Concordia : Naufrage à l’italienne
Abbandonato... Povero !.... le pauvre... il a passé la nuit sur un rocher... rivé... après avoir vu de ses propres yeux, dériver son bateau... capito ?... No capito ! Ho... là... là !
Qu’est-ce que vous voulez me laisser entendre ? Que ce n’est pas le capitaine coraggio ?
Rien que de me l’entendre dire... ça m’écœure... toute cette presse nauséabonde... cette justice à une vitesse... et cette horrible rumeur : que le capitaine n’a pas assuré... quelle horreur... mais mon mari n’est pas assureur... il est navigateur ... c’est... come dire ? Un ingénieur... pas un maître nageur.... un homme... pas un surhomme.
Les règles ? Quelles règles ? En Italie, ce sont les femmes qui ont des règles... pas les hommes.
Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?
qu’on jette à la mer, le seul homme qui sache vraiment ce que c’est que la mer ? Vous l’auriez préférée morta la gallina...
Mais elle est vivante... oui je suis d’accord... je vous l’accorde... il n’était pas sur le bateau au moment où il aurait fallu qu’il y soit... Non... il ne s’est pas précipité, il a anticipé... et reconnaissez-lui au moins le mérite d’être le premier à sortir sa tête de l’eau...
Oui... il entendait les gens hurler... Atroce ! et il se disait que tant qu’il était dedans, il ne pourrait rien faire pour eux... Il lui fallait un pied à terre pour bien diriger les opérations de sauvetage... un ancrage sur terre oui... et je crois qu’il a eu raison... sinon je serai déjà veuve. Et vous, vous n’auriez pas eu l’occasion de faire votre sale boulot... en me posant toutes ces questions à la con...
Quoi ? Un capitaine ne doit jamais quitter son navire en cas d’incident ?
Quand est-ce que vous voulez qu’il le quitte alors ? Je réponds : en cas de force majeure : la vie... Il a tout plaqué... parce qu’il s’est senti un peu plus en phase avec la vie qu’avec son bateau...point barre.
Et puis il n’en était même pas le propriétaire...Il n’allait pas saigner pour des valeurs boursières ? Pour une image de marque ? Pour une presse de caniveau ?
Non... Ne prononcez pas ce mot « responsable ». Capito ?
Il a fait un calcul... puis il a sauté... parce qu’il préfère encore passer pour un lâche que pour une tâche... oui c’est l’instinct d’auto-conservation , de la légitime défense en quelque sorte... il s’est senti menacé par les flots... et leur a abandonné le bateau...
Qu’est-ce que vous dites ? Qu’il a fait une fausse manœuvre... qu’il y a erreur de pilotage ?
Et pourquoi vous ne dîtes pas faute d’aiguillonnage ?
Non... à son corps défendant, je dirai que s’il a essayé de se rapprocher un peu trop de la côte... c’est parce qu’il a le mal de mer.
Et s’il a fait ce métier de galérien... c’est parce qu’il n’y avait aucun rital pour le faire...
Non... il n’est pas rital... il est napolitain... d’origine... donc, vous comprenez que pour lui, la vie... c’est vraiment vital ! Perché ? Parce que ça ne lui a rien coûté
http://www.lejournaldepersonne.com/2012/01/naufrage-a-litalienne/