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Commentaire de Morpheus

sur Dr Dominique Dupagne : « Les systèmes fondés sur les rapports de domination ont atteint leurs limites »


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Morpheus Morpheus 5 juin 2012 17:20

@ Véronique Anger-de Friberg

Merci pour cet article et son interview. Un ouvrage que je met dors et déjà dans ma liste de lectures à venir.

@ Dominique Dupagne

Je note, au début de l’interview, l’emploi que vous faites des termes « nature humaine ». J’imagine que vous devez avoir parfaitement conscience de la portée que ces termes peuvent avoir dans la compréhension du phénomène qu’ils veulent décrire ? Ces termes souvent employés depuis des décennies (des siècles ?) découlent, d’après mon analyse, de l’interprétation orientée par la doxa libérale des thèses de Darwin : l’Homme serait par nature un prédateur, au sommet de l’échelle naturelle, un dominant « par nature », et le fonctionnement naturel lui-même reposerait sur la supériorité des plus forts et des plus intelligents, qui ont vocation « naturelle » à s’imposer et à dominer « pour assurer la pérennité de l’espèce ». Une interprétation qui, on s’en doute, va également à ravir avec les religions bibliques, d’où une bonne pénétration de ces idées dans nos sociétés judéo-chrétiennes.

Il semble, selon l’article, que votre analyse dépasse ces thèses, au moins en partie. Puis-je me permettre de vous proposer une approche, sans simple, mais à mon avis pertinente, et avoir votre opinion sur celle-ci ?

Je dirais donc, pour ma part, que l’observation des phénomènes interactifs et évolutifs de l’ensemble des espèces vivantes sur cette planète - dont l’homme fait partie - se caractérise d’avantage par la notion d’adaptation. Les Hommes, comme l’ensemble des espèces vivantes (animales ou végétales), développent des facultés innées permettant de s’adapter à l’environnement afin de permettre la pérennité de son espèce. Cela fait partie de ce que l’on peut qualifier « d’instinct de l’espèce ». Les espèces qui s’adaptent à leur environnement - lui-même changeant au fil du temps - survivent et évoluent, tandis que celles qui ne parviennent pas à s’adapter disparaissent.

Sur cette base, on peut étudier plus spécifiquement le comportement humain (je préfère parler de « comportement » que d’utiliser le terme « nature », qui est fortement connoté et implique une forme de « fatalité génétique incontournable »).

L’être humain n’est ni bon ni mauvais. Il n’est pas « naturellement vertueux », pas plus qu’il n’est « naturellement porté au vice » (croyances d’ordre religieux). Un enfant en bas âge montre effectivement un penchant égoïste, mais ce n’est pas dû à sa « nature » : c’est dû au fait qu’il n’a pas encore intégré entièrement le discernement entre « ce qui est soi » et « ce qui est extérieur à soi ». Au fil du temps, l’enfant apprend que « le monde extérieur » n’est pas « lui », bien qu’il évolue dans cet environnement. Et il développe en grandissant et en évoluant des réponses à différentes expériences interactives avec son environnement.

Placé dans un environnement socioculturel hostile, inquiétant, effrayant, malveillant, où la violence (verbale, physique, psychologique) est quotidienne, la compétition, la domination, etc. sont déterminants, il est logique que l’individu développe diverses réponses modulable afin de survivre à cet environnement : il s’adapte et adopte des comportements afin de trouver sa place dans ce monde-ci.

Placé dans un environnement socioculturel bienveillant, sécurisant, épanouissant, où règne la coopération et l’entraide mutuelle, l’individu sera porté à développer, toujours pour s’adapter à son environnement, des qualités propre à s’intégrer dans ce monde-là.

Selon cette conception, on ne devrait plus parler de « nature humaine ». L’être humain ne se différencierait pas intrinsèquement des autres espèces, mais obéirait au mêmes principes. Ce qui le différencie des autres espèces résulterait donc de la façon différente dont il a conscience de lui-même (car, à leur niveau, beaucoup d’animaux ont conscience d’eux-mêmes, bien que ce ne soit pas à la façon des humains).

On peut également évacuer ce que j’appelle, en référence au film Matrix, le « sophisme de l’agent Smith ». Celui-ci tente de démontrer que les humains ne se comportent pas comme les autres mammifères de cette planète, mais plutôt comme des virus : ils s’installent quelque part, puis se multiplient, se multiplient, jusqu’à épuiser toutes les ressources, ce qui les mène à se déplacer jusqu’à un autre endroit pour survivre. Or, le sophisme de Smith résulte, ici, qu’il n’analyse le comportement humain que dans sa courte période dite « civilisée », c’est-à-dire, grosso modo, depuis la sédentarisation et la « vie dans la cité ». Ce qui serait donc en cause dans ce « dysfonctionnement » ne serait donc pas une quelconque « nature humaine », mais plutôt le produit de la civilisation elle-même !

Cette thèse est brûlante, et en choquera certainement plus d’un, convaincus que la civilisation humaine représente le summum de l’évolution. Sans jeter le bébé avec l’eau du bain, je crois qu’il y a là matière à remettre en question un certain nombre d’idées reçues. C’est en effet avec la civilisation que viennent les structures sociales très hiérarchisées et surtout inégalitaires, la transformation de l’environnement, la sélection de diverses semences (monoculture), les guerres, l’esclavage, les religions codifiées, etc.

Qu’en pensez-vous ?

Cordialement,
Morpheus


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