressionner par son audace. Les jeunes artistes sintéressent peu à lhistoire de lart. Ils vivent dans le quotidien. Ils vont aux expositions, mais ne vont plus au musée. Lhéritage du passé ne les intéresse pas. Ils ne connaissent que Beuys et Warhol. Leurs créations sont à tel point diverses quil est impossible de mettre lart contemporain sur un seul dénominateur et den parler globalement. Souvent il sagît de créations éphémères : dinstallations temporaires, démontées à la fin de lexposition. Quant aux toiles minimalistes, hermétiques, en vente dans les galeries, sagît-il descroquerie ? Cest de nimporte quoi, où tout geste de lartiste est de lart. Mais les collectionneurs qui lachètent ne sintéressent pas forcement à lart. Pour eux cest une spéculation, et la valeur esthétique na pas dimportance : ils ne sont pas dupes. La question est plutôt : est-ce de lart ?

Qu’est-ce que lart ? Le débat portera toujours sur ce quon peut qualifier dart. La crise de la société au début du XX° siècle provoquât une rupture avec les valeurs morales et esthétiques traditionnelles. Manet disait toujours «  Je peints ce que je vois  », donc la représentation dune réalité visuelle. Il ne cherchait pas à exprimer son émotion, bien que cétait sans doute elle qui déterminait son choix de motif. Monet aussi, ne cherche pas à exprimer sa propre émotion devant la scène, mais plutôt à saisir et reproduire en peinture lessentiel de la scène afin de stimuler la même émotion chez le spectateur. Il ne sexprime pas mais laisse la scène sexprimer. Il communique la beauté nostalgique de son «  Les coquelicots  » grâce à sa maîtrise technique. Quune jeune femme avec un enfant figure exactement là, à cet endroit du tableau, nest nullement un hasard, mais un calcul savant. Enlevez cette figure et le tableau perd un peu de son atmosphère.

Aujourd’hui ce souci de communiquer une émotion, une atmosphère, appartient au passé. Lart contemporain sen moque, comme il se moque du beau et de la maîtrise technique. Ce qui compte cest le nouveau, loriginal. Il ne sappuie pas sur la tradition ni sur lapprentissage du métier. Il sest débarrassé de toute référence au passé, sest lavé de toute passion, de tout sentiment. Il sest dépouillé de toute référence à une histoire et sépanouit dans une joyeuse célébration exultée de lavant-garde. En plus des médiums traditionnels (peinture, pastel etc.) lartiste contemporain utilise déchets, métal, plastique, objets divers et même des excréments (depuis Manzoni on peut parler dune «  école merdique« . Daucuns mettent tout lart contemporain dans cette école.). Ainsi les salons de lart contemporain ne sont plus des expositions de peinture seule mais des objets de toute sorte. Cest le «  postmodernisme  », terme qui signifie une rupture, une mise en question, et qui prétend être un reflet de notre époque. Peut-on le qualifier dart ?

La question nous emmène au problème du goût. Serait-il purement subjectif, «  des goûts et des couleurs on ne discute pas  » ? En ce cas tout jugement objectif serait impossible. Et pourtant, on distingue entre le bon et le mauvais goût. Le goût c’est la sensibilité esthétique, qui se cultive, se développe, saffine. Le mari qui demande à sa femme si telle chemise va avec tel pantalon a plus de confiance dans le goût de sa femme que dans le sien. Elle a plus de goût que lui-même. Et cest le cas pour les femmes en général, parce que dès la petite enfance on cultive la sensibilité esthétique de la petite fille plus que celle du garçon.

Si l’on maintient que le goût est personnel et subjectif et quaucun jugement esthétique objectif nest possible, alors on ne peut faire aucune évaluation dune œuvre de Bach ou Mozart, de Velasquez ou Bacon. De toute évidence ce relativisme est faux. Si lon naime pas Bach, cest quon manque de sensibilité musicale. Si lon naime pas Velasquez, cest quon ne comprend pas grande chose à la peinture. Mais ce nest pas une question de savoir, ou de connaissances. L appréciation de la beauté est spontanée et dépend seulement de la sensibilité esthétique. Il nest pas nécessaire dêtre musicien pour aimer Bach, ni dêtre peintre pour apprécier Velasquez. Sans doute dêtre du métier ajoute au plaisir, approfondit lappréciation, mais ce nest pas essentiel.

