• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Sanofi, une réussite française en clair-obscur

Sanofi, une réussite française en clair-obscur

A l’heure de la réussite du mastodonte du cac40, Sanofi, il est temps de s’intéresser à ce qui se cache derrière la légende dorée du leader de l’industrie pharmaceutique en France.

Christian Lajoux est le directeur de Sanofi en France depuis 2009. Il est également à la tête du LEEM depuis 2006. Portrait de l’un des patrons les plus influents et méconnus du CAC40.

Sanofi ou l’indécence du cac40

 
 Deux informations sont parues à 15 jours d’intervalle, qui montrent le fossé qui se creuse entre des salariés acculés par leur direction, et des dirigeants qui ont perdu de vue – s’ils l’ont jamais connu- le principe de redistribution des richesses au sein d’une entreprise.

Dans un premier temps ; Sanofi l’a annoncé début juillet, le groupe va réorganiser ses activités de recherche de médicaments, de production de vaccins et les fonctions support en France. Les syndicats, dont la CFDT, ont réagi à l’information avec inquiétude, estimant que 1200 à 1500 postes pourraient être concernés par cette décision qui devrait être actée en septembre.

Ces révélations, datant du 5 juillet 2012 n’ont pas empêché, dans un second temps un dirigeant de Sanofi, d’empocher 500 000 euros en levant des stock options, révèle le Parisien mercredi 1er Aout. Hanspeter Spek, président des opérations globales de Sanofi a ainsi effectué deux opérations. La première concerne l'exercice d'options sur 63.000 actions, levées au prix unitaire de 55,74 euros, soit un montant total de 3.511.620 euros. La seconde indique que le dirigeant a revendu le même jour ces actions au prix de 64,33 euros, soit un total de 4 052 569,50 euros. Il aurait donc gagné 540 949,50 euros dans cette opération.

 
Avec un chiffre d’affaire de 30,4 milliards d’euros en 2010 (équivalent au PIB de l’Ethiopie ou du Panama), un résultat net de 5.5 milliards d’euros, le groupe se place deuxième au CAC40. Les pratiques décrites ci-dessus sont le résumé parfait de ce que Gérard Horny appelle « l’indécence du cac40 ». L’entreprise ne semble pas gênée par le fait d’affaiblir (et c est un euphémisme) un pôle clé en matière d’avancée en santé publique, dans la recherche et la vaccination, alors que dans le même temps ses principaux dirigeants se reversent des sommes invraisemblables, à coups de montages financiers. Sans doute que l’objectif pour Sanofi est de se concentrer sur la production de nouveaux médicaments, autrement plus rentables pour le laboratoire, que de financer des vaccins pour des maladies de pauvres, telles que le paludisme. Christian Lajoux, le président directeur général de Sanofi, semble en effet bien plus préoccupé par les actions de lobbying du groupe, (il l’a dit à maintes reprises, la question des visiteurs médicaux est centrale pour lui), que par l’investissement en recherche qui pourrait mener à des avancées majeures en protection de la santé publique.

 Si ce portrait de l’entreprise n’est pas aussi sympathique que son extraordinaire réussite, l’exploration des dessous que celle-ci veut nous cacher est édifiante.

 « Il faut rendre plus compétitive notre situation. Nous sommes dans l'obligation de faire un certain nombre d'adaptations qui améliorent la performance économique des unités industrielles", a résumé Christian Lajoux, sans plus de cérémonie, pour répondre à la question des restructurations.

 Il est vrai qu’être deuxième entreprise en France en termes d’indice au cac40, dégager un chiffre d’affaire de 30 milliards d’euros, n’est pas pour Christian Lajoux un gage de compétitivité. On peut se demander si il n’y a pas dans cette démarche de recherche effrénée du profit un vieux fond de protestantisme puritain américain, rappelant la course à l’enrichissement sans limite décrite par Max Weber au début de l’avènement de l’ère industrielle, course qui a bâti le capitalisme moderne tel qu’on le connaît. Les propos de Christian Lajoux semblent parfaitement logiques, d’une logique implacable quand on les lit. Pourtant, ils sont absolument déraisonnables si on les met face aux chiffres estimant les performances que réalise Sanofi.

Il existe un filtre entre ces déclarations presque mathématiques, et la réalité des salariés, qui ont plus de chance de faire partie d’un plan de restructuration que de goûter au fruit de leur travail acharné.

