"J’aimerai connaître la définition d’une excessive difformité. À partir
de quel moment une difformité devient-elle excessive ?«
Annie,
Mon expression n’est pas très heureuse, et je m’en suis aperçu trop tard. Je voulais dire simplement que dans un monde civilisé, la nudité n’attire pas particulièrement l’attention. Mais une femme de cent-cinquante kilos - et aussi bien un homme ! - ça se remarque, et c’est moins agréable à regarder qu’un défilé de mannequins !
J’ai écrit ça un peu vite. J’aurais dû ajouter : un corps nu, c’est sans doute un sexe, évidemment, mais aussi deux pieds, deux mains, un ventre, un torse, un dos, bref, tout un ensemble, et cet ensemble n’est que le socle supportant un visage avec ses expressions particulières, lequel fait que ce corps n’est pas perçu simplement comme un corps mais qu’il est une PERSONNE. Dans le port de la burqa et de ses équivalents vestimentaires, ce qui est effacé, gommé, radicalement nié, c’est la personne elle-même, comme si elle ne pouvait être rien d’autre qu’un sexe propre à déclencher immédiatement le rut du comportement bestial.
Sosthène de La Rochefoucauld, ministre des Beaux-Arts sous la très pudibonde Monarchie de Juillet avait imposé qu’on allongeât les jupes des danseuses de l’Opéra. Il avait aussi voulu que, dans les musées, on dissimulât le sexe des statues antiques sous une espèce de petit emplâtre. Dans sa préface à »Mademoiselle de Maupin", Théophile Gautier fera remarquer au grotesque censeur qu’il n’a pas, lui, l’habitude de ne fixer son regard que sur un endroit particulier des statues !
Il souligne par là le caractère extraordinairement frustré et vicieux du regard puritain. Le puritain, qu’il soit chrétien ou musulman (cela procède toujours des interdits religieux) est le type même de l’obsédé sexuel refoulé. Ce qui est obscène ce n’est donc pas la nudité, mais la volonté crispée de la dissimuler qui révèle une profonde ’incapacité à l’envisager sereinement et à discipliner ses instincts.
.