Qu’est être taliban ?
Ca consiste essentiellement à édifier son endroit en forteresse inexpugnable, à prendre donc une posture publique ou du moins visible, probante de sainteté en première lecture, à construire tant que possible cette inexpugnabilité au sein d’un courant lui-même inexpugnable, très mainstream, à s’entourer de soutiens autorisés, à jouer à fond le jeu de l’extrémisme saintiste et, de là, depuis ce très confortable trône, à pointer de son index criminalisateur, quiconque ne ramperait pas, quiconque démontrerait d’une moindre velléité de rediscuter de la valeur de cet établissement. Donc, course à ce trônisme faisant, à faire de cette culpabilisation des moindre réfractaires, le symbole même de sa sainteté. Ne peut pas être ayatollah, celui qui n’accuse pas du haut de son autorité.
Le résultat d’un contexte talibanisé c’est que quiconque élève la moindre protestation, quiconque ne cire pas les pompes de l’église ainsi constituée, se retrouve incendié, quoi qu’il puisse dire ou établir.
Pour être parfaitement clair, qu’est ne pas être taliban ?
C’est, quand bien même on serait en train d’accuser quelqu’un, quand bien même on serait en train de le proposer au bûcher, de le faire depuis un non-trône, depuis rien d’autre que sa seule personne nue de toute autorité sociale, de tout titre, de toute auréole, de tout prestige mais en s’appuyant éventuellement et au mieux, sur quelque résultat concret.
Dans l’Histoire, j’ai beau chercher, comme il n’est rapporté que des cas de diatribes célèbres, je ne vois quasiment que des protagonistes procédant du talibanisme. Car face à un taliban virulent, il n’y a qu’un moyen de résister : Il ne faut surtout pas paraître nu, sans la moindre autorité.
En ce sens Jeanne d’Arc, quoique physiquement bien seule et abandonnée de tous, avait tout de même utilisé à fond tout ce qu’elle pouvait de ses habits de chrétienne « Dieu m’habille, Dieu m’habite » Elle ajoutait donc à son être, un gros paquet de solides transcendances
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Différemment, le Chevalier de la Barre, Julien et Marguerite de Ravalet, même Thomas More, même Nicolas Fouquet, n’ont jamais pu comparaître autrement que strictement nus de toute transcendance (Ou alors affublés d’une transcendance négative, d’un bonnet d’âne, d’une croix rouge imposée sur leur front). Jusqu’à leur dernier souffle dans la torture, ils n’ont strictement jamais procédé du moindre talibanisme et ne se sont présentés face aux talibans qu’en immanences pures.
Depuis toujours, la folie et l’autisme ont été particulièrement intéressants à traiter par deux sortes de gens :
Ceux qui cherchaient vraiment et qui expérimentaient sans aucune réticence à procéder ab nihilo. Ces véritables chercheurs savaient s’exposer à l’échec cuisant mais en assumaient le risque. Ces véritables chercheurs ne pouvaient résister aux attaques que s’ils obtenaient des résultats éclatants (A la Galilée, à la Foucault, à la Newton, à la Darwin, à la Pasteur). Ils faisaient preuve d’un extraordinaire courage.
Et ceux qui voyaient là une superbe opportunité pour consolider leur autorité en pratiquant confortablement, lâchement et ostensiblement, l’indexation, la condamnation, la stigmatisation, sans courir le moindre risque face à des personnes à l’expression peu assurée, peu crédible. Les parents de ces incapables, à moins d’être eux-mêmes des saints officiels, se retrouvant alors embarqués dans cette stigmatisation, humiliés et éconduits à hauteur de leur résistance.
Sur le sujet de l’autisme, Edwige Antier est clairement talibane et les parents des autistes sont clairement humiliés par son talibanisme.
La minuscule différence qui la sépare des pires talibans c’est que son index n’envoie pas au bûcher. Il n’envoie qu’à la honte publique et au désespoir.
Mais il y a encore bien d’autres sujets dont s’emparent les talibans. Et le principe du microphone quand il est réservé à des orateurs officiant alors dans un contexte où eux seuls s’expriment depuis une tribune, est un principe extrêmement fertile au talibanisme. L’école, quand elle est non péripatéticienne, quand elle ne procède que de cours magistraux, nous enseigne infiniment plus le talibanisme que le libre-arbitre.