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Commentaire de Christian Labrune

sur Le retour à l'amour


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Christian Labrune Christian Labrune 6 juillet 2012 03:54

"Descartes et sa rationalisation du monde nous a certes apporté la technique, mais il nous a dépossédé de ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécu. Un émerveillement constamment renouvelé de tout ce qui nous entoure. Il nous faut tendre à nouveau vers cette neutralisation du savoir qui permet l’hic et nunc, le ici et maintenant.« 

à l’auteur,
A lire ce que vous écrivez, on se demande si vous avez jamais ouvert une oeuvre de Descartes et vous faites courir en tout cas un très grand risque à tous professeurs de philosophie qui, à mon âge et à cette heure de la nuit prendraient connaissance de votre article : l’infarctus foudroyant, ça existe. Moi-même, voyez vous, j’ai failli en avaler ma pipe.
Je sais bien qu’un absurde lieu commun voudrait que les Français fussent cartésiens ; cela ne signifie pas pour autant qu’ils seraient fondés à dire n’importe quoi du pauvre René.
Au rebours d’une antique tradition maintenue par les clercs du moyen-âge, Descartes ne méprise pas la technique et certes, il considère que l’homme doit se rendre »comme maître et possesseur de la nature« , mais il serait tout à fait abusif d’affirmer qu’il nous a »apporté la technique« . Ce qu’il nous apporte, tout comme son contemporain Galilée, c’est une nouvelle manière de comprendre la nature et d’en rendre compte par des formalismes mathématiques. Vous parlez d’émerveillement ; si la singularité d’une telle démarche, qui nous est désormais familière mais ne l’était guère à son surgissement ne vous paraît pas merveilleuse, c’est que rien ne peut vraiment vous étonner ! Et je ne parle pas de la métaphysique de Descartes : le doute hyperbolique des premières Méditations, c’est quand même autre chose, et de bien plus excitant pour la cervelle, que la répétition inlassable, pendant des siècles, de la phrase un peu simplette des Psaumes qui voudrait que »les cieux et la terre chantent la gloire de Dieu« et qu’il fallût s’attendrir bêtement sur la moindre chose comme le François d’Assise du »Cantique des créatures« . C’est peut-être cette attitude contemplative que vous appelez de vos voeux, après tout, en parlant d’une »neutralisation du savoir« . Retourner à l’étonnement de l’enfant qui se trouve pour la première fois devant une rose et ne dispose même pas encore du mot qui permettrait de la nommer et, en la nommant, de la classer et de ne plus la voir. Ce serait le retour à la chose même ( »die Sache selbst« ) de la phénoménologie husserlienne, le retour à l’expérience antéprédicative.
Mais cela ne peut se faire désormais que par un long détour de la pensée, nous ne sommes plus des enfants et leur authentique naïveté nous est désormais interdite. C’est sans doute ce qui me fait trouver puéril, vraiment primaire (au sens scolaire du terme) et pour tout dire, indigne d’un philosophes, le texte de Camus que vous citez. C’est »beau" à peu près comme une carte postale en couleur pour les touristes. 


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