Même opinion que Laer et Thucydide. Le droit de se suicider est un droit individuel impresceptible qui n’a pas à faire l’objet d’un consensus social genre référendum. A quoi il faut ajouter le droit d’être aidé par un tiers si le candidat au suicide en fait expressément la demande par écrit ou devant plusieurs témoins dignes de foi.
Expérience personnelle : il y a une douzaine d’années un de mes meilleurs amis déprimait. Un jour en début d’après midi il me téléphone pour prendre de mes nouvelles, puis il me dit « au revoir » sur un tel ton que je me précipite en courant chez lui. Je sonne. Pas de réponse. Je défonce sa porte. Il était étendu sur son sofa, déjà assez vaseux, en train de regarder un Bugs Bunny à la télé. Je lui demande ce qu’il a pris. Il me dit qu’il avait pris ce qu’il fallait pour mourir. Je vais voir à la cuisine et je vois dans l’évier une quantité considérable de boîtes d’un médicament.
Etant partisan du droit au suicide, le retourne à ses côtés et me mets à parler avec lui pour essayer d’évaluer s’il était vraiment décidé à mourir ou non. Au bout d’une demie-heure de difficile dialogue, il reprend un réel contact avec moi et le serre dans ses bras en essayant de se livrer. Je me dis alors qu’il n’a peut-être pas tant envie de mourir que ça. J’appelle donc le SAMU.
Dix minutes plus tard, alors qu’il est déjà inconscient, pimpon pimpon, le SAMU arrive. Je demande à ta toubib s’il avait des chances de s’en sortir compte tenu de ce qu’il avait pris. Elle me dit qu’il n’en avait pratiquement aucune : dans le meilleur des cas, il serait réduit à l’état de légume tétraplégique. Il part pour l’hôpital. Je vis une nuit de cauchemar, entre accompagnement de ses autres amis effondrés qu’il faut soutenir et une idée dans la tête : s’il ne meurt pas, je dois aller le tuer à l’hosto pour respecter son droit au suicide. Au matin, heureusement, j’apprends qu’il est mort. Je ne saurai jamais si j’aurais eu le courage de le débrancher.
Après je vous dis pas : j’ai eu un max d’amis et de gens de sa famille qui m’ont accusé d’être en partie responsable de sa mort parce que j’avais attendu une demie-heure à parler avec lui avant d’appeller le SAMU.
Je ne regrette rien. Ce serait à refaire, je referais pareil. Peut-être en me méfiant plus des ultimes témoignages d’affection.
Quant à moi, je préfère bien entendu me suicider que de vivre une vie infernale et dépendante.
Merci à Laurette pour cet article indispensable qui soulève un problème éthique majeur.