Selon Kant est beau ce qui plaît universellement, et en général il y a peu de désaccord sur le beau : un beau paysage, un bel arbre, un beau garçon, une mésange charbonnière - la beauté dans la nature est reconnue universellement, et celui qui ne la voie pas manque de sensibilité esthétique. Mais dès qu’une volonté artistique entre en jeu les avis divergent. Même dans la nature, dès que lhomme intervient - un jardin, des fleurs dans un vase - le résultat peut ne pas plaire à tous. La beauté de la nature est intemporelle et immédiate ; celle dune œuvre dart est influencée par le goût de lépoque et par la complexité du langage. Wagner nest pas accessible à tous. Francis Bacon non plus. David encore moins. Alors qui ou quoi détermine quun tableau est beau ? Les historiens ou les critiques ? Y-a-t-il des «  experts  » de la beauté qui puissent déclarer objectivement une œuvre belle ? Il est permis den douter, mais on peut admettre quand même que certains sont plus connaisseurs que dautres en chaque domaine, quils ont une sensibilité particulièrement affinée, par exemple un passionné de la guitare classique qui fréquente les concerts et collectionne des disques développera une grande sensibilité à la qualité du jeu sur cet instrument.

Il y a aussi des critères traditionnels del’art, comme lharmonie, le rythme, le mouvement, la proportion et léquilibre, mais lart contemporain rejette ces critères. Il est résolument avant-gardiste et iconoclaste, défiant tous les critères de lart de papa. Il est provocateur, et pour beaucoup incompréhensible et incritiquable, sauf sur la base du goût personnel. Des charlatans sinsèrent facilement dans cet art qui ne demande aucun apprentissage mais seulement une idée originale : il suffit dattacher quelques chaises au plafond, et voilà, vous avez créé une œuvre dart. Laudace et lesbroufe règnent, et bien que beaucoup de ces artistes contemporain soient sincères, ils sont trop influencés par lenseignement de lEcole des métiers dart ou la faculté des arts plastiques. Certaines de leurs créations sont vraiment intéressantes, comme on dit, faute de pouvoir dire belles.

Comment expliquer que lart contemporain ne provoque pas plus de scandale ? Au Salon des Indépendants au début du siècle dernier, les œuvres des Impressionnistes étaient ridiculisés par un public tant hilaire que scandalisé. Ce nétait que plus tard quon sest rendu compte que lon nétait pas qualifié de porter un jugement, et cette humiliation collective laissa des traces dans les consciences de la petite bourgeoisie qui, dès lors, décida tacitement dadmirer par principe tout ce qui était nouveau et que lon lui présenta comme admirable. En même temps elle renonça à son goût pour le classique, désormais ringard. Tout ce qui était beau, académique, manifestant le savoir-faire fut jugé ringard. Comme disait Philippe Muray : « Si lart contemporain peut encore faire semblant dexister, cest uniquement comme conséquence du martyre de impressionnistes il faut continuer à payer les pots qui ont alors été cassés. Après des décennies de foules furieuses ricanantes devant Manet et Van Gogh, brusquement plus rien, plus de critiques, plus de clameur Cette disqualification du goût du public a permis toutes formes descroqueries, plus ou moins burlesques   » De fait, on ne peut que reconnaître que lexigence artistique, qui passe par la maîtrise de sa discipline, a disparu, et comme le rappelle Muray, les arts plastique sont les seuls où règne encore lescroquerie de lavant-garde ; partout ailleurs, en littérature ou en musique, ce genre de tromperie ne passe pas.

 

Mais tous les artistes pratiquant aujourdhui ne sinscrivent pas dans cet école. Ils ne font pas de lart contemporain. Ils se sentent héritiers dune longue tradition, quils sacharnent, solitaires, à perpétrer : Francis Bacon, Zoran Music, Lucien Freud, Spencer Williams, etc., tous des artistes isolés, ne faisant partie daucune école ou communauté. Lépreuve du temps constitue le jugement final dune œuvre dart. «  Avec le temps tout sen va  » : sauf les chefs dœuvre. Que restera-t-il de lart contemporain dans 100 ans ?

Réf. : Philippe Muray - Festivus, Fayard, 2005


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès