Mme Edwige Antier, députée et pédiatre, psychanalyste, s'est prononcée contre la proposition de son collègue Daniel Fasquelle d'interdire les prises en charges psychanalytiques de l'autisme. La proposition de loi de Mr Fasquelle est consultable ici, la réaction de Mme Antier là.
"Mère Cassandre", membre du collectif de parents EgaliTED, répond à Mme Antier dans une lettre ouverte que nous publions avec son autorisation.
Madame La député et/ou la pédiatre-psychanalyste.
Madame, voyez comme il est difficile de savoir à qui l’on s’adresse quand son interlocutrice possède plusieurs titres. Je ne sais si je m’adresse au domaine politique, médical ou psychanalytique. Etant donné que vous appartenez aux trois, je ne sais en quel titre vous parlez. Vous allez très certainement me dire les trois, mais que faire quand ceux-ci sont incompatibles entre eux (du moins deux).
Vous dîtes « mon cher collègue Daniel », alors je m’imagine que c’est la femme politique qui parle. En revanche, je me demande pourquoi vous avez décidé de publier cette lettre ouverte sur un site qui s’intitule « Lacan Quotidien » avec à côté de celle-ci une affiche sur laquelle on peut cliquer – ce que je fis – et sur laquelle il y est inscrit « le psychotique et le psychanalyste ». Je reste dubitative sur la députée mais aussi sur la pédiatre que vous êtes.
Je continue sur votre lettre.
Elle commence ainsi « Je ne doute pas de ta sincérité dans la démarche qui a animé ta proposition ». Veuillez m’excuser, mais par expérience de maman d’un enfant autiste, j’ai pris pour habitude de me méfier de débuts aussi bienveillants et mesurés comme les vôtres. La suite me donne en effet et malheureusement raison.
Comme tout psychanalyste qui se respecte Madame Antier, vous reprenez Monsieur Fasquelle sur des mots ou des termes qui seraient selon vous inexacts et qui très certainement expliqueraient les errements dans sa proposition de loi audacieuse et inédite jusqu’ici.
Si vous saviez Madame Antier, et cela pourrait vous surprendre, comme nous parents d’enfants autistes, sommes heureux d’entendre le mot « autiste » sans aucune animosité ou dégoût de la bouche des personnes qui le prononce.
Si vous saviez comme nous n’en avons que faire qu’on utilise les termes autisme, autistes, spectre autistique, trouble autistique, ou encore Troubles envahissants du développement. Ce qui est important à nos yeux, ce n’est pas le choix de ce terme mais ce qu’on y met dedans ou plutôt derrière.
Si vous saviez, en revanche, Madame Antier, comme les mots « psychotiques » ou encore « dysharmoniques » heurtent nos pauvres oreilles et provoquent en nous, tel un réflexe myotatique, un rejet immédiat.
Vous dîtes ensuite que ces troubles « demandent des prises en charge au cas par cas » pour appuyer vos arguments. Mais ce sont exactement ceux de Monsieur Fasquelle à la différence que ces prises en charges proposées ne se fondent pas sur des théories psychanalytiques mais sur des travaux scientifiquement validés.
« Laisser croire que les pratiques psychanalytiques sont utilisées au détriment des accompagnements comportementalistes des patients est un procès extrêmement dangereux »
Non Madame Antier, Monsieur Fasquelle ne fait rien croire, il met seulement en lumière une réalité bien triste mais néanmoins et malheureusement toujours d’actualité.
Pour la suite sur la renommée des pédopsychiatres, je vous avoue ne plus avoir la force de m’attarder dessus car si votre argumentaire repose sur la simple renommée d’untel, il me semble que tout cela n’est pas sérieux, et monsieur Esteve Freixa y Baqué l’a déjà si bien démontré que je ne le paraphraserai pas.
Oui madame Antier, les parents d’enfants autistes sont en colère. Elle est plus que légitime mais elle ne vous a pas beaucoup émue ces dernières années.
En revanche, évitez madame, évitez de parler en notre nom car ce ne sont pas les « querelles de chapelles » qui freinent les diagnostics posés et les prises en charges proposées.
Non madame Antier, ce ne sont pas des « querelles », nous ne sommes pas dans une cour d’école. L’enjeu est grave. Très grave. Et quand vous évoquez le terme « chapelles » comme beaucoup de journalistes qui n’ont pas le courage de voir l’étendu de ce scandale sanitaire, vous vous méprenez et en tant que médecin. Ce n’est pas sérieux.
