Le 6 mai 2007, après une victoire, avouons le, bien plus convaincante que celle de Hollande aujourd’hui, Sarkozy partait diner au Fouquet’s avec les copains et O
on s’imaginait déjà le yacht de Bolloré. On voyait venir une gouvernance de division, d’injustice et de corruption… On entendait tinter les grelots du bling-bling et on s’attendait au pire.
Aujourd’hui aussi, d’ailleurs, on peut s’attendre au pire, mais pour de tout autres raisons. Les choses ont bien changé. En 2007 on voulait croire que la Droite avec Sarkozy damnerait la France. Aujourd’hui, on peut croire, à tort ou à raison, que cette menace s’est bien réalisée, mais la conjoncture et les événements ayant été ce qu’ils ont été, il devient bien douteux qu’il aurait pu en être autrement. Il en reste donc bien peu pour penser que le coup de barre qu’on voudrait maintenant donner suffira à changer le cap… Bien peu, chez ceux qui réfléchissent un peu, pour croire que la Gauche sauvera cette France que Sarko aurait damnée.
Le croire ce soir, peut-être, dans un moment d’euphorie, mais on peut craindre que cette soirée de réjouissances ne soit la dernière d’une phase de bienheureuse innocence. Le pouvoir d’achat va-t-il augmenter ? Va-t-on créer des emplois ? Le déséquilibre des comptes publics va-t-il se régler, la dette se payer, la corruption cesser ? On voudrais le croire. Mais on peut craindre, hélas, que rien ne change et que la désillusion ne vienne s’ajouter aux autres maux dont la société française est atteinte.
Pas par incompétence ou par mauvaise volonté, mais simplement parce que les outils nécessaires ne sont pas accessibles. Croissance, bravo, mais comment, si la France n’a pas le contrôle de sa monnaie pour financer une expansion industrielle, ni celui de ses frontières pour donner un cadre territorial gérable à cette expansion ?
D’où viendra l’appui pour la croissance, quand The Économist, (qui parle pour la City de Londres, là où est vraiment l’argent), dit que « Monsieur Hollande est dangereux » – ce qui est une courtoise, mais impitoyable déclaration de guerre économique – et que notre vieille alliée, l’Allemagne, ne partage pas du tout cette idée de fuite keynesienne en avant dans la croissance ? Quelles sont les hypothèses crédibles de travail ?
Croit-on pouvoir compter sur les USA, qui ont leur propre agenda en cette année d’élections chez eux ? Aurait-on prévu de spectaculaires renversements d’alliances, mettant en cause la Chine ou la Russie ? Pense-t-on que la société française, scindée presque également ce soir entre Droite et Gauche, a en elle le potentiel d’un accord sacré pour s’en sortir seule ?
Peut-on la rêver unie pour une sorte de Valmy économique, dans une austérité qui lui permettrait d’accepter « de la sueur et des larmes » pour un grand bond en avant… alors qu’elle vient justement de dire non à cette austérité ?
On voudrait le penser, mais il faut admettre que ce n’est pas l’hypothèse la plus probable et que les mécanismes qui ont été mis en place récemment pour attaquer la crédibilité de la France en spéculant sur sa dette n’aideront en rien…
Si une telle attaque a lieu, elle sera immédiate, avec pour premier objectif de faire basculer l’opinion populaire avant les législatives, pour priver la Gauche du consensus solide qui lui permettrait de faire front à ses adversaires de l’intérieur et de l’extérieur. Si un tel revirement avait lieu, on aurait en France une présidence de Gauche et une Assemblé de Droite qui se rendraient réciproquement impuissantes.
C’en serait fait, alors, des espoirs de réforme et c’est la Gauche qui sera blamée pour les maux qui s’ensuivront, au cours d’une longue cohabitation qui imposera que la nation reste à genoux aux pieds de ses banquiers, pleurant doucement avec les Grecs et les Espagnols….
Monsieur Hollande fera-t-il que cela n’arrive pas ? Peut-être, si on le lui souhaite très fort. C’est ce qu’on appelle la grâce d’état.
Pierre JC Allard