Merci pour votre réponse et votre point de vue.
Je voudrais l’approfondir si vous êtes d’accord pour en discuter un peu
Sachant qu’à l’époque, ne se retrouvaient sur l’agora que les hommes athéniens libres, ce qui excluait d’emblée les trois quarts de la population (femmes, étrangers et esclaves), et ceux qui avaient le temps matériel et le désir de s’occuper de la chose publique, la démocratie athénienne telle qu’on l’invoque aujourd’hui n’est-elle pas idéalisée par-rapport à sa véritable signification historique ? Ceux-là donc qui pouvaient, de par leurs revenus, leur statut et leur situation, se permettre de passer du temps à l’agora, ne constituaient-ils pas une forme de démocratie d’exclusion, de ploutocratie comparable à celle que l’on dénonce aujourd’hui ?
Je pense que Socrate était idéaliste. Il était très impulsif. Ne parlait-il pas de son désir d’intervention comme d’un feu brûlant qui impulsait en lui des paroles et des actes irrésistibles face à la bêtise ou à l’injustice ? Il avait même apprivoisé cet absolutisme, et l’avait personnifié comme son génie familier, son daimôn. En ce sens, sa philosophie n’avait-elle pas pour but, non pas de redescendre de l’idéal au réel, mais d’élever le réel vers l’idéal ?
Vous dites que si Socrate avait disposé de moyens de diffusion modernes, il serait probablement mort assassiné. Mais n’est-ce pas ce qui lui est arrivé, finalement, quand il fut condamné par cette même démocratie athénienne à boire la ciguë pour des raisons éminemment discutables ?
Je hasarde une idée : c’est peut-être là, le véritable lien qui unit Socrate à la démocratie athénienne ; enfanté par elle, c’est aussi elle qui l’a tué.
Sa mort n’illustre-t-elle pas mieux que ses dialogues l’essence de son enseignement ? En exigeant des Athéniens qu’ils se connaissent eux-mêmes, Socrate leur disait en somme : regardez-vous Athéniens, vous êtes ivres de votre puissance. L’Agora vous donne l’illusion que l’opinion du nombre fait la raison. Mais l’opinion n’est pas la raison ! La raison exige une responsabilité morale dont vous n’avez de cesse de vous décharger sur le groupe, enfants que vous êtes. Votre démocratie ne vaut pas mieux que le droit de la force : la preuve ? Vous me tuerez pour vous l’avoir dit.
Sur ce, éminemment satisfait de sa démonstration, il est mort serein devant ses disciples éplorés.
Ceci dit, je suis tout à fait d’accord avec vous sur la prédiction que vous faites des nouvelles questions éthiques que ne manqueront pas de poser nos futures formes de gouvernement.