Cher Joletaxi,
Le torrent de mépris et de démagogie populiste généralement suscité par mes interventions est contraint de contourner, en tout cas se heurte toujours aux immuables petits rochers d’une expression sage et lucide comme la vôtre. Ce sont eux qui stimulent chez moi le désir de remettre régulièrement un jeton dans la machine à provoquer les hypocrites et les imbéciles, nombreux sur ce forum. Hélas, lorsqu’il est question de prôner l’instauration d’une société sobre, voire ascétique, ou d’une police « morale », habilitée à discriminer les axes de la recherche scientifique, technique et industrielle, ce sont souvent les mêmes personnes.
Imbéciles parce que, si les générations passées étaient parvenues à solidifier durablement une telle société, mes détracteurs ne seraient pas là pour disserter sur le câble, communiquer en tout point de la planète et jouir d’une énergie qui leur prodigue tant de confort.
Hypocrites, lorsqu’ils postulent implicitement que la décroissance, pour laquelle ils militent activement, n’est pas synonyme de récession et par conséquent de paupérisation de la société, lorsqu’il croient que, le cas échéant, cette dernière ne les atteindra jamais... en tout cas, n’atteindra jamais les statuts par lesquels ils se pensent protégés : il y a toujours quelqu’un de plus légitime que soi pour consentir des sacrifices d’intérêt général, c’est bien connu !
C’est la raison pour laquelle, il conviendrait de commencer par imposer à ces gens les dispositions basiques de leur société idéale, comme le chiote à la sciure de Bové ou l’autonomie énergétique éolienne, photovoltaïque et autre biomassique de leur foyer, à hauteur de quelque 20 KWh quotidiens !.. Il sera d’ailleurs intéressant de recueillir leurs états d’âmes lors des prochaines augmentations de l’électricité.
La marche de l’Humanité n’est pas une marche mais une éternelle progression à bicyclette : l’arrêt y est rigoureusement interdit, la rétropédalage impossible, sous peine de chute fatale. Cet arrêt ne pouvant intervenir que par la force de choses naturelles, que tôt ou tard nous ne parviendrons plus à dominer, marquera la fin de l’aventure de l’espèce. Soyons modestes et admettons le principe de ce terme. En attendant, ce serait un non sens de considérer que les Hommes peuvent et doivent aller contre leur nature intrinsèque, consistant à relever tous les défis que leur lance l’Univers. Relever constamment ces défis n’est surtout pas incompatible avec le respect et la solidarité que notre espèce doit aux autres locataires de la planète, qu’ils appartiennent au règne animal ou au règne végétal. D’une certaine façon, nos succès seront les leurs et, désormais embarqués dans la même galère que nous, nos intérêts indiscutablement communs : leur salut, comme le nôtre, ne réside plus que dans la science. J’ajoute que relever ces défis n’est même pas incompatible avec la nécessité de conserver à notre minuscule planète la beauté et la poésie sans laquelle notre vie perdrait l’essentiel de sa saveur.
Le moins qu’on puisse dire c’est que les vénérateurs de Gaïa ne sont pas sur cette longueur d’onde.
Quant à la controverse sur le climat, je me garderai bien de lancer ici une nouvelle polémique. Je me contenterai simplement de me référer à la thèse quasi vérifiée de Svensmark, à la fois pour sa crédibilité scientifique... et pour une poésie avec laquelle l’autre thèse ne peut rivaliser.
Amicalement,
André Pellen