 Mais plus que ces discours contradictoires, la vraie ambiguïté du laboratoire-entreprise, c’est sa capacité à édicter ses propres règles d’éthique, règles qui semblent en pratique bien peu suivies.
 

 

Une entreprise qui rime avec lobby ?
 

Cette culture du lobby, le patron l’assume voire l’affiche avec panache. Christian Lajoux, dirige également le LEEM (Les entreprises du médicament) depuis 2006, syndicat du milieu pharmaceutique créé en 2002. L’industrie pharmaceutique est sans aucun doute le seul secteur où l’on peut encore voir des situations aussi ubuesques. En effet, voilà un groupe qui lance des recommandations sur les produits de toute la concurrence, édicte les règles d’éthique censées être suivies par les participants, fait office d’agent de liaison médiatique tout autant que de garde-fou moral, dirigé par… le leader du secteur en France !

 Ainsi, quand le PDG d’une entreprise est également chef d’un puissant syndicat dégommant la concurrence, on pourrait croire à une plaisanterie américaine, digne des plus grands films sur les combats de financiers à Wall Sreet. Et pourtant, tout se passe au pays du capitalisme que l’on pensait doux, encore balbutiant, que l’on découvre beaucoup moins protecteur qu’il n’y paraît, surtout depuis que le mot « crise » est entré dans l’inconscient collectif. Car c’est bel et bien en France que ce qui ressemble à un conflit d’intérêt est possible, connu, et non commenté.

L’affaire tristement célèbre du Mediator est un exemple passionnant de la démarche de Christian Lajoux au sein du LEEM. 

On pourrait presque parler de« méthode Lajoux ». Le blog Pharmacritique nous éclaire sur cet épisode datant du 10 janvier 2011 :

 

« Le Médiator et les autres : faut-il avoir peur des médicaments ? 15 pages d'informations et liens utiles

Le lundi 10 janvier 2011 à 19 : 00, j'ai participé à un débat sur la LCP (La chaîne parlementaire - Assemblée nationale), intitulé "Médiator : faut-il avoir peur des médicaments ?" Il s'agissait de situer le Médiator dans le contexte, de comprendre comment ce "drame" - que le patron de l'industrie pharmaceutique Christian Lajoux" désignait comme un "accident" - a pu se produire et si d'autres catastrophes sanitaires sont actuellement en cours ou à venir.

Les participants étaient : Gérard Bapt (député PS, cardiologue de formation), José Duquesnoy (président de l'association des victimes du Médiator ADVM, de la région du Nord), Christian Lajoux (président directeur général de Sanofi-Aventis France et patron du L€€M (syndicat patronal des 300 laboratoires pharma actifs en France) et moi-même (Elena Pasca, philosophe, administratrice de la Fondation Sciences Citoyennes et "auteure" de Pharmacritique). Le débat était animé par le présentateur de l’émission « Ca vous regarde », Arnaud Ardoin . »

 

Voilà donc un débat sur le produit d’un concurrent, supposé nocif (en rappelant qu’aucune preuve n’a été apportée à ce moment devant la justice, le procès n’ayant pas eu lieu), décrit et commenté par le président du LEEM, qui est également celui qui a le plus intérêt à ce que son rival coule ! C’est un peu comme si le procureur était également le témoin cité devant la cour, et que l’affaire concernait en plus son pire ennemi. Une situation stupéfiante, surréaliste, qui ne semble pas une minute égratigner la conscience du PDG de Sanofi, alors que l’on sait son attachement particulier à la déontologie au sein du LEEM. 

 

 L’éthique en façade pour un instrument politique

Car d’éthique, il en est souvent question au sein du LEEM. Il ne faut pas oublier qu’a été créé le CODEEM, « comité de déontovigilance », qui précise sur le site du syndicat :

 

« Notre responsabilité, en tant qu’organisation professionnelle, consiste à permettre à notre industrie de répondre à cette évolution par des comportements responsables. En nous dotant d’une instance interne qui sera force de proposition et d’alerte, avec des moyens et une capacité de sanction, nous contribuons au lien de confiance entre les Français et les entreprises du médicament. En réaffirmant notre mission de santé avec le souci de répondre aux interrogations de la société, le Codeem participe de la volonté d’ouverture du secteur et de son souci de transparence ".

