Je ne saurais rien dire d’original sur le fond de votre article
Je vais raconter autre chose.
Sur le site Jules Guesde où j’ai installé des matériels, je n’ai pas remarqué d’animalerie.
L’ambiance y est tendue du point de vue de la sécurité Seveso. L’interdiction de fumer est telle qu’un ouvrier externe ayant été vu fumant dans sa voiture garée sur une grille d’égout (qui peut contenir des vapeurs inflammables) a été viré
Les salariés qui ne connaissent pas les ambiances Seveso sont épargnés de bien des stress.
Un contexte Seveso, s’il est fondé sur des arguments de sécurité indéniables, permet toujours à la direction d’augmenter la paranoïa au-delà du nécessaire afin de monopoliser du temps de cerveau disponible
Quand les salariés Seveso sont concentrés pour respecter les protocoles, leur pensée est entièrement sur des rails placés par la direction. A force de passer des heures avec une pensée sur rails, on perd bien des intelligences et sensibilités.
Les unités sont séparées, chacune cache ce qu’elle fait à l’autre. Plus personne n’a une notion globale de ce à quoi il participe et se contente de ce que la direction veut faire croire.
Même au sein d’un bâtiment spécialisé, tout est encore cloisonné, tant par des portes avec accès limité que par des protocoles de secret et de sécurité dans tous les sens (incendie, contamination chimique, biologique..)
Les employés participent tous à une Chose qui n’est nulle part précisément mais partout quand même.
Même le patron, quand il parle de la Chose, il en raconte les besoins, les objectifs mais il indique ce cette Chose est hors lui et qu’il lui obéit.
Sur l’autre berge de la Seine, rue de la digue, il y a un autre site Aventis
Il comporte essentiellement deux sortes de bâtiments.
L’un à étages avec nef axiale d’allure apte à servir de support à une plaquette commerciale ou de recrutement. Ambiance lumineuse, cafet, ordinateurs, communication, ouverture
L’autre sorte est constituée de deux bâtiments de plain-pied, de 40m x 60 m chacun, quasiment désert d’êtres humains mais contenant des animaux en cage.
Ceux du premier bâtiment ne mettent jamais les pieds dans les deux autres sans raison sérieuse. C’est interdit sous invocation d’hygiène car il ne faut surtout pas contaminer les animaux avant qu’ils subissent des essais.
Ceux du premier bâtiment savent donc ce qui se passe dans le secteur animalier et tirent tout un tas d’Exels à partir des infos qui en remontent mais la plupart ne voient jamais vraiment ce qui s’y passe. Ils n’ont pas à vivre cette ambiance spéciale qui règne dans le bâtiment animalier et qui ne peut pas servir de support à un quelconque marketing de l’entreprise.
Dans le bloc animalier, il y a en permanence un ou deux responsables de protocoles et cinq techniciens de maintenance animalière.
On n’entre vraiment dedans qu’après un protocole salle blanche. Les matériels introduits doivent être décontaminés. Il y a des sas partout et tout est pressurisé avec toutes sortes de détecteurs d’anomalies ou d’intrusion
( Le site étant lui-même totalement clôturé et bordé de détecteurs d’intrusion)
Un couloir distribue des pièces périphériques prennent la lumière du jour à travers des vitrages dépolis. A part les rares personnes qui ont une chose à y faire, personne ne peut voir ce qui s’y passe. Chacune de ces pièces périphériques est soit un labo sommairement équipé où l’on intervient à deux ou trois personnes, soit une salle de dissection avec une paillasse centrale comportant rigoles, égout, et surplombé d’un scialytique. Quand une personne a quelque chose à faire quelque part, elle n’a droit à aller que là. Toutes les portes étant badgées. Il y a partout des grilleurs d’insectes volants des fois qu’un aurait réussi à passer tous les barrages ou qu’il proviendrait d’un animal. Les sols comportent des surfaces adhésives capturant les poussières qui resteraient sous les chaussons et combinaisons pourtant vierges. Il y a des barrières basses qu’il faut enjamber pour poursuivre le couloir. Toutes les surfaces sont lisses, les angles et relevés arrondis. Les paillasses ne touchent pas le sol et sont accrochées au mur.
Du côté intérieur de ce couloir périphérique, il n’y a plus de lumière du jour que de l’artificielle ou le noir, indépendamment de l’heure.
C’est là que sont les animaux.
Tous séparés par catégories avec un paquet de dispositifs de cloisonnement et d’isolation
Et il y a, sur une porte, « Primates non humains »
Derrière sont les singes.
« Primates non humains »
On est dans un endroit complètement conçu par des humains, où des animaux sauvages sont dans des cages en inox, où à part eux il n’y a plus rien de naturel, on est dans un endroit qui serre le coeur et qu’on a envie de fuir puis d’oublier et on lit « Primates non humains »
Que veut dire humain ?
C’est incroyable ce que nous avons manipulé les mots pour faire de humain à la fois la désignation de notre espèce et la désignation d’un sentiment de compassion
Les primates non humain hurlent, les murs très épais ne parviennent pas à masquer leur cris aigus, même en dépit de la bruyante ventilation. On les entend hurler à travers les murs de l’enfer humain.
Les personnels qui bossent là doivent donc dépasser leurs sentiments naturels. Les protocoles très stricts les y aident. Ils sont obnubilés par les procédures et ne se surveillent personnellement et mutuellement plus que sur ce point.
Ils se disent que c’est l’acceptation de ce prodédurisme monopoliseur d’intelligences et de sensibilités ou c’est la porte.
