« J’ai un peu de mal à cerner les postulats sur lesquels nous sommes en desacord. »
Disons que vous faites le postulat que les animaux (disons, les mammifères évolués) sont des êtres conscients, qui peuvent souffrir, et être conscients de cette souffrance. Vous considérez que l’on peut être ami avec un animal.
De mon côté, je fais le postulat que l’émergence de la conscience est un phénomène qui est apparu relativement récemment dans l’histoire de l’évolution, et chez l’homme uniquement pour l’instant. Disons qu’il y a un doute sérieux sur l’existence ou l’absence d’une conscience ou d’une pré-conscience chez nos plus proches cousins hominidés (les anciens pongidés)... L’ontogenèse étant par bien des aspects représentative de la phylogenèse, il n’est pas farfelu de supposer que les chimpanzés, par exemple, disposent d’une conscience semblable à celle d’un nourrisson. Et dans ce cas, on peut parler de souffrance. Pour ce qui est des taureaux et des chiens, je suis à peu près persuadé du contraire. Bien sûr, cela n’implique pas que j’encourage la torture de petits animaux par pur plaisir sadique, c’est dégradant pour l’homme qui s’y adonne. Mais la corrida n’est en rien une torture par pur plaisir sadique, de mon point de vue. Je suis sûr que vous avez un avis opposé sur cette question, restons-en donc là sur la question de la corrida.
Nos divergences de point de vue sur le végétarisme en tant qu’éthique découlent de cette même divergence de postulat initial. Disons que je ne vois pas de paradoxe fondamental dans le fait de prétendre respecter la vie tout en mangeant de la viande, pour s’intégrer dans le cycle de la vie... nous serons à notre tour « mangés » et notre matière sera recyclée. Ainsi vont les choses. La vie n’est pas l’éternité, la vie est un recyclage permanent, une réincarnation de la matière à chaque mort. Rejeter l’idée de la mort n’est pas le meilleur hommage que l’on peut faire à la vie.