Vous décrivez brillamment et avec
justesse un certain nombre de mécanismes et je me sens proche de vos analyses sur bien des points. Cependant je suis en
désaccord profond concernant l’origine du « mal ». Je ne pense pas que l’oligarchie
financière soit juste une perversion du système, une dérive due à un
aveuglement idéologique qu’ « on » aurait pu éviter avec moins
de dogmatisme. Ce ne sont pas des
mauvaises idées que nous devons combattre mais un système concret avec des
êtres vivants prêts à le (faire) défendre violemment, un système matériel qui
se nomme capitalisme. Le rôle de la finance et la fuite en avant dans le crédit découlent fondamentalement de l’incapacité organique du capitalisme à
générer la croissance dont il a besoin. Cette crise comme les précédentes est avant tout au départ
une crise de surproduction. Pourtant il n’en
est pas moins vrai qu’a eu lieu un tournant idéologique (dit ultralibéral)
commencé dans la deuxième moitié des années 80 puis s’accélérant après la chute
du Mur de Berlin. Mais c’est en fait la période précédente qui a constituée une
parenthèse « exceptionnelle ». Cette période qui a débutée avec la reconstruction
d’après guerre fût marquée par la division du monde en deux blocs obligeant
les bourgeoisies nationales à incorporer une certaine dose de socialisme dans
leurs programmes économiques, la menace « communiste » les obligeant aussi
à s’entendre mutuellement malgré leur concurrence, au prix de lourdes concessions à l’orthodoxie libérale. De la
même manière, le stalinisme n’était pas
davantage le produit d’un aveuglement dogmatique mais les seules idées en adéquation avec les intérêts de la bureaucratie. Si je vous ai bien compris, la divergence que nous avons a des
conséquences importantes. Car si vous
avez raison alors on peut sauver le système et, moyennant quelques corrections
de tir et des idées plus »
raisonnables », le capitalisme peut encore espérer de beaux jours.