@ Léo le sage
Cette réforme ne supprimera pas de poste de Juges. Bien au contraire. En s’approchant de l’habéas corpus Anglo-saxon, chaque mis en examen devra être présenté à un Juge (sauf peut-être pour les tout petits délits, afin de ne pas étouffer le système) Donc il faudra recruter massivement des Magistrats.
Comme je l’ai expliqué dans ma réponse à Démosthène, actuellement 95% des infractions ne sont pas présentées à un Juge d’Instruction.
Sur ordre du Parquet, les enquêteurs « instruisent à charge » les faits. Un peu avant la fin de la garde-à-vue, un PV de synthèse est adressé au Procureur qui décide soit de classer sans suite soit de renvoyer devant le Tribunal Correctionnel. Il adresse alors, par fax, une convocation devant la juridiction, qui est notifié sur Procès Verbal au mis en cause. Il ne se passera plus rien avant l’audience. Ni enquête de personnalité, ni examen socio-médical. Une grande partie de ses dossiers concernent des justiciables qui risquent des peines faibles, susceptibles d’être aménagées (port d’un bracelet électronique, TIG, jours amendes, etc ...) Mais les autres se termineront par plus de deux années de prison, avec tous les inconvénients que cela implique tant pour la société que pour les individus.
Le système actuel donne trop de travail aux Juges d’Instruction qui croulent sous les dossiers. Les remplacer par un Magistrat de l’Accusation, qui n’aurait plus que la charge de la preuve, diminuerait plus que sensiblement leur charge de travail qui serait, alors, sans aucune ambiguïté. Le Magistrat Accusateur, au nom de la Société et du Peuple réunit toutes les preuves permettant de faire condamner la personne mise en cause. Le secret de l’Instruction - qui n’existe plus, la procédure est reproduite dans la presse le lendemain des auditions - pourrait être aménagé pour satisfaire la juste information du public mais aussi dans le soucis de la préservation des droits du mis en cause.
L’Avocat, à égalité de droit avec l’Accusation, aurait la mission, en quelque sorte « d’instruire à décharge ».
Je crois qu’il faut réviser notre jugement sur les Avocats.
Il y a les Avocats d’Affaires, souvent regroupés en cabinet importants, dont chaque membre est très bien rémunéré.
Il y a une petite trentaine d’Avocats pénalistes (en défense ou au soutien des victimes) qui atteignent à une certaine notoriété. Ceux-là gagnent bien leur vie, mais aussi interviennent bénévolement sur des affaires médiatiques mais où l’inculpé ou sa famille sont démunis. Les retombées médiatiques tiennent lieu d’honoraires.
Et après il y a l’immense majorité des Avocats, qui ne sont ni des Avocats d’Affaires, ni des réputés pénalistes. Ceux là se divisent en deux catégories, ceux qui ont des revenus de cadres moyens (mais avec risques financiers et heures de travail cumulées) et la deuxième partie ; qui vivote, voire qui est au dessous du seuil de pauvreté. (si,si, cherchez des statistiques : ils sont plus de 50§ au Barreau de Paris, parce que trop nombreux)
Vous seriez effaré de savoir l’état d’endettement de ces professionnels libéraux, qui n’ont pratiquement pas le droit de faire de la publicité pour attirer des nouveaux clients.
Il y a de cela quelques années, seuls les jeunes Avocats, les Avocats stagiaires, acceptaient de plaider des dossiers dans le cadre de l’Aide Judiciaire. Maintenant, beaucoup de cinquantenaires, à la carrière déjà bien posée, ne rechignent pas à traiter ces dossiers. A la différence du Médecin dont les honoraires sont remboursés par la Sécurité Sociale, les Avocats ne voient pas leurs honoraires remboursés aux clients qui, de ce fait, demande des ristournes et toujours des honoraires plus bas. Les domaines du droit où l’Avocat est obligatoire rétrécissent et les cotisations augmentent.
Une défense forte, face à une accusation structuré, apporterait des clients à cette profession sinistrée - ce que ne reconnait-pas l’opinion publique tant l’image du riche Avocat est véhiculé par les médias et les séries télévisés - et donnerait de nouveau le goût des études de droit aux étudiants.
Mais la réforme de la Justice est un énorme chantier.
Une chose est certaine, le gouvernement ne pourra pas s’en exonérer.
Cordialement.
Luc BOUTET