@ morice
Charden ne s’est jamais pris pour Rimbaud.
C’était avant tout un compositeur.
Mais qui savait aussi écrire avec talent.
Pour ce qui est de l’album « La Chine » , sorti en 1970, soit AVANT les duos Stone et Charden, voici ce qu’en disaait une critique de Rock and Folk à l’époque :
Il faut parfois
avoir des oreilles. Il faut quelquefois écarter ses œillères ; enlever ses
lunettes déformantes, jeter ses préjugés par la fenêtre, faire son mea-culpa et
partir en pénitence. Douce pénitence quand il s’agit de suivre le chemin musical
d’Éric Charden tout au long des différentes plages de son nouvel album. On
court d’étonnement en surprise, de surprise en admiration. Il y a tout d’abord
cette pochette originale, grande photo dorée pliée en quatre sous une enveloppe
plastique et extérieurement toute noire. Il y a, ensuite, en forme
d’introduction, d’ouverture ou de dédicace, “Mes amis”, surtout faite pour
clouer le bec aux détracteurs de tout poil. “Charden, où as-tu gaulé cet
air-là ?” Ces airs-là, ceux qui suivent, les dix autres de cet album, tous
dissemblables, tous reliés par une même ambiance, une même couleur, la couleur
Charden, ont au-dessus d’eux un souvenir qui plane, comme une sonorité déjà
entendue, une forme déjà vue. La saveur nouvelle excite la mémoire. Les Beatles
(ce n’est pas un hasard si j’en réfère à eux), dans leur génie, se permettent
de faire du “à la manière de”. On retrouve de tout dans leur dernier et génial
double album. Ils se copient eux-mêmes, dans leurs propres tics, leurs manies.
Charden, plus modestement, s’est contenté d’écouter, beaucoup, passionnément.
Il est allé à la bonne source. Mais il a bien digéré la leçon des maîtres. Et
maintenant qu’elle est en lui, il crée. Il part tout seul à la découverte. Tout
seul, non. En compagnie d’une fine équipe. D’abord, Jean-Claude Petit,
compositeur de certaines des musiques mais qui a surtout écrit en collaboration
étroite avec Charden des arrangements formidables, avec un foisonnement
d’idées, de trouvailles. Jean-Claude Petit nous surprend à chaque tour de
sillon. Bernard Estardy, le preneur de son – que ce nom est machiavélique dans
ces cas-là ! – a réussi des enregistrements fidèles mais eux aussi
inventifs, jouant de l’écho et de toutes les ressources modernes de
l’électronique. Et Charles Talar, le directeur de production. L’album dans son
ordonnance finale a été bien composé, bien programmé. Ouverture, chanson
triste, chanson gaie et parodique comme “Rebecca”, clin d’œil 1925. Ou encore
“La Chine”, tube apparent. Il en est de même pour la face B, qui attaque par une
intro très folk, des pas à droite en stéréo que vient rejoindre une guitare
sèche à gauche, puis entrée du chanteur au milieu, bientôt soutenu par des
cordes, et une flûte. Exemple de progression dramatique. Et les surprises
agréables continuent, jusqu’à un autre clin d’œil, “point d’orgue” final :
“La Vie”, musique de ballet, de comédie musicale, hommage à Stanley Donen,
Vicente Minelli ou Georges Cukor. Éric Charden a été beaucoup critiqué. Il le
sera encore sans doute. Les jaloux ne manquent pas. De la gauche vers la
droite, comptez-vous, Messieurs. Je n’aimais pas beaucoup non plus ses chansons
à gimmicks gloutons. Je le prenais pour un imitateur au savoir-faire à toute
épreuve. Un fabricant de tubes. L’apprenti sorcier a cassé sa tirelire,
renversé les éprouvettes, jeté au vent les recettes des maîtres. On ne peut pas
accuser quelqu’un d’être influencé par ce qu’il aime. Surtout quand les maîtres
sont les génies musicaux de la pop music. Charden est maintenant Charden tel
qu’en lui-même les “D.J.” l’ont fait. Un auteur pop. C’est si rare de par ici.
Il faut le saluer. » – Pierre Chatenier.