• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de benevole

sur Les causes de la délinquance, lettre d'une éducatrice à un éducateur


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

benevole 23 janvier 2007 19:04

Bonjour Isabelle,

Je vous cite : « La question à présent est que fait-on de cette souffrance de ces jeunes ? Ne faut-il pas l’entendre dans un premier temps puis réfléchir avec eux à la manière de relever ses manches pour faire face au défi ? »

Sur ce, nous sommes en parfait accord mais c’est sur la manière de le faire qu’il pourrait y avoir divergence de vues.

Je ne préjuge pas de votre attitude mais je réagis à des comportements d’adultes « normalisateurs » que j’ai déjà observés.

Il s’agit bien, comme vous l’écrivez, de « réfléchir avec eux » et non d’attendre ou de tenter d’aiguiller le jeune vers « Je veux un métier » pour l’orienter ensuite vers telle ou telle formation.

Nous, éducateurs ou parents, n’avons pas de solution toute faite. Ce que nous percevons comme bon pour le jeune peut lui être néfaste. Nous avons le devoir de lui communiquer les informations. De ne pas le leurrer.

Car il est vrai que même avec une formation, même en ayant appris à se présenter pour un emploi, le jeune peut encore rencontrer pas mal de préjugés et se voir évincé au profit d’un concurrent. Une récente émission de « Faites entrer l’accusé » évoquait précisément le cas d’un jeune qui avait suivi une formation et obtenu un résultat brillant mais n’avait pas supporté d’être évincé au profit d’un « collègue » qui avait moins bien réussi mais avait le « bon profil ». Il est devenu terroriste.

Peut-être, à bien y réfléchir, la banlieue peut-elle générer ses propres solutions. Après tout, n’a t-elle pas ses propres besoins de biens et de services, sa propre culture riche de plusieurs composantes, ses propres distractions ? Au lieu d’être vécues comme un lieu d’exclusion, que faudrait-il pour qu’elle se regarde elle-même comme un lieu de vie ?

Ceci nous amène au deuxième point marquant de votre réaction : négocier avec l’Etat une politique adaptée. Oui, mais quelle politique ?

Je n’ai évidemment pas calculé les budgets nécessaires mais l’idée pourrait être celle-ci : le Ministre des Sports allouerait des crédits pour la création d’une Fédération des sports de banlieue, ce qui sous-entend des moyens financiers dans chaque banlieue pour créer des clubs de foot, mini-foot, basket, boxe, judo, planche à voile, escalade, etc..etc...avec leurs règles propres, adaptées aux infrastructures disponibles et leurs compétitions,

Le Ministre de la Culture allouerait des crédits pour l’organisation de spectacles donnés par les banlieusards pour les banlieusards. Il pourrait s’agir de groupes de rap, rock , techno, etc..., de troupes de théâtre, de clubs de danse, bref de tout ce qui peut représenter la culture ou la diversité de la culture banlieusarde. Et par dessus tout une radio qui puisse être captée dans toutes les banlieues du pays et qui soit faite pour les habitants et par les habitants.

Les moyens financiers nécessaires ne constitueraient pas nécessairement des dépenses supplémentaires car il y a gros à parier que les besoins en arsenal de répression diminueraient fortement.

Les éducateurs de quartiers constitueraient les relais obligés pour l’accession aux fonds. Leur mission à l’égard de l’Etat serait de garantir que les fonds sont utilisés exclusivement à ce pour quoi ils ont été prévus.

Ce qui va d’abord changer, si on applique cette politique, c’est la gestion du temps des jeunes de banlieue. Ils vont agir, imaginer, créer, accomplir toute une série d’activités. Ce qui changera dans un deuxième temps, c’est le regard des habitants sur leur banlieue. Il faut leur rendre une fierté légitime pour ce qu’ils sont et ce qu’ils font. Ainsi le regard sur la banlieue de la majorité de la population pourra évoluer aussi.

L’être humain a avant tout besoin de se sentir reconnu pour ce qu’il est et ce qu’il fait. C’est bien le but de l’opération. Certains, parmi les plus doués ou les plus chanceux se feront un nom dans le sport ou le spectacle et réussiront dans la vie. Indépendamment de cela tous les participants se seront bien amusés et auront agi de manière constructive.

On appelle ça de la prévention.

Cordialement


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès