À Guita
Je vous renvoie à la réponse que j’ai faites par ailleurs
Il convient à mon sens de distinguer l’insulte, comme appel à la haine religieuse, et le droit à la critique argumentée contre des dogmes, idées ou comportements religieux ou non (voire anti-religieux).
Un blasphème n’a à l’évidence pas de sens dans une démocratie pluraliste et anti-théocratique (ce qui est un pléonasme) et je doute que cette proposition confuse est force de loi un jour. Mais cela ne doit pas nous masquer un danger récurrent : celui de monter les croyants ou non croyants les uns contre les autres, jusqu’à une guerre civile avouée ou masquée. Ce qui a un sens donc c’est le délit d’insulte aveugle et indifférencié contre tel ou tel groupe religieux dans son ensemble, qu’il faut aussi distinguer de l’église, imam ou dignitaire religieux (pape compris) , comme machine de pouvoir, jouant un rôle déterminé que l’on a droit de critiquer.
Or détourner dans un sens négatif un symbole religieux qui n’est en rien un dogme, car tout symbole, au contraire d’une dogme, est indéfiniment réinterprétable, peut atteindre sans discernement tous les croyants et mobiliser les autres contre eux, en tant que croyants, est très dangereux pour la paix civile, comme on l’a vu dans l’histoire. C’est alors que l’on peut parler d’incitation à la haine religieuse, ce qui n’a pas grand chose à voir avec le droit de critique : critiquer ne veut pas dire mépriser des symboles religieux mais discuter, voire contester des idées, y compris et surtout des dogmes, et comportements avérés par des arguments précisément ciblés. Dans ces conditions une critique peut être respectueuse des personnes, sinon de leurs idées et comportements.
Toute cette querelle confuse vient de fait que l’on confond critique et insulte d’une part et symbole et dogme d’autre part. Le droit au blasphème n’a aucun sens chez nous, pas plus que le devoir de ne pas blasphémer, le droit de ne pas insulter aveuglément et publiquement sur fond de détournement des symboles est par contre une condition du « vivre avec » pacifiquement, c’est à dire de l’ordre public.
Mais j’ai conscience que ce genre de clarification est difficile, quand les passions collectives l’emportent sur la raison, à savoir le désir de la guerre sur celui de la paix.
Liberté d’expression et islamophobie