@Renaud Sechiant : votre exemple de la Porshe dans le désert est une fausse analogie à mon avis. Un débateur, chimiste et croyant chrétien, sur youtube, en abuse aussi. Il dit : « lorsque vous voyez cet objet (il montre un livre) avec son titre qui forme des mots qui ont un sens, vous en déduisez qu’un être intelligent a créé ce livre. Et bien c’est la même chose lorsque vous constatez l’apparition d’architectures telle l’ADN, qui a une probabilité quasi nulle d’être apparue par hasard : vous en déduisez qu’il y a une finalité dans l’univers et que c’est par elle qu’est apparu la vie, et l’homme ».
Ces « analogies » contiennent des biais logiques graves.
D’abord, votre exemple est mal choisi. Votre déduction selon laquelle un homme l’a mise là exprès, est fausse, clairement. Ce peut être un homme stupide qui pensait pouvoir traverser le désert et qui contre sa volontée a vu sa Porsche coincée à jamais dans le sable. Mais ce peut être aussi une Porsche tombée d’un avion, par accident. Connaissez-vous l’histoire vraie suivante : un bateau a coulé à cause d’une vache tombée du ciel qui a perforé sa coque ? Personne n’a voulu cet événement improbable : la vache est tombée par accident de l’avion cargo qui la transportait.
Mais plus fondamentalement, à supposer qu’on considère que l’explication la plus simple DOIT être retenue : nous dirons que la Porsche a FORCÉMENT été amenée dans ce désert par choix délibéré. Le problème c’est que dans votre histoire, nous déterminons l’explication la plus simple par la connaissance du monde dans lequel on observe le phénomène. Nous pouvons apprécier les divers paramètres et possibilités (à supposer qu’on connaît parfaitement les possibilités de notre monde quasi fini qui interagit avec la porsche, le désert, et nous en tant qu’observateur) : on peut d’une certaine manière, FERMER le contexte de l’événement.
Or, lorsqu’il s’agit de l’univers tout entier (et j’inclue dedans l’ensemble des univers interagissant avec « le nôtre » et éventuels créateurs de ces univers qui sont eux-mêmes dans un univers etc, bref, la totalité des choses existantes et en interaction avec nous), nous ne pouvons plus fermer le contexte puisque nous ne SAVONS MÊME PAS où se trouvent les limites de notre univers et tout ce qu’il contient. Par conséquent, quelles que soient les lois physiques que nous « établissons », et aussi fondamentales nous paraissent-elles, nous n’avons aucune idée de leur rapport à la totalité des choses existantes : nous avons simplement, et relativement aux paradigmes en cours, une idée de la mesure fondamentale de telle ou telle loi RELATIVEMENT : AU RESTE DE NOS CONNAISSANCES ET À L’UNIVERS ACCESSIBLE À NOTRE PERCEPTION.
L’analogie du chimiste, citée ci-dessus est encore plus fallacieuse que la votre, dans la mesure où c’est justement par l’expérience qu’on sait qu’il s’agit d’un livre, l’oeuvre d’une intelligence. Mais supposons même qu’on n’ait jamais vu de livre : pour savoir trouver un sens dans les enchaînement de lettre, c’est qu’on sait lire, et donc qu’on a déjà vu des enchaînement de lettres qui font sens, et qu’on reconnaît qu’il s’agit de sens, donc d’une oeuvre intelligente, mais encore une fois, c’est parce qu’à notre niveau d’analyse, nous avons fermé le contexte, ce qui n’est pas possible dans l’absolu : nous ne savons pas si nous ne découvrirons pas une loi simple qui explique rationnellement comment la vie est apparue, sans l’aide d’une volontée qui à un moment donné a dit : bon ça me saoule toutes ces molécules « inertes », je vais bricoler un peu. En fait, nous reproduisons là exactement ce que faisaient les hommes préhistoriques : « je comprend pas, donc j’invente un dieu qui explique pourquoi parfois on fait une bonne chasse, et parfois non, pourquoi le gibier disparaît quasiment certaines années ? c’est forcément l’oeuvre d’un dieu qui n’est pas content ».
Enfin, il y a un biais énorme sur la question du sens et de l’ordre. Car l’ordre est ce que l’évolution et la culture nous a appris à reconnaître (voir même, rien n’est reconnaissable sans ordre, même le désorde étant le contraire de l’ordre). Pourquoi s’étonner donc de percevoir de l’ordre, puisque nous utilisons l’ordonement pour nous repérer, classifier, et in fine, survivre. La survie de toute espèce est conditionnée par sa capacité à percevoir de l’ordre, de la répétition, des lois : je perçois telle forme>je l’associe à la présence d’un prédateur (première régularité). Je perçois telle forme, je l’associe à la présence d’un prédateur>j’expulse de l’encre>je survis (régularité supplémentaire induite), et ainsi de suite...
Un univers strictement dépourvu d’ordre ne serait-il pas en fait parfaitement ordonné, d’un certain point de vue ? Deux choses n’ayant absolument aucun rapport entre elles ne doivent-elles pas être considérées comme relevant de questionnement séparés ? Si oui, à considérer séparément les ensembles contenant des éléments en interaction (directe ou indirecte), quelle est la différence entre l’homogénéité absolue et l’inexistence ? Si donc ce qui existe forme une globalité hétérogène, ce que nous appelons interactions entre les différentes parties, n’est-ce pas un ensemble de lois (fussent-elles en évolution) ? Car sans « lois » ces interactions ne serait-elles pas en réalité absence d’interaction, liberté absolue des uns par rapport aux autres, ce que nous avions exclu en séparant telle chose de ce qui n’interagit pas avec ?
Ce n’est pas parce que nous ne connaissons pas les lois qu’elles n’existent pas, et qu’il faut en déduire une intelligence supérieure. D’ailleurs, si cette intelligence transcende notre univers, alors par définition elle n’est pas pensable. Si elle ne le transcende pas, alors il ne s’agit pas du Dieu soit disant révélé, puisque celui-ci est sensé être transcendant.
Pourra-t-on un jour être certains de connaître le principe ultime régissant notre univers (univers au sens large, incluant les multiples univers éventuels en interaction) ? Cela me semble illogique, mais ce qui est certain est que personne n’a encore démontré ce principe, ni même ne l’a formulé !
La science est un difficile chemin... La solution de facilité, c’est la croyance bouche-trou.