Très bon article.
L’aspect
religieux du phénomène aurait toutefois pu être davantage creusé. S’il est certes évident que l’accès global à de
multiples et nouvelles sources de « renseignement » joue un rôle
essentiel dans l’explosion complotiste, la fameuse recherche de
sens -que vous mentionnez assez brièvement somme toute- est le principal moteur
des élucubrations conspirationnistes et elle devrait en tant que
telle être particulièrement mise en exergue.
Le chaos, le bordel, la non-possibilité humaine de rentrer dans des cadres préconçus
censés en théorie gérer de manière efficace une société*, l’absurdité de la
guerre, l’inutilité de toutes nos actions, de tous nos actes, du biberon au
sapin, de la dent de lait au dentier, tout cela est absolument insupportable
pour celui ou celle qui ne parvient pas à saisir que nous ne sommes pas
grand-chose et tendons à encore moins, que nous sommes aussi utiles sur terre que de l’urine l’est dans un violon.
Il fut un temps
où les intempéries, les calamités, les catastrophes, les accidents de chasse,
les épidémies, sa belle-mère ou encore une victoire de l’AS Nancy-Lorraine relevaient
de la volonté de Dieu-le-farceur, ces désastres avaient leur sibylline raison d’être,
et nous n’étions pas en mesure de saisir le sens caché de la chose- ce qui,
évidemment, ne signifiaient pas que de sens n’avait point, mais que nos esprits
pécheurs, impurs, que nos actes, parfois de nous-mêmes inconnus, parce qu’on
est un peu con, étaient la source du courroux divin.
Aujourd’hui,
impies matérialistes responsables et coupables de nos actions, déicides que
nous fûmes et sommes, recherchons ailleurs que dans la psychopathie de dieu les
causes de nos maux. Certaines sont réelles et peuvent par ailleurs être
rapidement révélés (crise financière, conflits d’intérêts, détournements de
fonds, truquages, manipulations, tricheries, etc.) mais elles ne sont pas très
attrayantes du fait justement de leur tangibilité et évidence. Pour tout dire, c’est la volonté divine qui manque à bien
des gens, sa disparition est à l’origine du transfert du fatalisme
passé d’inspiration divine sur des sociétés secrètes ou entités cachées omnipotentes,
omniprésentes, omniscientes, qui donnent un sens a l’histoire. La foi est le
moteur du conspirationnisme.
*Pour revenir brièvement
sur la "non-possibilité humaine de rentrer dans des cadres préconçus
censés en théorie gérer de manière efficace une société", pour expliquer
le fond de ma pensée et concernant le cadre exclusif du 11 septembre, je crois
que la structure, au sens marxiste du terme, permet de saisir bien des erreurs,
approximations et manipulations ultérieures. Toute personne est parallèlement membre
de plusieurs structures :
famille,
club de bridge, membre de la CIA, parent d’élèves, voisinage, aiguilleur
du
ciel, soliste dans la chorale Ste Geneviève du Renouveau Miséricordieux,
etc.
Toutes ces structures s’emboîtent et interfèrent les unes sur les
autres. Et étant
toutes et toutes membres de structures, nous interférons sur les
structures d’autrui.
Dans l’esprit de bien des conspirationnistes, d’interférences il n’y a.
Un
aiguilleur du ciel ne peut pas arriver en retard au travail parce qu’une
fuite
de gaz a provoqué la fermeture de la route qu’il prend tous les matins.
Il ne
peut pas s’absenter quelques secondes pour boire un café avec ses
collègues ou
téléphoner à sa fille qui est souffrante au lit. Un responsable
politique, s’il
ment, ne le fait pas pour essayer de sauver sa peau devant les énormes
conneries à répétition qu’il a perpétrées en 20 minutes à peine, et
laisser croire que la structure étatique est finalement capable de
défendre la nation, mais pas aujourd’hui, malheureusement, désolé les
gars, mais bien
parce que cet homme couvre le complot et qu’il peut tout à fait, le soir
même,
embrasser le front de sa petite souffrante dans son lit sans avoir
mauvaise
conscience d’avoir potentiellement causé la mort du père de sa meilleure
copine
de classe ou encore son partenaire au poker.