Cher π
Votre question
est soit trop ambiguë soit trop « large » : d’un, il faudrait que nous
nous entendions sur le concept « culture » afin qu’il n’y ait pas de
malentendu, de deux je dirai que l’essentiel du discours « politique »
dans les sociétés pré-modernes étaient justement non pas « politique »
mais bien « culturel » : pour une raison assez simple : le pouvoir
politique appartenait à une élite minoritaire (souvent dynastique, castique,
etc…) et que le premier levier de contrôle social était justement le contrôle
de la Culture (par là j’entends le contrôle des producteurs culturels
(religieux, artistes, philosophes, etc…) qui validaient le paradigme en cours
et qui dans le cas opposé soit connaissaient un destin tragique, soit donnaient
naissance à un nouveau paradigme ou nouvelle culture (exemple : le
Protestantisme, les Lumières, etc…)).
Aujourd’hui, le
premier levier de contrôle social étant l’Economie et non plus la Culture, de même
qu’aujourd’hui le pouvoir politique n’est plus le fait d’une élite ou caste
particulière : le discours politique est d’emblée a-culturel même si je
reconnais qu’implicitement il se doit de valider le paradigme en cours
(exemple : se placer dans le champ républicain, accepter les valeurs diplomatiques,
etc… problème étant que de plus en plus de courants et de pensées politiques opposées
à ces valeurs/principes s’affirment et se banalisent plus ou moins).
Sinon, donc pour
revenir à votre question : en évacuant le cas des sociétés historiques
pré-modernes (par là j’entends pré-Lumières, pré-Industrialisation,
pré-démocratiques) : je dirai que oui nous avons effectivement eu plusieurs
manifestations de discours politiques explicitement « culturels » dans
le sens qu’ils s’intéressaient au(x) paradigme(s) qui fondaient leurs sociétés :
je dirai que par exemple le discours colonialiste/impérialiste européen du XIXè
siècle avait une dimension éminemment culturel : il s’agissait bien d’imposer à
l’ensemble du monde (les civilisations autres) de même qu’aux sociétés dont il
était issu : un nouveau paradigme dont les tenants et aboutissants demeurent
toujours présents dans certaines représentations contemporaines de l’Altérité :
la démarche était réellement de nature « démiurgique » ; de même que le
discours nazi ainsi que communiste étaient eux aussi « culturels »
(l’obsession antisémite nazie se fondait bien sur la perception du Juif comme
ennemi culturel/civilisationnel de l’Européen/Aryen (être culturellement pensé
et conçu ; de même que le concept d’ « homme nouveau » propre aux totalitarismes
du siècle dernier se plaçait aussi dans le champ culturel, je pourrai même dire
que le discours révolutionnaire français allait aussi dans ce sens : bref quand
on prend ces quelques exemples, on aurait presque peur mais la période post-GM2
elle aussi a produit un discours de nature « culturel » qui a permis
l’établissement du modèle « démocratie libérale » et a façonné le
paradigme occidental post-GM2 avec tout un réseau de valeurs, principes et
croyances qui en soi forme une culture : le problème étant que l’Histoire a pris
une sérieuse accélération (comparée aux millénaires précédents) et
qu’aujourd’hui un discours politique à même de repenser fondamentalement le
paradigme existant (ici je parle pour l’Occident, d’autres domaines ont à faire
face à cette même problématique notamment l’Islam) qui qu’on le veuille ou non
n’est plus en phase avec le Réel : je pourrai citer pêle-mêle : le mode de
fonctionnement politique de nos démocraties, la question du multiculturalisme
(phénomène récent pour les Européens au final – intra-muros il s’entend), le
système économique (valeur travail et capitalisme), etc… et constater que (simple exemple) nos politiques lorsqu’ils évoquent leurs fantasmes de croissance, de résorbtion du chômage, de valeur travail, etc... semblent ne pas avoir saisi que le progrés technologique en cours conduira inéluctablement à 1) la réduction à la valeur zéro du travail humain (d’abord le travail-force ensuite le travail-cerveau), 2) non pas le chômage de masse mais le chômage total et enfin 3) on ne peut avoir pour projet de société l’obtention de x points de croissance : cela n’est pas la civilisation (si les groupes de chasseurs-cueilleurs encore existant aujourd’hui avaient eu pour seule obsession au cours des millénaires obtenir x points « de chasse » : ils n’existeraient plus aujourdhui). Bref cette incapacité à se projeter et cette fixation dans les mesures-réflexes et l’instantanéité les placent d’emblée hors du champ et historique et culturel : les deux prenant acte et du Temps et du Réel (environnement).
Bref, vous devez
comprendre que pour moi tout ce qui n’est pas Nature est Culture : et que
Politique autant que Religieux qu’Economique ou Technique relèvent du champ
culturel : à l’évidence donc si des problématiques nouvelles surviennent dans ces
champs culturels et bouleversent le paradigme antérieur : il faut donc remonter
à la source et donc la Culture ( : ou la singularité culturelle de telle société
humaine, de telle civilisation, etc…) donc ce qui fonde l’ensemble de nos
représentations, valeurs, principes, croyances, etc…si l’on conçoit la Culture
avant tout comme un système de préservation d’une singularité culturelle (comme
les x formes de vie sont des systèmes de préservation de singularité
biologique/génétique) : l’incapacité à penser ces questions entrainera
inéluctablement la disparition des dites singularités culturelles : ici le
processus de sélection n’étant pas d’ordre naturel mais relève simplement de
l’efficacité d’un modèle culturel et de sa capacité justement à évoluer dès
lors que soit il est menacé soit les conditions et son environnement changent :
ce qui est le cas aujourd’hui.