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Commentaire de Christian Labrune

sur Pornographie : l'addiction du siècle ?


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Christian Labrune Christian Labrune 13 avril 2012 10:53

@gordon71

" il se trouve juste que je suis Père et qu ’à ce titre j’ai la prétention de transmettre à mes enfants quelques bribes de l’expérience que j’ai pu accumuler et adjoindre à ce que mes parents eux m^mes m’ont transmis et notamment que l’« Amour » et la sexualité peuvent être sources de bonheur et d’équilibre pour l’humain.
mon propos n’est pas tant de l’ordre de l’injonction et de cet affreux mot qui vous fait transpirer d’effroi « la morale » "

Le premier impératif de la morale, me semble-t-il, c’est de ne rien imposer à autrui qui puisse être de nature à le faire souffrir, à moins qu’autrui ne soit masochiste et qu’il n’éprouve une grande jouissance dans la douleur, à moins qu’on n’ait soi-même de sérieuses dispositions pour le sadisme. Encore faudrait-il, avant d’entrer dans ces sortes de relations, s’être enquis de ce que l’autre désire réellement, ce serait bien la moindre des choses, non ? Je suis un peu fouriériste, comme vous pouvez le voir, et je m’accommode sans a priori d’une morale assez minimale qui se contenterait d’accoupler ces « passions complémentaires » que le cher utopiste voulait promouvoir.

Or, nous avons été jetés vous et moi dans une situation particulière qui s’appelle l’existence sans qu’on ait jamais pris soin de nous demander si cela nous convenait, et nous souffrons quotidiennement. Quand bien nous n’avons ni mal aux pieds ni mal à la tête et même si nous jouissons de ce silence des organes qui s’appelle la santé, nous souffrons quand même de toute sorte de maux abominables : c’est le pauvre bougre qui vous demande un euro à l’entrée du métro, c’est la bêtise incurable sur Agoravox, ce défouloir des haines les plus répugnantes, c’est la lecture débilitante des journaux et les flaques de sang quasi quotidiennes du journal télévisé. Ce supplice se prolonge un certain nombre d’années et ensuite, c’est la mort ; ce sera bientôt l’euthanasie : la rencontre finale du tueur des hôpitaux qui nous fera « dégager » parce qu’il faut de la place pour les suivants, etc. Bref, c’est la vie, un fruit à moitié pourri qu’il faudra bouffer jusqu’à l’asticot qui dort en son centre. Si on fait le bilan, les maux l’emportent largement sur les petits plaisirs et je suis d’accord sur ce point avec Schopenhauer et la tradition bouddhique : le néant serait hautement préférable. Pour être heureux dans ce monde, il faut être profondément masochiste ou un peu con. Je ne le suis pas, hélas.
Arrivée à l’âge des rhumatismes, Madame de Sévigné écrit à sa fille qu’elle aurait préféré « mourir entre les bras de sa nourrice ». Elle sait qu’il va lui falloir mourir bientôt d’une manière ou d’une autre et cela la désespère ; elle n’aime plus la vie mais elle a plus encore horreur de la mort. Je la comprends. Si j’avais pu avoir avec ma mère une sérieuse conversation avec elle avant de naître, je vous le dis tout net, je lui aurais conseillé d’avorter. Le malheur, c’est qu’on rencontre toujours trop tard ses parents pour que ces sortes de conversations décisives puissent avoir lieu.
Autrefois, les enfants surgissaient dans le monde on ne sait trop comment, les parents ne les avaient pas voulus. Ils s’étaient agités confusément avec toute l’énergie d’une jeunesse qui ne réfléchit guère et le petit crétin ne tardait pas à surgir, ahuri, hurlant d’horreur comme le font tous les nouveaux-nés. C’était ainsi, on n’y pouvait rien. On n’avait pas vraiment voulu lui infliger ça, on n’avait pas voulu non plus qu’il disparût un jour, et on pouvait raisonnablement espérer qu’on ne le verrait jamais mourir, on serait parti bien avant ça.
Nous n’en sommes plus là. Je n’ai jamais voulu être cause de la mort d’un autre être et par conséquent je n’ai pas fait d’enfants. La contraception, ça marche extrêmement bien, je peux vous le garantir. Vous me voyez donc fondé à considérer que les gens de ma génération sont responsables non seulement de la naissance mais aussi de la mort d’enfants qu’ils ont fait tomber dans le grand merdier où nous pataugeons sans même avoir eu la politesse de leur demander au préalable si cela leur convenait. A leur place, j’adopterais plutôt un profil bas.

Vous concevrez aisément, ces choses étant dites, que la posture du Père de Famille ne me paraisse en rien respectable. Le Père de Famille est d’abord un pervers sadique irresponsable et je vois pas qu’il puisse avoir rien de positif à transmettre, sinon l’exemple une très sinistre inconséquence. Tout ce qu’il peut souhaiter, c’est que ses descendants soient suffisamment masochistes pour jouir des maux que la vie leur infligera, soit assez stupides pour que lui soit épargnée cette petite répréhension très morale que je viens d’écrire.





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