Une sombre inquiétude semble gagner les rangs des adorateurs du bulletin
de vote à l’approche du premier tour de l’élection présidentielle :
l’abstention menace !
Alors que durant des mois les instituts de sondage ont « oublié » de
nous faire part du taux d’abstention estimé, voilà que soudain les
politiques, aidés en cela par les commentateurs autorisés du Médiatisme,
mettent l’accent sur ce phénomène, qu’on peut raisonnablement supposer
important pour qu’ils s’en émeuvent à ce point.
Il est amusant de constater que, dans leur appel éploré lancé aux
éventuels abstentionnistes, chaque candidat s’imagine que si ces
derniers, dans un sursaut citoyen de dernière minute, se rendaient
finalement aux urnes, ils voteraient forcément pour lui. Car dans leur
argumentation d’une logique implacable il est bien entendu que, pour la
gauche, l’abstention fait le jeu de la droite, et que pour la droite
celle-ci favorise la gauche. C’est quasiment scientifique !
Plutôt que de se demander si l’éternel choix entre peste et choléra, si
la désespérante situation économique et sociale comme la perspective,
quel que soit l’élu, de continuer à vivre des lendemains désolants y
seraient un peu pour quelque chose ; plutôt que d’envisager le rôle joué
dans cette désaffection par le fossé grandissant entre une immense
partie de la population et une classe politique élue que les années de
crise ont épargnée, voire enrichie, la recette demeure éternellement et
stupidement la même : faire culpabiliser le mauvais citoyen renonçant à
son droit et surtout à son « devoir ».
A la traditionnelle accusation de faire le jeu de l’adversaire portée
contre le déserteur des bureaux de vote – reproche d’une rare stupidité
puisque l’adversaire est changeant suivant le camp où l’on se situe –
est venue s’ajouter de plus en plus fréquemment, depuis qu’un parti
nauséabond joue les trouble-fête dans cette comédie, l’accusation de
faire rien moins que le lit du fascisme en refusant simplement de jouer
démocratiquement avec les tricheurs. Le sens de la nuance n’est pas
vraiment la principale qualité de l’électeur militant…
L’actualité, surtout lorsqu’elle est bien dramatique, bien sordide, peut
aussi venir en aide à ceux qui ont entrepris de désigner le coupable,
l’abstentionniste, celui qui portera demain la lourde et honteuse
responsabilité de la défaite – car là où il y a des vainqueurs, dans une
élection, il y a aussi des vaincus, c’est quasiment scientifique.
in:le blog de floréal
paquerettes et caniveau