« Une expérience journalière fait reconnaître que les français vont instinctivement au pouvoir ; ils n’aiment point la liberté ; l’égalité seule est leur idole » Chateaubriand
Pour autant qu’elle ne relève pas du rêve, la Liberté se définit par les limites que la loi lui octroie ou que chacun voit assignées à la sienne par celle des autres. Loin d’être cet idéal d’indépendance que chacun vit à sa guise, le Liberté a un caractère faisant hautement référence à la vie collective et réclame de ce fait une attention toute particulière, eu égard aux revendications de plus en plus inopportunément formulées par les uns et les autres à son sujet.
La liberté consiste à faire à son propre gré ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque individu ou groupe d’individus est subordonné à ce qui assure aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. C’est en cela qu’il n’est pas de liberté sans devoirs. La loi pouvant aider à fixer et codifier ces droits et ces devoirs, c’est elle qui arbitrera autant que de besoin.
« La liberté de chacun finissant où commence celle des autres », elle peut être considérée, non seulement comme une richesse mais comme un espace. Il est dès lors évident que plus le nombre de ceux qui partagent cette richesse-espace est grand, moins la part de chacun le sera. Sauf à concevoir bien entendu qu’elle soit extensible à l’infini. Or, de ce point de vue et en attendant la conquête pour tous de l’espace sidéral infini, l’humanité est confrontée à ses frontières matérielles ; celles de la planète sur laquelle elle vit, ou plus exactement aux limites dans lesquelles il lui est possible de vivre sur cette planète. Cet espace vital est en effet inexorablement grignoté, chaque jour davantage, par une inconscience aggravée par le nombre.
Plutôt que de revendiquer toujours plus de ce qui se raréfie à chaque instant, c’est la révision de ses exigences en matière de Liberté qui s’impose à l’homme. Si par exemple la réduction des libertés des uns est due à une croissance démographique imputable à d’autres, comment faire pour empêcher ces autres d’empiéter sur l’espace de liberté des premiers ? Que ce soit possible par la contrainte ou par la raison, il s’agit bien de limiter les libertés individuelles de tous.
Il s’agit là encore d’un partage, qui nécessite davantage de pragmatisme que de bonnes intentions.
Ne peut-on voir dans une telle analyse une explication supplémentaire du fait que la codification d’un système de valeurs, qu’il s’agisse banalement de politesse, de bienséance, de cordialité ou plus généralement de tout ce qui touche à la considération due à autrui, en même temps qu’à l’égalité de tous devant la loi, ne se fonde pas impunément sur des considérations abstraites, idéalistes, voire idéologiques et dogmatiques, a fortiori lorsqu’elles naissent dans l’euphorie et l’utopie ? À croire que la raison, comme la vérité, finit toujours par sortir du puits.
Peut-être sommes-nous tout simplement confrontés aux conséquences de « l’emploi de l’esprit aux dépens de l’ordre public [...] une des plus grandes scélératesses [...] de toutes la plus dangereuse, parce que le mal qu’elle produit s’étend et se promulgue par la peine [...] infligée [...] des siècles après lui ». (Duchesse de Choiseul au sujet de J.J. Rousseau). À noter qu’il s’agit ici de la liberté de penser qui, pour le meilleur et pour le pire, ne connaît pas d’autres limites que celles de la raison et que c’est lorsque cette raison est bafouée que l’autre liberté, la liberté d’être, est en danger.
Entre dès lors en jeu la responsabilité, sans laquelle la liberté n’est plus qu’une vue des esprit les plus fumeux ou les plus malhonnêtes, elle n’est même plus un espace à partager ; elle est un mythe qu’entretient la démagogie et son compagnon le mensonge.