Nommé ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius a, le 21 mai,
appelé la Grèce à « respecter le mémorandum »,car« on ne peut pas à la
fois vouloir rester dans l’euro et ne faire aucun effort ». Trois jours
plus tôt, Sofia Sakorafa avait, de fait, répondu par avance. Qui
est-elle ? Députée du Parti socialiste grec (Pasok), Sofia Sakorafa en
fut expulsée pour avoir voté contre le premier plan d’ajustement. Mais,
le 6 mai, elle fut triomphalement réélue (cette fois sous la bannière de
Syriza), obtenant plus de suffrages qu’aucun autre élu (tous partis
confondus).
Le 18 mai, donc, Sofia Sakorafa déclarait dans une interview à Mediapart
: « Nous voulons rester dans la zone euro. » Cependant : « Demeurer
dans la zone euro ne peut signifier sacrifier un peuple, le laisser
mourir de faim. La question qui se pose maintenant n’est pas celle de
l’euro. Nous luttons pour notre survie. Et si rester dans la zone euro
signifie la destruction de la Grèce, nous devrons en sortir (…). Je ne
comprends pas comment on peut rester dans la zone euro si le prix à
payer est un salaire de 200 euros par mois. » Quant à l’hypothèse de «
renégocier » le fameux mémorandum ? « L’accord ne peut pas être
amélioré. Qu’entend-on améliorer quand la destruction est maintenant
quasi totale ? Il n’y a pas d’argent pour payer les pensions, le droit
du travail obtenu au cours des siècles par les peuples d’Europe a été
détricoté. »
Il n’est pas nécessaire de partager toutes les positions de Sofia
Sakorafa pour reconnaître qu’elle soulève une question majeure pour les
peuples d’Europe, et même pour toute la civilisation humaine : si un
mémorandum (ou un plan d’austérité) conduit à la destruction de tout,
s’il faut sacrifier le peuple pour sauver l’euro, qui prendra la
responsabilité de dire que c’est cela qu’il faut faire ? Les dirigeants
du Pasok ont pris cette responsabilité : ils en ont payé le prix. Qui
prendra cette responsabilité aujourd’hui en Europe ? Ces questions, on
le comprend, ne concernent pas seulement la Grèce. Elles nous ramènent,
en France, au rapport entre le mouvement des électeurs qui, le 22 avril
et le 6 mai, ont exprimé leur rejet des politiques d’austérité dictées
par l’Union européenne, et la politique qui sera effectivement mise en
œuvre par le nouveau gouvernement.