Comme il n’y a qu’eux pour les voir ainsi désensibilisés, ils parviennent assez facilement à ne plus en avoir honte. Ils sont entre eux, en petit groupe, ils ne parlent à personne de cette problématique, alors quand ils rentrent chez eux, ils peuvent voir leurs enfants pas plus gros que les macaques qui hurlent, en jouer devant eux les parents les plus sensibles. « OOOhhhhh chéri, que t’es adorable, tu me fais craquer »
Dans le film Apocalypto, il y a une scène de sacrifice humain très impressionnante.
On ne voudrait pas être à la place du pauvre bougre. Mais tout est clair aux yeux des spectateurs Mayas, y compris leur hystérie. On tremble de trouille en voyant ça et on peut en faire des cauchemars mais la vue d’une salle d’exécution US, parce que nous savons la mécanique administrative qu’il y a derrière, ça nous fait un effet glaçant.
Dans Apocalypto, on voit que c’est l’hystérie chaude qui éventre ou lapide alors que dans nos manières d’exécuter après un jugement institutionnel, on se demande ce qui provoque ce côté inéluctable de la mise à mort.
Ce n’est plus le feu d’une meute qui met à mort c’est la froideur administrative.
Ce n’est plus l’excitation, l’échauffement des esprits à la Rwandaise, c’est le calme institutionnel.
Il est très difficile de stopper une meute de chiens ou de lyncheurs. Mais si pendant un lynchage survient un tremblement de terre, chacun va penser à autre chose et ensuite, à encore bien autre chose.
Alors que s’il survenait un TDT juste avant une exécution US, elle reprendrait inéluctablement ensuite.
Ce calme administratif, alors qu’il semble propice à la discussion, à la dialectique, est en réalité le plus hermétique et têtu qui soit.
On peut voir un DSK accablé par nous tous, voir la seringue s’approcher de sa veine, nous voir écoeurés, constater que nous changeons d’avis, hurler tous ensemble « Nooooon on ne veut plus qu’il meure » rien n’y ferait. Il recevrait quand même le poison.
Pourquoi ?
Ce n’est pas nouveau. Socrate a connu ça. Mais dans son cas la mise à mort aurait pu se passer de différentes manières. Par exemple un type lui aurait tranché la gorge devant cent personnes. Ou il aurait bu lui-même un poison entouré de ses potes. Il serait alors mort parmi des humains, comme dans Apocalypto
Ce qu’on a fait, depuis qu’on a caché les tortures aux yeux du public, depuis qu’on ne veut plus montrer les pilorisations et les empalements, c’est effacer le plus possible l’élément humain qui exécute.
C’était tout de même un plaisir de faire un brin de causette avec le bourreau pendant qu’il soupesait sa hache. C’était agréable et plein de sens de crier ’Viva Zapata’ devant un peloton.
Maintenant on ne veut plus tant d’humanité.
Le condamné doit mourir hors champ de l’humanité. Il existe donc une Chose qui s’interpose entre lui et l’humanité et cette Chose est insaisissable, indescriptible, innommable, glaçante. Il y a forcément de l’humain qui commande cette Chose insensible et elle ne peut -être composée que de la somme de nos insensibilités.
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Que pour une élection n’envoyant personne à la mort, nous procédions par votes, à la rigueur. Mais malheureusement, refusant de prendre le responsabilité qu’avait prise Clovis au sujet du vase, nous en sommes venus à trouver intéressant de voter aussi les mises à mort.
Qui a tué Socrate ? Qui est responsable de sa mise à mort ?
Ceux qui ont voté pour qu’il meure ? Même pas
Car ceux-là peuvent répondre « Si plus de gens avaient voté pour qu’il vive, il aurait été épargné »
Il n’y a donc plus de responsable des mises à mort et depuis longtemps. Mais depuis un siècle, même pour leur exécution il n’y a plus de bourreau humain.
Se suicider devient alors le seul moyen d’être exécuté par un humain sur décision d’une personne précise et qui en assume la responsabilité.
Et les fusillades à la Breivik pourraient bien être la réponse de certains d’entre nous à cette déshumanisation et déresponsabilisation des condamnations et mises à mort.
Dans ce processus, le port d’une cagoule par l’exécuteur occupe une part pleine de signification du même tonneau.
Si l’uniforme avait de tout temps eu un rôle certes de reconnaissance entre deux armées, il avait aussi un rôle de déresponsabilisation.
Les gendarmes avaient donc, même dans leur propre société qu’ils n’ont pas à combattre, des uniformes qui les déresponsabilisent.
Et bien ça ne suffit plus. Nos Polices sont de plus en plus cagoulées.
Qui est responsable ? Personne.
« Mon nom est Personne » est la métis que je déteste le plus chez Ulysse et comme vous le voyez, ça fait des siècles qu’on nous incite à avoir ce comportement d’Ulysse non celui de Clovis.
Ainsi, lorsque de nos jours nous chopons un type qui s’est comporté en Clovis en offrant à sa victime la chance de mourir en toute humanité devant un être humain assumant son geste et ne faisant rien pour s’en cacher, nous le condamnons et l’exécutons en procédant de la Chose.
Les manifestants Espagnols qui essayent d’attendrir la Police s’adressent à la Chose en vain.
24/05 23:46 - TikaSoomak
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24/05 11:28 - Troglodyte
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22/05 10:25 - Noel2412
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10/08 01:05 - Leo Le Sage
@Par easy (xxx.xxx.xxx.174) 9 août 22:38 Vous dites : "Il me semble que se présenter avec son (...)
09/08 22:38 - easy
@ Lionnel et Leo Il me semble que se présenter avec son vrai nom n’ajoute rien au fond (...)
09/08 20:00 - Leo Le Sage
@Par lionel (xxx.xxx.xxx.157) 9 août 11:11 Vous dites à easy : « votre intervention, comme (...)
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