 

Le LEEM faisait également savoir récemment qu’il allait se doter d’une charte de déontologie.

 

« Les industriels du médicament vont se doter à partir de demain d'un code de déontologie européen, pour encadrer leurs relations avec les associations de patients, ont annoncé aujourd'hui les entreprises du médicament (Leem). Il prévoit notamment d'assurer la diversité des financements des partenariats conclus avec les associations, la publication annuelle par les industriels de ces mêmes partenariats et la possibilité de faire arbitrer un différent par le CEMIP (comité d'éthique et de médiation de l'industrie pharmaceutique). Ces engagements s'ajoutent à ceux qui concernent les relations avec les professionnels de santé mais également portant sur la formation médicale continue, les essais cliniques, la visite médicale, la communication sur internet ou encore la presse médicale. » 

 

 L’enfer est pavé de bonnes intentions, proverbe bien connu. Le LEEM semble être un instrument politique de premier choix pour Christian Lajoux, qui justifie la mise à l’écart des laboratoires Servier, pourtant l’un des principaux contributeurs du LEEM, par le tout-éthique… Ainsi, si l’affaire Mediator a peut être ruiné la vie de centaines de patients (à défaut de ruiner leur avocat), elle pourrait bien profiter à un Christian Lajoux prompt à rajouter de l’huile sur le feu par médias interposés, en endossant le costume de moralisateur du secteur dont il est pourtant principal acteur. L’éviction de Servier laisse ainsi plus de place à Sanofi au sein du LEEM, Sanofi qui possède pourtant déjà la direction du syndicat. Dans un secteur où le contrepouvoir est quasi inexistant, il serait de bon ton de pouvoir écarter un concurrent aussi important que Servier, en jouant sur les deux tableaux :

 

- avec la casquette de Président du syndicat, prôner l’éthique et dénoncer une brebis galeuse

- avec la casquette de PDG de Sanofi, écraser la concurrence, peut-être en vue d’un rachat ?

 

 Christian Lajoux pousse l’indécence à son paroxysme, en allant publier un livre sur le produit de son concurrent…

 Une situation particulièrement délicate, qui pose encore la question de l’intervention de l’Etat dans un secteur qui s’autorégule et ne semble plus contrôlé que par l’action de ses lobbyistes.

On peut se demander si le président de Sanofi va faire une note au sein du LEEM concernant les médicaments de son entreprise, soupçonnés d’être dangereux, comme le Multaq  ? Il y a fort à parier qu’on ne le verra alors pas sur les plateaux télé donner son point de vue sur l’éthique de l’entreprise qui le commercialise et la dangerosité du produit… Cette logique, poussée dans ces derniers retranchements, illustre bien la situation catastrophique du secteur pharmaceutique, hanté par le lobbying et le conflit d’intérêt à tous les échelons.

 Le pompier pyromane : comment dans un secteur aussi important et concurrentiel un dirigeant cumule les fonctions.


Moyenne des avis sur cet article :  4.79/5   (19 votes)




Réagissez à l'article

17 réactions à cet article    


  • Flo-rian Flo-rian 8 août 2012 10:36

    Je vous fait part d’un fait relaté par une connaissance travaillant dans cette société :
    Durant les 5 dernières années, la direction à volontairement modifier l’organisation du pôle recherche à plusieurs reprise, ce qu’ils appellent « transforming ». Les chefs de projets se retrouvant déplacés de sujets en sujets en n’ayant jamais suffisement de temps pour approfondir leurs recherches. idem pour les « petites mains » qui réalisent ces recherches (techniciens, ingénieurs...etc)
    Suite à ces 5 années de transforming, le couperet de la direction tombe. Les équipes de recherches ne sont pas assez efficaces, seulement 2 nouvelles molécules à se mettre sous la dent en 3 ans. Voila une bonne raison pour fermer ce pôle recherche qui ne recherche pas assez !!
    bref, des méthodes à gerber.


    • Troglodyte 24 mai 2013 11:28

      Des mots, de la flute, du pipeau, cherchez le dénominateur commun de ces bourreaux en gants blancs. Pendant ce temps, d’autres jouent du violon.


    • Tika Soomak TikaSoomak 24 mai 2013 23:46

      Chez Sanofi, profits et emplois ne font pas bon ménage. L’entreprise soigne ses profits en sabrant ses effectifs en France. Sous l’action de son directeur général Christopher Viehbacher et du conseil d’administration (Jean-René Fourtou, Thierry Desmarest, Igor Landau, Laurent Attal, Claudie Haigneré, …), Sanofric est passé d’une politique industrielle à une politique financiere au profit de ses dirigeants et de ses actionnaires (L’Oréal, Total et différents fonds de pensions).


    • nounourse nounourse 8 août 2012 11:16

      Article très instructif que je répercute ICI ! Merci.
      Mais là où vous ne voyez que du « clair-obscur », je vois une sombre farce totalement immorale !
      Avec les agissements des tristes sires de ce genre, il ne faudra pas s’étonner si un jour des têtes finissent au bout d’une pique .......


      • alinea Alinea 8 août 2012 14:30

        Je vois un panier de crabes ( ou d’écrevisses !), un sac de noeuds et, jouant mon rôle favori de naïve de service, je dirais qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, que l’argent entache tout et que l’on s’en offusque d’autant plus qu’il s’agit de santé !
        Mais ces gens-là, la santé, ils n’en ont rien à fichent ! D’ailleurs leurs merveilleux remèdes sont rarement « sans effet » !


        • easy easy 8 août 2012 15:33


          Je ne saurais rien dire d’original sur le fond de votre article

          Je vais raconter autre chose.

          Sur le site Jules Guesde où j’ai installé des matériels, je n’ai pas remarqué d’animalerie.
          L’ambiance y est tendue du point de vue de la sécurité Seveso. L’interdiction de fumer est telle qu’un ouvrier externe ayant été vu fumant dans sa voiture garée sur une grille d’égout (qui peut contenir des vapeurs inflammables) a été viré

          Les salariés qui ne connaissent pas les ambiances Seveso sont épargnés de bien des stress.


          Un contexte Seveso, s’il est fondé sur des arguments de sécurité indéniables, permet toujours à la direction d’augmenter la paranoïa au-delà du nécessaire afin de monopoliser du temps de cerveau disponible
          Quand les salariés Seveso sont concentrés pour respecter les protocoles, leur pensée est entièrement sur des rails placés par la direction. A force de passer des heures avec une pensée sur rails, on perd bien des intelligences et sensibilités.

          Les unités sont séparées, chacune cache ce qu’elle fait à l’autre. Plus personne n’a une notion globale de ce à quoi il participe et se contente de ce que la direction veut faire croire.
          Même au sein d’un bâtiment spécialisé, tout est encore cloisonné, tant par des portes avec accès limité que par des protocoles de secret et de sécurité dans tous les sens (incendie, contamination chimique, biologique..)

          Les employés participent tous à une Chose qui n’est nulle part précisément mais partout quand même.
          Même le patron, quand il parle de la Chose, il en raconte les besoins, les objectifs mais il indique ce cette Chose est hors lui et qu’il lui obéit.





          Sur l’autre berge de la Seine, rue de la digue, il y a un autre site Aventis
          Il comporte essentiellement deux sortes de bâtiments.
          L’un à étages avec nef axiale d’allure apte à servir de support à une plaquette commerciale ou de recrutement. Ambiance lumineuse, cafet, ordinateurs, communication, ouverture
          L’autre sorte est constituée de deux bâtiments de plain-pied, de 40m x 60 m chacun, quasiment désert d’êtres humains mais contenant des animaux en cage.

          Ceux du premier bâtiment ne mettent jamais les pieds dans les deux autres sans raison sérieuse. C’est interdit sous invocation d’hygiène car il ne faut surtout pas contaminer les animaux avant qu’ils subissent des essais.
          Ceux du premier bâtiment savent donc ce qui se passe dans le secteur animalier et tirent tout un tas d’Exels à partir des infos qui en remontent mais la plupart ne voient jamais vraiment ce qui s’y passe. Ils n’ont pas à vivre cette ambiance spéciale qui règne dans le bâtiment animalier et qui ne peut pas servir de support à un quelconque marketing de l’entreprise.