Tout d’abord, la médecine n’est pas une religion. Quand il y a querelle au sein d’une religion, faut-il encore que l’on parle d’une même religion. Par exemple, il existe différents courants au sein du christianisme comme au sein de l’Islam. Mais ces deux religions sont distinctes et ne se réclament ni du même livre ni du même Dieu.
La médecine et la science ne se réclament ni d’un livre ni d’un Dieu. Soyez en rassurée Madame Antier. Mais comme vous êtes médecin, il me paraît important de vous rappeler que le serment d’Hippocrate n’est plus d’actualité et qu’il a été remplacé depuis bien des années par le serment médical qui repose sur un code de déontologie médicale.
Ensuite je vous cite : « Tous les travaux et toutes les contributions sont intéressants en ce début de siècle qui sera celui des grandes découvertes sur le fonctionnement du cerveau et de ses interactions très précoces avec le monde environnant »
Tout d’abord, je ne suis pas d’accord avec vous sur le premier point. Non, je ne trouve pas intéressants tous les travaux et toutes les contributions. Si je trouve votre proposition de loi contre la fessée intéressante, je trouve en revanche la pratique du packing tout à fait révoltante et indigne dans un pays qui se dit aussi civilisé que le nôtre. C’est une tâche sur notre drapeau tricolore.
Puis les « grandes découvertes du cerveau » ont déjà commencé depuis un certain temps. Madame la pédiatre, il est de votre devoir de vous informer des avancées médicales si on se réfère au code de déontologie médicale ou encore au serment médical qui indique au sujet des compétences : « Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. ».
Pour la suite, nous sommes d’accord.
L’Etat doit donner plus de moyens à la recherche. Notamment aux différents départements des sciences cognitives, à la Fondation Pasteur, aux différents instituts de recherches en neurosciences qui ne devraient pas avoir à quémander de l’argent. Les chercheurs passent plus de 50 % de leur temps à monter des dossiers pour demander des subventions qui bien souvent leur échappent car vos confrères ou consoeurs psychanalystes sont trop souvent décisionnaires des commissions les délivrant. C’est parfaitement intolérable.
Pour la suite, Madame la députée, je suis enfin soulagée pour ma part de savoir que des parlementaires tels que Messieurs Fasquelle et Rouillard aient une conscience politique et se sentent concernés par un tel sujet et le maîtrisent parfaitement. Je ne vous renverrai pas le compliment. On ne vous a pas beaucoup entendu ces dernières années sur ce sujet et j’ose espérer que vous ne profiterez pas de cet engouement et de ce label pour vous auto-promouvoir car selon le serment médical : « Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. ».
« Entrer au niveau parlementaire dans un débat de choix médical est nocif pour les patients et pour leurs familles ».
Combien de fois faudra-t-il vous dire Madame Antier que la psychanalyse n’est pas un choix médical car la psychanalyse n’est pas une science. Elle n’appartient pas au domaine de la médecine.
Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est la psychanalyse dans le domaine de l’autisme, dans sa lecture, dans son diagnostic et dans son traitement.
Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est votre silence pendant ces années.
Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est votre indifférence pendant ces longues années.
Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est votre préoccupation pour vos collègues au détriment de celui des patients.
Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est votre peur et votre manque de courage de devoir bouger et démobiliser ces acteurs des services médicaux, paramédicaux et sociaux qui méprisent et angoissent les familles.
Il est de votre devoir en tant que députée de vouloir changer les lois en profondeur quand la réalité est tout bonnement insupportable comme l’a fait monsieur Neuwirth en 1967, député à l’époque Madame Antier et non ministre.
Il n’est pas nécessaire d’être ministre pour proposer des lois révolutionnaires qui feront date dans l’histoire. C’était non seulement un parlementaire mais le sujet était un débat de société et de santé publique. En 1974, une ministre a poursuivi dans un domaine médical et sociétal.
Si vous n’intervenez pas dans ces domaines Madame en tant que parlementaire, dans quels domaines allez vous intervenir ? Dîtes nous. Vous êtes médecin Madame Antier et de surcroît pédiatre. Cela me désole. J’ai mal pour mon pays.
« Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j'y manque »
Voici les dernières lignes du serment médical.
Estimée ou méprisée ? Il n’appartient qu’à vous de décider mais l’histoire est en marche et un jour vous devrez rendre des comptes aux patients, à leurs familles mais aussi à ceux qui vous ont élue.
Maintenant Madame Antier, vous savez. Vous ne pourrez plus dire que vous ignoriez cet état et ce constat déplorables et inadmissibles dans notre pays.
Il serait bon et sain que vous changiez d’avis ou que vous vous écartiez de ce sujet que vous ne maîtrisez visiblement pas.
Mère Cassandre