@Jean-Luc Toutlemonde
"C’est comme si vous aviez des étalages à tous les coins
de rue avec alcool et cigarette distribué gratuitement, vous
comprenez ?"
Vous avez vu juste : la tentation est partout, et pas seulement
sur l’Internet ; elle est même dans la rue et c’est là qu’il
conviendrait d’incriminer cette « concupiscence des yeux »
dont parle Saint-Augustin au chapitre X de ses Confessions. Augustin
ne voudrait pas voir les jeux du cirque, mais un jour il s’y lasse
entraîner. Il se cache les yeux, mais il entend encore. Il finit par
regarder. C’est cuit : l’addiction s’empare de lui immédiatement.
Dans la rue, on peut être assis tranquillement à la terrasse
d’un café, à méditer très vertueusement sur la transcendance de
l’égo ou la résolution des équations aux dérivées partielles et,
d’un seul coup, passe une très belle femme. On tourne la tête pour
regarder dans la direction opposée, bien évidemment, mais comme une
intuition érotique nous a frappé, elle se reporte sur toutes les
autres femmes qu’on peut voir à proximité et même très loin. On
se dépêche de rentrer chez soi les yeux fermés, en suivant les
murs, à tâtons, mais la tentation peut perdurer et
quelquefois durant des heures. C’est désastreux.
Je ne sais plus
quel philosophe, pour pouvoir penser tranquillement et n’être plus
perturbé par les données du monde sensible, s’était crevé les
yeux et les tympans. Origène, le pauvre, s’était châtré. Ce sont
là des solutions évidemment tout à fait extrêmes, mais comme ce
sont surtout les femmes qui sont responsables de ces tentations (et
on le voit bien par le récit de la Génèse), c’est peut-être elles
qui devraient prendre les mesures qui s’imposent. Je ne parle pas de
la burqa, laquelle est infiniment plus suggestive voire excitante que
la simple nudité, mais la chirurgie esthétique est maintenant très
au point et sans grand danger. Quand une jeune fille est vraiment
très belle, si on lui coupait le nez, par exemple, elle attirerait
moins l’attention, susciterait moins le désir qu’une certaine pitié
lorsqu’on la croiserait dans la rue. Les femmes ainsi enlaidies
seraient infiniment plus tranquilles en tous lieux. Jacques de
Voragine, dans sa Légende dorée, rapporte le cas de Sainte-Paule
dont la statue plonge quelquefois dans la perplexité les touristes
qui visitent certaines églises : elle a visiblement un corps de
femme mais porte une barbe qui lui tombe jusqu’au nombril. C’est elle
qui l’a demandée à Dieu, cette barbe, et il la lui a accordée.
Trop belle, elle était sans cesse confrontée au désir masculin.
Barbue, elle a pu enfin se consacrer à l’amour sacré sans plus
jamais avoir à affronter la corruption des amours profanes.
La question que pose cet article est vraiment essentielle et
torturante. Le péril impose de trouver rapidement des solutions. Puissent mes modestes suggestions rencontrer un jour l’assentiment des pouvoirs publics.