          Dans le bloc animalier, il y a en permanence un ou deux responsables de protocoles et cinq techniciens de maintenance animalière.
          On n’entre vraiment dedans qu’après un protocole salle blanche. Les matériels introduits doivent être décontaminés. Il y a des sas partout et tout est pressurisé avec toutes sortes de détecteurs d’anomalies ou d’intrusion
          ( Le site étant lui-même totalement clôturé et bordé de détecteurs d’intrusion)

          Un couloir distribue des pièces périphériques prennent la lumière du jour à travers des vitrages dépolis. A part les rares personnes qui ont une chose à y faire, personne ne peut voir ce qui s’y passe. Chacune de ces pièces périphériques est soit un labo sommairement équipé où l’on intervient à deux ou trois personnes, soit une salle de dissection avec une paillasse centrale comportant rigoles, égout, et surplombé d’un scialytique. Quand une personne a quelque chose à faire quelque part, elle n’a droit à aller que là. Toutes les portes étant badgées. Il y a partout des grilleurs d’insectes volants des fois qu’un aurait réussi à passer tous les barrages ou qu’il proviendrait d’un animal. Les sols comportent des surfaces adhésives capturant les poussières qui resteraient sous les chaussons et combinaisons pourtant vierges. Il y a des barrières basses qu’il faut enjamber pour poursuivre le couloir. Toutes les surfaces sont lisses, les angles et relevés arrondis. Les paillasses ne touchent pas le sol et sont accrochées au mur.

          Du côté intérieur de ce couloir périphérique, il n’y a plus de lumière du jour que de l’artificielle ou le noir, indépendamment de l’heure. 
          C’est là que sont les animaux. 
          Tous séparés par catégories avec un paquet de dispositifs de cloisonnement et d’isolation 
          Et il y a, sur une porte, « Primates non humains » 
          Derrière sont les singes. 

          « Primates non humains »

          On est dans un endroit complètement conçu par des humains, où des animaux sauvages sont dans des cages en inox, où à part eux il n’y a plus rien de naturel, on est dans un endroit qui serre le coeur et qu’on a envie de fuir puis d’oublier et on lit « Primates non humains » 

          Que veut dire humain ?

          C’est incroyable ce que nous avons manipulé les mots pour faire de humain à la fois la désignation de notre espèce et la désignation d’un sentiment de compassion
           



          Les primates non humain hurlent, les murs très épais ne parviennent pas à masquer leur cris aigus, même en dépit de la bruyante ventilation. On les entend hurler à travers les murs de l’enfer humain.

          Les personnels qui bossent là doivent donc dépasser leurs sentiments naturels. Les protocoles très stricts les y aident. Ils sont obnubilés par les procédures et ne se surveillent personnellement et mutuellement plus que sur ce point.
          Ils se disent que c’est l’acceptation de ce prodédurisme monopoliseur d’intelligences et de sensibilités ou c’est la porte.
          Comme il n’y a qu’eux pour les voir ainsi désensibilisés, ils parviennent assez facilement à ne plus en avoir honte. Ils sont entre eux, en petit groupe, ils ne parlent à personne de cette problématique, alors quand ils rentrent chez eux, ils peuvent voir leurs enfants pas plus gros que les macaques qui hurlent, en jouer devant eux les parents les plus sensibles. « OOOhhhhh chéri, que t’es adorable, tu me fais craquer »






          Dans le film Apocalypto, il y a une scène de sacrifice humain très impressionnante.
          On ne voudrait pas être à la place du pauvre bougre. Mais tout est clair aux yeux des spectateurs Mayas, y compris leur hystérie. On tremble de trouille en voyant ça et on peut en faire des cauchemars mais la vue d’une salle d’exécution US, parce que nous savons la mécanique administrative qu’il y a derrière, ça nous fait un effet glaçant.

          Dans Apocalypto, on voit que c’est l’hystérie chaude qui éventre ou lapide alors que dans nos manières d’exécuter après un jugement institutionnel, on se demande ce qui provoque ce côté inéluctable de la mise à mort.
          Ce n’est plus le feu d’une meute qui met à mort c’est la froideur administrative.
          Ce n’est plus l’excitation, l’échauffement des esprits à la Rwandaise, c’est le calme institutionnel.

          Il est très difficile de stopper une meute de chiens ou de lyncheurs. Mais si pendant un lynchage survient un tremblement de terre, chacun va penser à autre chose et ensuite, à encore bien autre chose.
          Alors que s’il survenait un TDT juste avant une exécution US, elle reprendrait inéluctablement ensuite.

