Je trouve que c’est un très bon article, car il amène à se poser de bonnes questions. Bien sûr, c’est un point de vue, mais nous présentons tous les infos qui nous intéressent. Il ne démontre pas que « le fond est bon », mais engage à démontrer qu’il est mauvais, ce qui est sain, et je dois dire que l’exercice m’a interpellé.
Tout d’abord, quelques remarques de détail.
« Ces entreprises ont vu leur effectif augmenter de 4,1%. Le chiffre d’affaires a cru de 6,9% et le chiffre d’affaires à l’export a progressé de 8,5%. »
Corrélation n’est pas causalité. Est-ce l’actionnariat qui a fait la performance ou bien les fonds qui choisissent bien leur cible ? Remarque encore plus de détail : la source citée manque singulièrement de crédibilité. Qui a payé l’étude ?
« Ce sont les PME qui générent de la croissance et des emplois. »
Ca, c’est une vieille antienne qui m’a toujours laissé sceptique. Quand une grosse boîte externalise, l’emploi augmente dans les PME et diminue dans les grosses boîtes. Il n’y a pas d’indicateur possible de la variation à périmètre constant, et le tissu de PME est en grande partie composé de sous-traitants de grosses boîtes.
« Si vous faites donc partie des presque 10% de salariés français qui travaillent pour une entreprise privée ayant à son capital un de ces »méchants« fonds d’investissement, vous pouvez en fait considérer cela comme une bonne nouvelle. En effet ... »
La suite de cette phrase paraphrase de plusieurs manières le fait que si quelqu’un achète une boîte, c’est qu’elle vaut quelque chose. Cela ne discrimine pas les acheteurs entre eux.
Bon alors maintenant pourquoi se méfier des fonds ? En fait, pourquoi préférer un actionnaire à un autre et quel serait l’actionnaire idéal ? Vous avancez quelques arguments traditionnels :
" - ces fonds ne soient là que pour trois à sept ans
- l’exigence de résultats attendus
- les risques « énormes » liés à l’endettement significatif, assumés par les entreprises sous LBO"
Ces arguments sont vrais, et vous ne les réfutez que partiellement.
- l’exigence de résultats attendus :
« quel est le destin d’une entreprise qui sous-performe ? Le déclin, suivi à plus ou moins court terme de la faillite. »
Bof. Quel est le destin d’une entreprise qui rapporte 3% de manière sûre et continue ? Une vie peinarde. Quel est le destin de la même rachetée en LBO à 6% ? Je peux vous le dire car je l’ai vécu : délocalisations maximales et arrêt de tous les investissements. Il est souvent plus rentable de traire la vache et de la laisser crever que de la laisser vivre sa vie.
« cette exigence est souvent accompagnée de pratiques de gouvernance qui sont bien supérieures à celles des sociétés familiales ou des filiales non stratégiques des grands groupes, et parfois, voire souvent, meilleures que celles des sociétés cotées en Bourse. »
Pour la même raison, je serais curieux d’en avoir la démonstration. Cela dit, j’admets volontiers que l’avantage est que les fonds spéculatifs s’impliquent plus dans la gestion des entreprises que les banques et fonds de pension. Pour le meilleur et le pire. Mais à mon avis, il n’y a pas plus ou moins de bonnes pratiques. Tiens, à ce propos, il y a une procès de type « antitrust » qui vient de débuter aux US contre tous les grands fonds, en particulier KKR et Carlyle, au sujet entre autres de HCA.
- l’endettement significatif, assumés par les entreprises sous LBO
« quelques cas trop aventureux (trop leveragés) ne tourneraient probablement pas très bien. ... les cas de surendettement financier des entreprises trouvent, en général, une solution opérationnelle : ce sont plutôt les actionnaires, voire les prêteurs, qui en pâtissent »
C’est sans doute le point de vue de l’actionnaire, pas toujours celui des employés. Le LBO, et d’une manière générale la gestion dynamique de la trésorerie, conduit par nature à sous-capitaliser les entreprises, tout au moins à réduire au maximum leurs fonds propres, ce qui les rend plus vulnérables aux chocs immanquables. Les actionnaires qui jouent leur propres sous sont en général plus prudents. Vous allez me dire que cela ne concerne pas l’activité, mais le financement. Voire. Ces contextes de chocs sont en général systémiques, et l’activité elle-même souffre souvent de se trouver à vendre dans un contexte négatif, où l’on recentre ses capacités. Ces cas sont rares ? C’est très bien pour le gros investisseur qui mutualise les risques de perte sur plusieurs paniers. Ca fait une belle jambe à l’employé qui « fait sa carrière » quelque part et aurait préféré une gestion plus prudentielle.
En plus de cela, je vois plusieurs autres raisons pour ne pas aimer les fonds.
La première est le manque de transparence. D’une certaine manière, le « private equity » est un relais pour un actionnariat partagé d’une société, sans les contraintes de la cotation : pas besoin de publier de comptes ni autres obligations légales.
La seconde est une autre vision du mandat de gestion, et je pense que c’est sur celle-là que beaucoup de lecteurs pourraient se retrouver. Au fond, une entreprise ne sert-elle qu’à gagner du fric le plus vite possible ? N’a t elle pas un rôle social. A quoi sert aux français que AXA gagne plein de sous si c’est pour transférer l’emploi au Maroc ? Dans une pure logique d’actionnariat, c’est pourtant évident. Vous allez me dire que c’est à l’Etat de préciser les conditions générales d’exercice de l’activité économique, mais vous plaidez dans le même temps et dans d’autres articles pour une plus grande facilité à ce genre d’exercice au nom de la « compétitivité ». Vous allez me dire que ça n’a rien à voir avec les fonds ? Ils sont l’essence ultime de l’actionnariat anonyme et mû par la seule rentabilité.
La troisième est plus philosophique et de nature géopolitique. Qui investit et pourquoi faire ? Quand la Chine a voulu racheter quelques entreprises pétrolières US, l’état s’y est opposé. A votre avis, pourquoi ? Pourquoi devrions-nous réagir différemment quand le fonds canadien PowerCorp, déjà avec Parjointco premier actionnaire de Suez et Total, se propose de mettre la main sur GDF ? Sans revenir sur le cas de Carlyle qui a suffisamment défrayé la chronique, saviez-vous que l’actuel ministre de la défense, Mr Gates, avait, après avoir dirigé la CIA, dirigé l’activité private equity de Fidelity ? Pour quelles compétences l’avait t on embauché ?
Bon, je pourrais disserter encore un moment là-dessus, mais c’est déjà bien long. En tout cas, merci beaucoup de cette occasion intéressante de confronter nos points de vue. Je tiens quand même à préciser que je ne réponds pas au nom du FN dont je ne suis ni adhérent ni sympathisant. Je fais partie d’une catégorie politique qui est peut-être majoritaire, mais représentée nulle part, celle des gens modérés qui s’opposent au fonctionnement actuel du capitalisme qu’ils trouvent peu modéré.
30/01 19:48 - JDCh
@ Wrendlinger réponse courte à une bonne question : le métier de base des banques est de « (...)
30/01 19:17 - Wrendlinger
« As usual » un bon article de votre part :-) J’aimerais seulement mettre en exergue un (...)
26/01 22:38 - hugues
l’article est intéressant car il permet de poser des chiffres. Mais la conclusion est (...)
26/01 01:31 - Forest Ent
« Les cas de conflit d’interet que SOX a eradiqué sont ceux du Commissaire Aux Comptes (...)
25/01 22:09 - JDCh
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25/01 19:29 - Forest Ent
Nota bene : j’ai recopié l’article sur Bébéar parce qu’il prend pour une fois (...)
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