Bonjour,
Moi il y a un passage d’un livre de Christian Bobin, « La plus que vive » (écrit après le décès de sa femme à 44 ans), que j’ai reçu lors d’une lettre de condoléances, qui m’a beaucoup parlé et beaucoup ému. Le voici :
...Je me promène avec Clémence au parc de la verrerie. Il y a une cabine téléphonique installée pas loin des jeux. Parfois, le mercredi, quand je voyais qu’elle et moi allions rentrer à la maison plus tard que prévu, je t’appelais de cette cabine, je t’expliquais que nous ne serions pas là à l’heure convenue mais que nous rentrerions bien, sains et saufs, barbouillés de rires, qu’il ne fallait pas t’inquiéter. Clémence, une semaine après ta mort, me montre cette cabine dans le parc. “Et si on l’appelait”, me dit-elle. Je la fais entrer dans la cage de verre, je l’installe sur le rebord métallique qui sert pour les annuaires et je la regarde décrocher l’appareil, appuyer sur toutes les touches du cadran, et, pendant plusieurs minutes, se taire, écouter, n’intervenant que pour dire “oui, oui”. A la fin je lui demande : “Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?” Elle me répond : “Elle demande si tout va bien et si on est encore tous ensemble. Je lui ai dit que oui et que je continuais à faire des bêtises avec le gros bêta.” Puis nous sortons de la cabine et revenons au doux travail de rire et jouer.
Il y a mille façons de parler aux morts. Il fallait la folie d’une petite de quatre ans et demi pour comprendre que nous avions peut-être moins à leur parler qu’à les entendre, et qu’ils n’avaient qu’une seule chose à nous dire : vivez encore, toujours, vivez de plus en plus, surtout ne vous faites pas de mal et ne perdez pas le rire."...