          Ce calme administratif, alors qu’il semble propice à la discussion, à la dialectique, est en réalité le plus hermétique et têtu qui soit.
          On peut voir un DSK accablé par nous tous, voir la seringue s’approcher de sa veine, nous voir écoeurés, constater que nous changeons d’avis, hurler tous ensemble « Nooooon on ne veut plus qu’il meure » rien n’y ferait. Il recevrait quand même le poison.

          Pourquoi ?


          Ce n’est pas nouveau. Socrate a connu ça. Mais dans son cas la mise à mort aurait pu se passer de différentes manières. Par exemple un type lui aurait tranché la gorge devant cent personnes. Ou il aurait bu lui-même un poison entouré de ses potes. Il serait alors mort parmi des humains, comme dans Apocalypto

          Ce qu’on a fait, depuis qu’on a caché les tortures aux yeux du public, depuis qu’on ne veut plus montrer les pilorisations et les empalements, c’est effacer le plus possible l’élément humain qui exécute.

          C’était tout de même un plaisir de faire un brin de causette avec le bourreau pendant qu’il soupesait sa hache. C’était agréable et plein de sens de crier ’Viva Zapata’ devant un peloton.


          Maintenant on ne veut plus tant d’humanité.
          Le condamné doit mourir hors champ de l’humanité. Il existe donc une Chose qui s’interpose entre lui et l’humanité et cette Chose est insaisissable, indescriptible, innommable, glaçante. Il y a forcément de l’humain qui commande cette Chose insensible et elle ne peut -être composée que de la somme de nos insensibilités.

          .

          Que pour une élection n’envoyant personne à la mort, nous procédions par votes, à la rigueur. Mais malheureusement, refusant de prendre le responsabilité qu’avait prise Clovis au sujet du vase, nous en sommes venus à trouver intéressant de voter aussi les mises à mort. 

          Qui a tué Socrate ? Qui est responsable de sa mise à mort ?
          Ceux qui ont voté pour qu’il meure ? Même pas
          Car ceux-là peuvent répondre « Si plus de gens avaient voté pour qu’il vive, il aurait été épargné »
          Il n’y a donc plus de responsable des mises à mort et depuis longtemps. Mais depuis un siècle, même pour leur exécution il n’y a plus de bourreau humain.


          Se suicider devient alors le seul moyen d’être exécuté par un humain sur décision d’une personne précise et qui en assume la responsabilité.

          Et les fusillades à la Breivik pourraient bien être la réponse de certains d’entre nous à cette déshumanisation et déresponsabilisation des condamnations et mises à mort. 


          Dans ce processus, le port d’une cagoule par l’exécuteur occupe une part pleine de signification du même tonneau. 
          Si l’uniforme avait de tout temps eu un rôle certes de reconnaissance entre deux armées, il avait aussi un rôle de déresponsabilisation. 
          Les gendarmes avaient donc, même dans leur propre société qu’ils n’ont pas à combattre, des uniformes qui les déresponsabilisent.

          Et bien ça ne suffit plus. Nos Polices sont de plus en plus cagoulées.

          Qui est responsable ? Personne.
          « Mon nom est Personne » est la métis que je déteste le plus chez Ulysse et comme vous le voyez, ça fait des siècles qu’on nous incite à avoir ce comportement d’Ulysse non celui de Clovis.



           
          Ainsi, lorsque de nos jours nous chopons un type qui s’est comporté en Clovis en offrant à sa victime la chance de mourir en toute humanité devant un être humain assumant son geste et ne faisant rien pour s’en cacher, nous le condamnons et l’exécutons en procédant de la Chose.


          Les manifestants Espagnols qui essayent d’attendrir la Police s’adressent à la Chose en vain.



          • lionel 9 août 2012 11:11

            Hormis la référence au psychopathe Breivik qui n’a aucun rapport avec votre sujet (le personnage ne souffrait certainement pas de frustration socio-économique et a été de toute évidence manipulé par certain services occidentaux non étatique pour aller tuer des jeunes engagés politiquement en faveur de la création d’un état Palestinien), votre intervention, comme l’article, sont du plus grand intérêt et d’une grande pertinence. 


