Les commentateurs inféodés à la médiacratie sont toujours très satisfaits de l’abstention de masse car elle signifie de fait la conservation des équilibres actuels dont ils sont les gardiens. Et en effet, l’abstention profite toujours plutôt à la droite, que ce soit celle de Sarkozy, assumée, ou celle de Hollande, mal assumée. Car ceux qui s’abstiennent en masse, ce ne sont pas les petits propriétaires, ni les grands bourgeois qui historiquement se reconnaissent plutôt dans la droite, mais ce sont les masses populaires divisées, atomisées et sérialisées comme le dit Sartre mais par l’abstention bien plus que par le suffrage universel. Toutes les enquêtes sur le taux de participation par catégories socio-professionnelles que j’ai pu lire le montrent : plus on est précaire, moins on vote. C’est aussi ce que montre l’histoire : dans les années 60-70, il y avait peu d’abstention et le PCF était entre 20 et 30 % à lui tout seul et la SFIO puis le PS étaient sur une ligne réformiste mais radicalement de gauche sous la pression de masses populaires unies dans le vote pour leurs propres intérêts.
Que des gens comme Onfray ne votent pas ne reste qu’une forme de snobisme qui consiste à trouver une sorte d’équilibre intérieur entre le souvenir d’idées sociales auxquelles il a pu adhérer et son intérêt présent qui est plutôt de s’accomoder au final du règne du capital où il a sa petite musique à jouer.
Je dis qu’il y a à choisir entre d’une part la soumission, active ou passive, à la finance mondialisée et d’autre part la résistance à cet ordre des choses et la volonté de promouvoir une autre forme de vie en société, fondée sur l’égalité sociale plus que sur le compte en banque. Vois-tu d’autres choix ici ? Merci de me détromper si tu vois autre chose. Si on choisit la résistance, on choisit l’unité la plus large possible et on se donne les moyens de prendre le pouvoir pour renforcer cette résistance. Dans ce cas on vote FdG. Si au contraire, on choisit la soumission, comme on en a bien le droit, on le fait activement en votant FN, pour dire d’accord aux marchés mais sans les immigrés, en votant UMP pour dire d’accord aux marchés et le plus vite possible ou encore en votant PS pour dire d’accord mais pas trop vite.
Si on prétend ne pas choisir, on laisse les autres choisir à sa place et donc forcément il faut accepter que son consentement au résultat quel qu’il soit finisse par servir à légitimer les politiques adoptées. Je ne dis pas que c’est impossible que la gauche de gauche gagne sans les abstentionniste mais ce serait difficile ; si toutefois cela arrivait, alors ce serait donc aussi grâce à l’acceptation passive des abstentionnistes. C’est comme ce que disait Sartre à propos de la résistance à l’occupant nazi dans sa conférence L’existentialisme est un humanisme juste après guerre : il y avait ceux qui résistaient, ceux qui collaboraient activement et tous les autres qui de fait collaboraient passivement : choisir de ne pas choisir, c’est nécessairement choisir d’apporter son soutien, par sa non résistance même, au pouvoir en place.
Et donc oui, l’abstentionniste est responsable de son consentement à l’ordre existant. Si cet abstentionniste est un précaire qui aurait plutôt de bonnes raisons pour que le principe de l’égalité sociale et ainsi la justice redistributrice soit mis en avant, je dis qu’il est responsable de son propre sort et je l’invite autant que possible à en prendre conscience pour qu’il puisse ensuite choisir en conscience de se soumettre ou de résister.