Monsieur BARRATIER, bonjour. Je réagis à votre message qui m’intéresse en tant qu’il parle d’une application de la constitution et de la loi de 1905 qui ne sont pas seulement françaises. Quand on soumettait la constitution de 1958 au référendum, mes parents étaient français et moi même suis né dans la république qui englobait alors nos pays. En ce temps là, la loi de 1905 était déjà en vigueur. Nous avons voté cette constitution à un moment où l’empire français s’étendait au Maghreb, à l’Afrique occidentale et à l’Afrique centrale dont je suis issu. Point besoin de rappeler que c’est bien là un espace musulman d’où la précision apportée par notre constitution sur le respect de toutes les croyances.
Respect, le mot attire mon attention plus que le mot croyance lui-même. Respecter c’est reconnaître celui qu’on respecte dans sa nature. Je respecte la foi catholique parce que le catholique a totalement le droit d’être catholique, d’élever son enfant (qui est à lui et non pas un enfant de la république) dans sa foi. Il en est de même pour tous les autres citoyens de croyance différente. Je pense honnêtement que cette disposition a mis un terme au choc que provoquait l’officialisation du culte catholique. Et depuis ce temps là, je crois, on a cessé de nous imposer des prénoms chrétiens.
Du temps où j’étais jeune écolier, très petit, j’entendais parler des prénoms d’école qu’on imposait aux enfants pour un peu les franciser.En ce temps là, on avait deux sortes de scoutisme : le scout religieux que composait les flambeaux et les lumières et le scout laïc auquel on avait associé ce qu’on avait appelé les francas (ohé les francas, chantait-on). Moi j’étais du premier, c’est à dire du scout laïc. Je l’avais choisi pour, croyais-je, sa neutralité. Mais on m’y a toujours enseigné que je doive suivre Jésus et aller à l’église. Et pourtant, je suis musulman. Je ne regrette rien de e qui m’a été enseigné sur ce point là. Je ne vais pas à l’église mais je ne trouve rien de mauvais à suivre Jésus ; en tout cas mieux que de suivre Jean Jaurèz. Mais ce Jésus là, je le suis à ma manière : il n’est ni Dieu ni son fils mais fils de Marie comme l’enseigne ma croyance qu’on ne me demandait aucunement de changer. Tout de même, cette formule là nous choquait un peu. On y ajoutait un peu suivre le Prophète et aller à la mosquée, nous aurions eu le meilleur scout de la planète comme un Nelson Mandela prêtait le serment sur la Bible et le Coran même si en réalité il ne respecte que la première. Ce qui est intéressant dans son serment est qu’il a reconnu à l’Afrique du Sud ses différentes croyances. C’est bien là la signification profonde de notre république qui a malheureusement été disloquée pour ne pas maintenir la dynamique d’un peuple qui se reconstituait par le pardon des horreurs coloniales. Aujourd’hui ce peuple renait par l’afflux des peuples des colonies dans la métropole, considérés plus ou moins comme des citoyens de seconde zone auxquels on refuse leur identité d’origine. Dans leur subconscient, ils raisonnent, comme moi, qu’ils sont bien dans leur pays depuis que leurs parents ont voté pour la constitution de 1958. L’égalité, ils la réclament en bravant ceux qui leur refusent leur identité. La discussion effrénée sur la laïcité passe par ce diagnostic là, qui pose la question : qu’est-ce qu’un français, quels sont ses droits ?
L’école catholique a répondu à cette question, à sa manière : l’école même confessionnelle, appartient à tous. Jésus, dans la conscience catholique, n’est pas pour les seuls chrétiens comme le dit mon ami le Révérend Charles Vandame. L’école saint Xavier et la notre Dame des apôtres, étaient en réalité laïques de son sens chrétien : la catholicité étant universelle, son bien se donne à tous : une école, un dispensaire, un centre culturel ne sont jamais propres aux chrétiens. Et pour faire mieux, on y emploi tout le monde, pourvu qu’il en respecte les règles de fonctionnement. Cette tolérance là qui fonde la laïcité, la république a été incapable de se l’appliquer. Dites-moi, que faisaient les moines de Tibéry en Algérie ? Pourquoi avaient-ils décidés d’y mourir au lieu de la quitter ? Avec qui vivaient-ils ? Les musulmans qui les connaissaient ne les avaient-ils pas pleurés ? C’est d’un tel Amour que peut naître la laïcité et non pas de la négation de l’autre ou de la négation de soi-même.
Mahamat Seid Abazène Seid