            Mais « easy », pour vous taquiner, votre nom est-il aussi simple ? N’intervenons nous pas en majorité sur agoravox en cherchant l’anonymat ? Les services internes de renseignement des psychopathes ne savent-ils pas pourtant qui nous sommes ? Pourquoi alors chercher l’anonymat ?

            respect

          • easy easy 9 août 2012 19:36

            Bonjour Lionel,

            Je réponds volontiers aux questions personnelles
            Easy c’est parce que je suis EurASYen et que je n’aborde les sujets que par leur face nord

            Veuillez reposer vos autres questions de manière plus directe, peut-être les comprendrais-je mieux


          • lionel 9 août 2012 19:59

            Salut easy,


            Mes questions n’étaient en effet pas claires. Elles référaient à l’anonymat et à la déresponsabilisation puisque le sujet était traité dans votre texte au sujet. Je posais donc la question des avatars et pseudos utilisés sur les forums internet qui font le même office.

            Bonne soirée 

          • Leo Le Sage 9 août 2012 20:00

            @Par lionel (xxx.xxx.xxx.157) 9 août 11:11
            Vous dites à easy : « votre intervention, comme l’article, sont du plus grand intérêt et d’une grande pertinence »
            EASY c’est une valeur sure mon cher...

            @Par easy (xxx.xxx.xxx.174) 9 août 19:36
            Vous dites : « Je réponds volontiers aux questions personnelles »
            Etant un de vos admirateurs, si on peut dire çà comme çà, pouvez vous faire un article ?

             
            Cordialement

            Leo Le Sage
            (Personne respectueuse de la différence et de la pluralité des idées)


          • easy easy 9 août 2012 22:38


            @ Lionnel et Leo

            Il me semble que se présenter avec son vrai nom n’ajoute rien au fond de ce qu’on dit sur un forum. Au contraire, un nom connu peut faire écran.

            Je n’ai rien à vendre, je ne drague pas. Je n’ai aucune nécessité qu’on remarque mon nom et laisse la place à ceux qui en ont besoin
             

            Ce qui me semble être important pour nous tous c’est de découvrir des idées de face nord, celles qu’on ne reconnaît pas parce qu’elles ne ressemblent pas à celles qui courent en face sud. Obligé de devoir les connaître, on s’aperçoit que ce n’est pas facile tant on est habitué à reconnaître. On est perdu, on manque de repère, on ne sait plus quoi penser, on n’a pas la réponse en magasin mais on a le nerf de la connaissance innée, celle du bébé, qui se réactive et qui fait un peu de gym

            Comme les facenordistes puisent dans leurs propres idées, ils ne se fondent que sur leur propre expérience de la vie. Ce qu’on entend d’eux semble sortir d’un vécu singulier

            Sans cela, on n’aurait plus que l’impression de parler entre concierges qui répètent les bruits d’escalier sans jamais rien dire d’eux.


            D’autre part, pour avoir été lapidé dans mon enfance parce qu’enfant de parents issus de deux camps ennemis, je crains les meutes. Je redoute aussi les coagulations gentilles en considérant qu’elles cultivent le même principe d’hystérie collective. 


          • Leo Le Sage 10 août 2012 01:05

            @Par easy (xxx.xxx.xxx.174) 9 août 22:38
            Vous dites : "Il me semble que se présenter avec son vrai nom n’ajoute rien au fond de ce qu’on dit sur un forum. Au contraire, un nom connu peut faire écran"
            J’abonde dans votre sens.
            Evidemment si on me demande de choisir, j’aurais été heureux de vous connaître dans la vie réel. smiley
            Mais je comprends votre réticence, que je partage.

            Personnellement je trouve irresponsable de s’afficher en public si on a de la famille.
            Etre connu certes, mais pas jusqu’à se présenter directement sur internet.
            Un pseudo est utile pas pour faire du mal mais pour protéger les siens.

            Croyez moi, beaucoup de monde vous craignent sur Agoravox...
            Et cette crainte est justifiée... smiley
            J’estime que vous affronter nécessite un minimum de culture et de connaissance que peu possèdent.

            Rester positif easy, il n’y a que cela de vrai...

            Merci d’avoir répondu rapidement... smiley

             
            Cordialement

            Leo Le Sage
            (Personne respectueuse de la différence et de la pluralité des idées)


          • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 8 août 2012 15:55

            Bonjour à vous,

            Votre article présente l’intérêt d’appeler à des questionnements multiples qui touchent aussi bien les structures que les personnes appelées à intervenir dans le cadre de ces structures. Dans le cas qui nous occupe, il se trouve que je suis un voisin d’enfance de Christian Lajoux. Je n’ai certes pas suivi la même voie que lui. Me voici écrivain.

            L’extension de mes recherches sur l’histoire de l’économie politique et sur les pratiques de production et de recherche m’a récemment offert le plaisir de travailler à la fois sur le Médiator, et sur la place prise par Sanofi-Aventis dans le développement de l’industrie du médicament tout au long de la petite quarantaine d’années qui constitue l’histoire même du Médiator. Or, pour l’époque récente, Christian Lajoux y occupe une place déterminante.

            Le livre issu de ce travail est sorti il y a un peu moins d’un an : « Une santé aux mains du grand capital ? - L’alerte du Médiator » (Editions Paroles Vives, 2011)

            Christian Lajoux l’a lu dès sa parution, alors que nous nous étions perdus de vue depuis un peu moins de quarante ans.

            J’imagine son grand étonnement. Et j’ai eu, moi-même, il y a quelques semaines, la surprise de découvrir, à travers l’Expansion, qu’il se promettait de publier un ouvrage sur la question du Médiator en septembre prochain. Je ne doute pas une seconde qu’il s’y trouvera des éléments de réponse au mien, tant les documents que j’ai rassemblés sont plus que susceptibles de l’appeler à s’expliquer.

            De façon plus générale, et compte tenu de l’expérience que je peux avoir de la gravité de ce type de question, je ne peux que vous encourager à poursuivre l’important travail que vous réalisez ici vous-même. Très cordialement à vous,

            Michel J. Cuny

             


            • lionel 9 août 2012 11:42

              Calmos,


              Je m’étonne de vos écrits. Vous semblez vous acharner sur les « bobos », ce qui ne veut objectivement rien et tout dire. 

              Y a t’il une définition objective de ce terme utilisé à toute les sauces ? 

              En revanche, pourquoi ne pas avoir la même rage vis à vis d’individus comme les dirigeants de cet entité malfaisante qu’est Sanofi, qui démontrent objectivement leur psychopathie à ceux qui en connaissent les critères reconnus ?

              Le dessin animé « les Bisounours » ne banalisait pas les comportement pathologiques et encourageait à une vie sociale harmonieuse... 

              Personnellement j’ai la rage contre ceux qui considère la gentillesse comme une tare ou une faiblesse à exploiter.





            • lionel 9 août 2012 13:51

              Calmos, Rassurez vous, je n’était pas choqué. 

              je me permet en revanche d’approfondir la problématique posée par le fait objectif qu’entre 1 et 5% de la population est constituée de « robot biologique » qui ont les caractéristiques auxquelles vous faites allusion. Ils se retrouvent par opportunisme dans toutes les organisations qu’ils infectent de leur vision pervers du monde. 

              Il semble aussi qu’un certain nombre de personne appelée parfois personnalité autoritaires soient enclines par une faiblesse psychologique, à suivre les « hommes forts » ; les autorités, les manipulateurs. 

              Notre ignorance de la psychopathie, notre incapacité jusqu’alors à avoir des termes et critères objectifs ne peuventt que leur permettre de se camoufler et de laisser les « gens normaux » se « bouffer le nez » et croire que l’humain est pourri. Les dirigeants d’entreprises générateurs de souffrances et de façon ultime de destruction, les politiques inféodés à la très haute finance qui ont saboté l’idée de droite ou de gauche, ne sont-ils pas avant tout des « malades » avant d’être des « bobos » etc...

              Si vous ne savez pas vraiment ce qu’est la psychopathie, pas besoin de chercher dans les recoin obscurs, voici les premières références google. En revanche pour qui fouille le sujet, il existe des analyse bien plus complètes et même d’excellent documentaires en anglais. 

              http://fr.wikipedia.org/wiki/Psychopathie

              http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/principales_maladies/niv2/psychop athie-psychopathe.htm

              Et pour une étude de leur impact au plan social et politique :http://www.amazon.fr/La-ponérologie-politique-appliqué-politiques/dp/2916721126&nbsp ;

              La majorité d’entre nous humains, préférons les valeurs humaines éthiques, les bisoux et nous nous émouvons devant un ourson ou un enfant.

              Courage




            • Ruut Ruut 9 août 2012 16:04

              Le monde du travail est loin du monde des Bisounours.
              Il est a l’image de la vie.


              • Noel2412 22 mai 2013 10:25

                dans le monde des bisounours, on entrave la libre concurrence et on se prend 40 millions d’euros d’ammende aussi ?

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès